Château d’eau de l’Afrique du Sud, le Lesotho souffre de la sécheresse

Mohlakoana Molise vit au-dessus de l’immense lac artificiel de Katse, véritable supplice de Tantale pour ce petit agriculteur : son pays, le Lesotho, subit sa pire sécheresse depuis 35 ans, mais l’essentiel de ses abondantes réserves en eau est exporté en Afrique du Sud.

Le berger Ntoaesele Mashongoane à Thaba-Tseka le 13 juillet 2016. © John Wessels/AFP

Le berger Ntoaesele Mashongoane à Thaba-Tseka le 13 juillet 2016. © John Wessels/AFP

Publié le 11 août 2016 Lecture : 3 minutes.

« C’est décourageant, parce que ça pourrait nous servir, on pourrait irriguer nos cultures quand il ne pleut pas. Si seulement ils pouvaient partager avec les villages’ Mais ce n’est pas le cas », se lamente ce veuf de 65 ans.

Emmitouflé dans une épaisse couverture marron, il trie un à un ses grains de maïs devant sa maison ronde au toit de chaume. L’opération ne sera pas longue cette année : il n’a récolté que deux gros sacs, au lieu d’une douzaine d’ordinaire.

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À cause du phénomène climatique El Niño, qui bouleverse le régime des pluies, les récoltes de maïs au Lesotho se sont effondrées à 25 000 tonnes en 2016, contre 78 000 en 2015, d’après le Programme alimentaire mondial (PAM).

Le petit royaume enclavé dans l’Afrique du Sud doit importer de la nourriture de son voisin, aussi affecté par la sécheresse, et le prix du maïs a déjà augmenté de 60 % en un an.

« En septembre, il ne nous restera plus rien », constate M. Molise. « Et je ne sais pas comment on pourra acheter à manger au magasin ».

En contrebas, l’immense lac bleu sombre le nargue entre les chaînes de montagnes brunes et pelées.

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Dans les années 1990, la vallée a été inondée au moment de la construction du barrage de Katse (centre) qui sert à produire de l’électricité et à approvisionner les villes de Pretoria et Johannesburg, au point que le Lesotho a été surnommé le château d’eau de l’Afrique du Sud.

« Avant, en bas, il y avait des champs et des arbres, on pouvait cultiver du sorgho, des haricots, des légumes », se souvient Molise. « Depuis qu’il y a le barrage, même les pâturages, ce sont des déserts ».

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Mirage

Mais malgré la sécheresse, le deuxième plus grand barrage africain remplit ses promesses.

« Il n’est rempli qu’à 63,4 %, ce qui est assez bas. Mais notre business n’est pas affecté par la sécheresse », assure Tatuku Maseatile, manager des opérations à Katse pour l’Autorité de développement des montagnes du Lesotho (LHDA).

« Nous atteignons quand même nos objectifs, aussi bien en termes de génération d’électricité, que d’exportation de l’eau », poursuit-il.

De son bureau avec vue imprenable sur l’imposante barrière de béton, le manager assure que les populations avoisinantes ont beaucoup bénéficié du barrage.

« La LHDA a construit des sanitaires, des cliniques et des écoles transférées au gouvernement. Le projet a permis d’avoir des routes, et beaucoup d’habitants ont été employés pour la construction », énumère M. Maseatile.

Ces routes goudronnées, les femmes les gravissent à pied pendant des heures pour se rendre à la clinique toute neuve de Katse, une fois par mois, quand le PAM distribue de la nourriture.

« Nous donnons quatre paquets de rations de céréales par bébé ou maman enceinte, mais malheureusement, très souvent, le reste de la famille en mange aussi, même les pères », regrette Grace Sello, étudiante en nutrition et stagiaire du PAM chargée des tournées dans les villages.

À Sephareng, près du lac, le robinet est à sec depuis des mois. Les habitants doivent se rendre à la pompe en haut du village, à une bonne demi-heure de marche sur une piste rocailleuse où un faible filet d’eau claire remplit les bidons, tandis que les vaches et les ânes s’abreuvent dans des flaques, maigres vestiges d’un ruisseau disparu.

Dans un pays l’écrasante majorité des familles consomment leur propre production agricole, et où près d’un quart de la population est touchée par le sida, les ONG redoutent des conséquences dramatiques.

D’après les Nations Unies, d’ici la prochaine récolte en 2017, 40 millions de personnes risquent de souffrir de malnutrition en Afrique australe.

‘Je n’ai jamais vu une telle sécheresse », soupire Ntoaesele Mashongoane en contemplant l’immense retenue d’eau, symétrique au ciel. « Il n’y a pas assez d’herbe, surtout pour les brebis et les vaches enceintes », déplore-t-il.

Seule consolation pour ce berger de 32 ans, employé par un fermier qui le paye avec une vache à la fin de l’année : le bétail peut descendre les flancs escarpés de la montagne pour aller boire dans le lac artificiel. Mais pour lui, au quotidien, cette eau reste un mirage.

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