Yahya Jammeh à J.A. : « Je ne suis qu’un dictateur du développement »

Il n’est pas ce que l’on peut appeler franchement un ami des médias et des journalistes. Le président gambien, Yahya Jammeh, a pourtant exceptionnellement accepté d’accorder, il y a quelques jours, une interview à Jeune Afrique. À paraître dans son édition 2890, en kiosques à partir du 29 mai.

Yahya Jammeh et son épouse, Zineb,  à Washington, le 5 août 2014. © Susan Walsh / AP / SIPA

Yahya Jammeh et son épouse, Zineb, à Washington, le 5 août 2014. © Susan Walsh / AP / SIPA

Publié le 29 mai 2016 Lecture : 2 minutes.

Égal à lui-même, aussi franc que radical, il a pendant près de deux heures accepté de répondre à toutes nos questions. Vêtu de son éternel boubou blanc, chapelet à la main, assis dans un confortable canapé, Yahya Jammeh regarde les infos sur Al-Jazira. L’heure tardive de l’entretien (3h du matin), ne le dérange pas. À 51 ans, il avoue ne pas beaucoup dormir, « de 45 minutes à 1h par nuit», y étant habitué depuis l’époque où il était soldat. Il veillera jusqu’à la prière du « Al-Fajr » (prière de l’aube) de toutes les façons, « so let’s talk » (parlons, en anglais).

Politique intérieure, conflit avec le voisin sénégalais, relations avec ses homologues africains ou occidentaux, homosexualité ou islam, le dirigeant n’élude rien et campe sur ses positions extrêmes, qui lui valent depuis plusieurs années déjà une réputation d’autocrate fantasque. « L’homosexualité n’est pas africaine, elle n’est pas humaine, dit-il encore aujourd’hui. Et je trouve qu’il est important de le dire, car c’est une menace pour l’humanité. L’homosexualité ne sera pas tolérée dans ce pays. Les Occidentaux peuvent dire ce qu’ils veulent, et s’ils les veulent tant [les homosexuels, NDLR], qu’ils fassent venir des avions ici et qu’ils les ramènent dans leurs pays. Qu’ils viennent les chercher, je ne les y empêcherai pas ! »

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Jammeh asssume tout

À six mois de la présidentielle de décembre, celui qui se représente pour la quatrième fois à sa propre succession et qui cumule déjà 22 ans au pouvoir, est confronté à une opposition qui se fait de plus en plus entendre depuis quelques semaines à travers des manifestations, très souvent réprimées. Un opposant, haut cadre du Parti démocrate uni (UDP), est même mort en détention à la mi-avril, après avoir participé à l’une de ces marches. Là aussi, Jammeh assume.

Des gens qui meurent en détention ou durant des interrogatoires, c’est commun

« Où est le problème ? Des gens qui meurent en détention ou durant des interrogatoires, c’est commun ! », s’exclame-t-il, avant de dire au Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon et à l’ONG Amnesty International, qui réclament l’ouverture d’une enquête, « d’aller en enfer ». « Je ne ferai aucune enquête », tranche-t-il.

Fier de son bilan à la tête du pays, Yahya Jammeh met en avant le fort taux de scolarisation de son pays (86%), l’espérance de vie (60,2 ans), son système de santé, l’ordre qui y règne… Et qu’importe si, selon lui, la communauté internationale préfère ne mettre en lumière que ce qui la dérange, il ne cherche de toute façon pas à lui plaire : « Pour les Occidentaux, qui sont habitués à des chefs d’État africains qui ne sont que des béni-oui-oui, et ont la même indépendance que Mickey Mouse, je ne peux être qu’un dictateur. Donc oui, j’en suis fier, « because, I lead, I don’t follow (je dirige, je ne suis pas) ».

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La une de J.A. 2790. © J.A.

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