Mali : deux ans après Serval, Aqmi reprend ses quartiers au Nord de Tombouctou

Alors que l’intervention internationale au Mali a débuté il y a précisément deux ans, le 11 janvier 2013, le redéploiement des jihadistes d’Aqmi au nord de Tombouctou est de plus en plus sensible. Avec un nombre croissant d’attaques à la clé.

Les jihadistes d’Aqmi multiplient les attaques au Nord de Tombouctou. © AFP

Les jihadistes d’Aqmi multiplient les attaques au Nord de Tombouctou. © AFP

Publié le 9 janvier 2015 Lecture : 3 minutes.

Début décembre, plusieurs commerçants transsahariens ont fait état de la présence massive de combattants d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) dans la région de Tombouctou, et plus précisément du côté de la frontière avec la Mauritanie. Abdalahi Ould Ali est un commerçant de farine de blé. Il utilise fréquemment les routes du désert pour relier la Mauritanie à l’Algérie, via Tombouctou. Il confie avoir rencontré à plusieurs reprises les jihadistes au Nord-Ouest de Tombouctou.

La dernière fois, c’était mi-décembre, alors qu’il quittait Bassikounou, en Mauritanie, pour rejoindre El Khalil, en Algérie. "Nous venions de traverser les montagnes situées sur la frontière entre le Mali et la Mauritanie [massif du Tibesti, NDLR] et on se dirigeait vers le site Hassi Sidi [à 110km au Nord-Ouest de Tombouctou, NDLR] quand soudain, nous croisons plusieurs pick-up camouflés avec de la boue grise, roulant doucement et se dirigeant vers la frontière."

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"Les occupants étaient des hommes en armes, habillés en tenues de camouflage grises comme la couleur des montagnes de la région, poursuit-il. Il n’y avait aucun doute possible, il s’agissait bien des combattants d’Aqmi qui sont dans cette zone. D’habitude, on ne s’arrête que s’ils nous le demandent, ce qui ne fut pas le cas cette fois-ci", explique le commerçant d’une cinquantaine d’années.

Intimidations et enlèvements

Tous ceux qui croisent la route des jihadistes n’ont pas forcément la vie sauve. Selon une source sécuritaire à Bamako, Aqmi est revenu à son dispositif d’avant 2012, même si le nombre de ses combattants s’est réduit aux alentours de 300 selon plusieurs sources. "Ils distribuent des tracts pour intimider les populations et enlèvent les personnes qu’ils suspectent d’espionnage au compte de tel ou tel pays qui les combat. Ce fut le cas d’un jeune Touareg qu’ils ont ensuite tué au mois d’octobre 2014 à l’Ouest de Tombouctou", assure la même source sécuritaire.

Les combattants d’Aqmi sont si nombreux qu’ils nous apparaissent comme les arbres d’une forêt qui aurait repoussé du jour au lendemain, témoigne un élu de la région.

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"Les combattants d’Aqmi sont si nombreux dans la région de Tombouctou, qu’ils nous apparaissent comme les arbres d’une forêt qui aurait repoussé du jour au lendemain", s’étonne un élu de la commune de Salam qui a requis l’anonymat. "À ce rythme, Aqmi risque même de construire des casernes dans ces montagnes", renchérit une deuxième source sécuritaire.

Qui sont ces jihadistes ? D’où viennent-ils ? Pour un haut gradé d’un pays voisin du Mali, il n’y a pas de nouveaux combattants étrangers venus récemment grossir les rangs jihadistes, il s’agit toujours des hommes de l’Algérien Yahya Abou El Hammam, chef d’Aqmi au Sahara, qui sortent de leur cachette.

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Coopération régionale

"Le 11 janvier 2013, lorsque la France a déclenché l’opération Serval, Paris avait rapidement déployé 4 000 hommes sur le seul territoire malien, aujourd’hui, Barkhane n’en a que 3 000 pour cinq pays, de la Mauritanie au Tchad en passant par le Mali, le Burkina Faso et le Niger, explique l’officier. Le niveau de pression sur Aqmi a baissé. Un exemple : Serval pouvait faire jusqu’à trois cents sorties aériennes par mois, aujourd’hui, c’est à peine si Barkhane en fait une dizaine". Selon lui, tous les groupes jihadistes présents dans le nord du Mali – Mujao ou Ansar Eddine – opèrent parallèlement, mais avec le même objectif : s’attaquer aux forces internationales déployées au Mali".

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Les jihadistes profitent des "faiblesses" de leur ennemi. Et notamment celles de la coopération régionale. "En 2014, la Mauritanie avait demandé à ce que son contingent au sein de la Minusma soit stationné dans cette zone frontalière, mais le gouvernement malien de la transition avait refusé, regrette un diplomate ouest-africain. Aujourd’hui, la Mauritanie est revenue sur sa décision même d’envoyer des troupes au Mali. Mais je suis persuadé que si le président malien Ibrahim Boubacar Keïta se déplaçait à Nouakchott, n’y restait que deux heures et demandait en personne à son homologue mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz d’envoyer à la Minusma des hommes pour boucher ce vide sécuritaire, celui-ci accepterait."

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Par Baba Ahmed, à Bamako

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