RD Congo – Fin du mandat de Kabila : ce que dit vraiment l’arrêt de la Cour constitutionnelle

Sur requête de plus de la moitié des députés nationaux de la RDC, la Cour constitutionnelle a prononcé mercredi son arrêt en interprétation au sujet de la date de la fin du second mandat de Joseph Kabila si la présidentielle n’est pas organisée dans les délai constitutionnels. Décryptage en trois points.

Joseph Kabila, le président de la RD Congo, le 7 novembre 2008 à Nairobi. © Sayyid Azim/AP/Sipa

Joseph Kabila, le président de la RD Congo, le 7 novembre 2008 à Nairobi. © Sayyid Azim/AP/Sipa

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Publié le 12 mai 2016 Lecture : 4 minutes.

Pourquoi la Cour constitutionnelle a-t-elle été saisie ?

Dans son arrêt prononcé le 11 mai, que Jeune Afrique s’est procuré, la Cour constitutionnelle de la RD Congo rappelle qu’elle a été saisie pour interpréter notamment l’article 70 alinéa 2 de la Constitution.

Il s’agissait en effet de répondre à la requête de 286 députés de la Majorité présidentielle (MP) qui estimaient que « deux opinions s’affrontent autour des conséquences devant découler de la fin du mandat du président de la République, au cas où l’élection de son remplaçant n’est pas organisée dans le délai fixé par la Constitution », soit d’ici fin novembre.

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Selon ces députés, on retrouve d’un côté ceux qui soutiennent que le président Joseph Kabila, « arrivé à la fin de son mandat, doit demeurer en fonction en attendant l’installation effective de son successeur élu, laquelle sera matérialisée par la prestation de serment et la prise de ses fonctions, et ce même au cas où l’élection présidentielle aurait lieu au-delà du délai fixé par la Constitution »; et de l’autre, ceux qui considèrent au contraire que « la fin du mandat [de Joseph Kabila] non suivie de l’installation effective du nouveau président élu crée la vacance de la présidence de la République (…), auquel cas la fonction de président de la République est assurée par le président du Sénat ».

Quid de la fin du mandat présidentiel de Joseph Kabila ?

Pour la Cour, l’article 70.2 de la Constitution est clair : « À la fin de son mandat, le président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau président élu. » En conséquence, cette disposition « ne nécessite pas, en principe, d’interprétation », explique-t-elle. Autrement dit, « pour consacrer le principe de la continuité de l’État », Joseph Kabila pourra rester en fonction jusqu’à ce que un nouveau président élu soit investi.

Objectif de la Constitution : éviter le vide constitutionnel

Se référant à la « synthèse du débat général d’avril 2005 sur l’avant-projet de la Constitution », la Cour rappelle toutefois que le « deuxième alinéa [de l’article 70] a été ajouté (…) afin d’éviter le vide constitutionnel ». Ce que confirme le politologue et constitutionnaliste congolais Bob Kabamba, qui avait pris part, en tant qu’expert, à l’élaboration de la Constitution de la RD Congo. « À l’époque, le pays sortait d’un long conflit armé et le constituant ne voulait pas consacrer une situation de non-continuité de l’État : il ne fallait pas qu’on se retrouve avec un président sans effectivité de son pouvoir le jour où il devrait, par exemple, déclarer la guerre », se souvient-il.

Contrairement à l’avis du ministère public – celui du premier avocat général en occurrence – qui avait suggéré à la Cour de souligner « qu’en cas de non organisation de l’élection présidentielle dans le délai constitutionnel, le président arrivé en fin de mandat demeure jusqu’à l’installation effective du nouveau président élu », les juges constitutionnels se sont abstenus de faire, dans le dispositif de l’arrêt, une quelconque allusion à la tenue, ou non, de la présidentielle en RD Congo dans le délai constitutionnel. Contacté par Jeune Afrique, un magistrat qui a pris part aux débats a refusé de commenter cette « omission ». « La Cour a rendu son arrêt, c’est à elle de faire ce commentaire », lâche-t-il.

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Y aura-t-il une vacance du pouvoir après la fin du mandat de Kabila ?

Comme à la question précédente, la Cour se contente de rappeler les dispositions constitutionnelles relatives à la vacance du pouvoir. Celle-ci ne peut intervenir, selon elle, qu’« en cours de mandat » et ne peut être décrétée qu’en cas de décès, démission ou toute autre cause d’empêchement définitif du chef de l’État, entendez « la situation où le président de la République se trouve dans l’impossibilité absolue d’exercer les fonctions qui lui sont dévolues (…) ».

La Cour rappelle enfin que c’est à elle qu’incombe de l’obligation de « déclarer, sur saisine du gouvernement », la vacance du pouvoir en RD Congo. Ce qui « [libère] la classe politique du poids de discuter des institutions [et] qui doit permettre à cette dernière de se concentrer sur la question de l’organisation des élections », a confié à l’AFP Henri Mova, secrétaire général du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, au pouvoir).

L’opposition se trompe d’arguments, selon Bob Kabamba

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Mais l’opposition ne l’entend pas du tout de cette oreille. « Si la présidentielle ne se tient pas dans les délais constitutionnels, le 19 décembre M. Kabila doit quitter le pouvoir », a déclaré à Bruno Tshibala, porte-parole de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti de l’opposant historique Étienne Tshisekedi. Pour lui, « l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle est une imposture ».

De son côté, le député Francis Kalombo n’estime pas que la Cour a donné un blanc-seing intégral au président Kabila. « En insistant sur ‘l’installation effective du président élu’, la Cour oblige en fait les autorités, comme la Constitution d’ailleurs, à organiser les élections du nouveau président dans les délais constitutionnels », martèle ce proche de Moïse Katumbi, candidat déclaré à la présidentielle.

« L’opposition se trompe d’arguments en s’appuyant sur des dispositions constitutionnelles qui ne nécessitent aucune interprétation tellement elles sont claires », rétorque quant à lui Bob Kabamba. Pour le chercheur, les détracteurs de Kabila devaient plutôt « saisir la Cour constitutionnelle et lui apporter des éléments qui prouvent que le gouvernement a, de manière intentionnelle, bloqué la tenue des élections dans les délais, tant sur le plan du financement des scrutins, de la révision du fichier électoral que celui de l’arsenal juridique avec ces réformes électorales qui se font toujours attendre ».

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