Retour sur le parcours d’Émile Derlin Zinsou, ancien président du Bénin

L’ancien chef de l’État s’est éteint dans son sommeil dans la nuit du jeudi 28 juillet à son domicile à l’âge de 98 ans. Renversé par un coup d’État après seulement dix-huit mois d’exercice, ce farouche opposant au général Kérékou aura toutefois accédé à la plus haute fonction durant cette période charnière des premières années du Dahomey. Retour sur les grandes dates qui ont marqué sa vie.

Émile Derlin Zinsou, en 1970. © Guy Le Querrec/Archives Jeune Afrique

Émile Derlin Zinsou, en 1970. © Guy Le Querrec/Archives Jeune Afrique

Publié le 1 août 2016 Lecture : 4 minutes.

Le Dr Émile Derlin Zinsou est décédé dans la nuit du jeudi 28 au vendredi 29 juillet à son domicile dans le quartier de la Patte d’Oie, à Cotonou où il a passé les dernières années de sa vie. Neuf mois après le décès de l’ancien président Kérékou. « La nation perd un digne fils, homme d’État émérite (…) qui a consacré toute sa vie au service de la patrie », a déclaré le président du Bénin, Patrice Talon, dans un communiqué le soir du 29 juillet. Trois jours de deuil national ont été décrétés.

Médecin, très tôt engagé en politique

Né à Ouidah le 28 mars 1918, cet ancien interne des hôpitaux de Dakar, docteur en médecine de la faculté de Paris, Dr Émile-Darlin Zinsou a rapidement délaissé les services hospitaliers pour s’engager en politique. En France, du temps de la colonisation, puis dans son pays après l’indépendance, le 1er août 1960.

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Père de cinq enfants, il a été tour à tour sénateur, député, ministre de l’Économie et du Plan, des Affaires étrangères, président de la Cour suprême, et premier ambassadeur du Dahomey en France durant les premières années d’indépendance. 

« Chez lui, l’ambition n’est jamais en sommeil, l’intelligence est vive, le discours brillant, le charme efficace », souligne Jeune Afrique le 30 juillet 1968, trois mois après son accession à la plus haute fonction de l’État. « Il a attendu son heure », récompense de vingt ans de luttes politiques, « mêmes les plus ingrates », ajoute l’article. 

Président aux premières heures de l’indépendance

À l’âge de cinquante ans, c’est lui que le lieutenant-colonel Alley et la junte militaire proposent comme président de la République, après l’échec de l’élection présidentielle du 5 mai 1968 boudée par les électeurs et annulée dans la foulée compte tenu de la faible participation (moins de 25%).

Propulsé au pouvoir, Émile Derlin Zinsou insiste personnellement pour convoquer un référendum afin de montrer qu’il détient son mandat de la volonté populaire. Celui-ci a lieu le 28 juillet 1968. La participation avoisine 73%. Et 74% des électeurs approuvent le choix des militaires : un plébiscite. Sa décision de convoquer un référendum est également perçue comme une marque d’indépendance vis-à-vis de ceux qui lui ont confié la présidence. Un geste qui déplaît à certains officiers et qui aura de lourdes conséquences.

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Victime d’un coup d’État après dix-huit mois d’exercice

Dans les premières heures de la matinée du 10 décembre 1969, après seulement dix-huit mois d’exercice, Émile Derlin Zinsou est renversé par le chef d’état-major des forces armées, le lieutenant-colonel Maurice Kouandété. C’est le cinquième coup d’État qui secoue le Dahomey, désormais surnommé « l’enfant malade de l’Afrique », depuis son indépendance en 1960

Son erreur, c’est d’avoir « cru qu’en rétablissant le crédit de l’État à l’extérieur et en gouvernant rationnellement de l’intérieur, (Émile Derlin Zinsou) allait faire connaître à ses concitoyens une ère nouvelle. Il avait compté sans les démons traditionnels de la vie politique dahoméenne », écrit Justin Vieyra, journaliste à Jeune Afrique, dans la foulée de son éviction en décembre 1969. Mais, « à une époque difficile, (Émile Derlin Zinsou) mis le meilleur de lui-même au service du Dahomey. De cela, on peut lui en être reconnaissant », souligne-t-il dans son édito.

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Farouche opposant de Mathieu Kérékou

Acquis aux idées libérales, séduit par les démocraties occidentales, Émile Derlin Zinsou deviendra ensuite l’un des plus farouches opposants du général Mathieu Kérékou, qui a dirigé le pays de 1972 à 1991, puis de 1996 à 2006.

Accusé de « trahison », Emile Derlin Zinsou a été condamné pas moins de trois fois à la peine de mort sous le régime du général Kérékou. Chaque fois par contumace puisque depuis le milieu des années 1970, il vit en exil en France avec sa famille.

Ainsi, il n’assistera pas à son procès devant le tribunal révolutionnaire de Cotonou qui, le soir du 24 mai 1979 le condamne à la peine capitale pour son implication dans la tentative de coup d’État contre Kérékou, le 16 janvier 1977. Ce jour-là, un DC-7 chargés de mercenaires à la tête desquels se trouve le sulfureux Bob Denard a débarqué à l’aéroport de Cotonou. Le raid ne durera finalement que quelques heures.

Émile Derlin Zinsou rejette en bloc ces accusations. « Jamais on n’a réussi à prouver le moindre des reproches qui me sont adressés. Chaque fois que la situation devient intenable pour eux, les militaires de Cotonou ressortent la fable du complot zinsouiste, pour faire diversion », confie-t-il à l’époque à Jeune Afrique (numéro du 6 juin 1979).

Zinsou et la transition démocratique

L’opposant repose le pied au Bénin, après deux décennies d’exil à l’occasion de la Conférence nationale des forces vives de février 1990 à laquelle il est convié en qualité de « sage », en tant qu’ancien dirigeant.

À partir de cet événement pionnier qui permit au Bénin d’achever sa transition démocratique, les relations entre les deux ennemis jurés s’améliorent. Le Émile Derlin Zinsou est même nommé conseiller spécial du général Kérékou lorsque ce dernier accède de nouveau au pouvoir à la suite de l’élection présidentielle du 18 mars 1996. Quelques mois plus tard, les deux hommes sont assis l’un en face de l’autre lors d’un dîner organisé en octobre 1996 par le ministère français des Affaires étrangères en l’honneur de Mathieu Kérékou. Le lendemain, c’est au tour de Zinsou de se voir remettre les insignes de la Grande-Croix de la Légion d’honneur des mains du président Jacques Chirac.

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