Le cas de Germain Katanga témoigne des progrès de la RD Congo en matière de justice

Cette tribune a été cosignée par Myriam Raymond-Jetté, chef de mission pour le Programme de la RDC du Centre international pour la justice transitionnelle.

Germain Katanga à la CPI, en mai 2014. © AP/SIPA

Germain Katanga à la CPI, en mai 2014. © AP/SIPA

Paul Seils 2
  • Paul Seils

    Paul Seils est vice-président du Centre international pour la justice transitionnelle.

Publié le 8 août 2016 Lecture : 3 minutes.

Condamné une première fois par la Cour pénale internationale à 12 ans de prison, Germain Katanga pensait être libéré en janvier. Il avait en effet purgé la fin de sa peine de 12 ans dans une prison de Kinshasa. 

Mais les autorités congolaises souhaitant le poursuivre pour de nouveaux chefs d’accusation, il a été maintenu en détention. Une démarche inédite, à la fois pour la CPI et pour la RDC.

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Le président Kabila avait demandé au procureur de la CPI de se pencher sur les crimes de la RDC en 2003, parce que les conditions ne permettaient pas aux fonctionnaires nationaux de le faire.

La décision de maintenir Katanga en détention et de le poursuivre indique-t-elle que ces conditions ont considérablement changé ?

Certains pourraient se demander s’il est judicieux, au regard des ressources limitées de la RDC, de poursuivre quelqu’un qui a déjà été condamné par la CPI.

Un grand nombre d’auteurs de crimes internationaux n’ont pas encore été poursuivis devant les tribunaux de la RDC. En l’absence de données officielles, la recherche du Centre international pour la justice transitionnelle (ICTJ) indique que moins de la moitié des 39 cas de crimes internationaux portés devant les tribunaux dans l’est du pays de 2009 à 2014 ont été traités. La plupart des crimes internationaux ne sont pas traduits en justice du tout.

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Changement de mentalité

Le président de la Haute cour militaire de la RDC, le Général major Bivegete, a estimé lors d’un entretien avec l’ICTJ au sujet de la décision de poursuivre de Katanga que « l’accent ne devrait pas être mis sur le rôle de la CPI dans le traitement de ces crimes, mais sur la responsabilité de la RDC de les poursuivre ».

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Ces mots montrent un changement de mentalité.

L’idée n’est pas de minimiser le rôle de la CPI en RDC ou de se retirer du Statut de Rome. Au contraire, le cas Katanga témoigne d’un système de justice internationale arrivé à l’âge mûr et dans lequel la CPI a joué un rôle crucial. La Cour a aidé les autorités de la RDC à reconnaître leurs responsabilités et à remplir leur fonction en matière de justice.

Pour autant, les défis ne manquent pas en RDC

Pour autant, les défis ne manquent pas en RDC et la plupart des cas de crimes graves sont, par exemple, toujours jugés par des tribunaux militaires. Mais des efforts importants sont menés afin d’améliorer l’efficacité de la poursuite nationale des crimes internationaux.

Par exemple, afin de rattraper ce retard, les magistrats de l’est de la RDC ont identifié des cas prioritaires sur la base de critères tels que la gravité des crimes, le nombre et la vulnérabilité des victimes, et l’impact des crimes sur les communautés. Cette priorisation a permis aux autorités nationales, plutôt qu’aux partenaires extérieurs, de s’approprier des enquêtes.

Reconnaître les progrès accomplis

Certains penseront que les victimes ont attendu la justice trop longtemps. Dans le cas de Germain Katanga, les crimes dont il est accusé ont été commis il y a plus de dix ans. Mais si l’on considère les ressources et la fragilité de la RDC à l’époque, il faut reconnaître les progrès accomplis.

Par ailleurs, le recul qu’offre le temps peut parfois être le meilleur moyen de garantir une justice impartiale.

Grâce à ce genre de précédents, les tribunaux nationaux et internationaux aideront à changer les attitudes quant à ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Et la poursuite de Katanga par la RDC est une étape cruciale dans ce parcours.

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