Ce jour-là : le 23 septembre 1997, au sud d’Alger, le massacre de Bentalha

Depuis 1991, les civils algériens payent un lourd tribut à la guerre civile qui ravage le pays. Le massacre de Bentalha, en 1997, va constituer l’un des événements les plus atroces de la décennie noire.

« Une madonne en enfer », photo de Hocine Zouarar pour AFP © capture d’écran Youtube

« Une madonne en enfer », photo de Hocine Zouarar pour AFP © capture d’écran Youtube

Publié le 23 septembre 2016 Lecture : 3 minutes.

Dans la nuit du 22 au 23 septembre 1997, la terreur islamiste s’abat sur un petit bourg du sud de la wilaya d’Alger, Bentalha. Depuis le coup d’État des officiers janviéristes, en 1992, pour empêcher la victoire électorale du Front islamique du salut (FIS), l’Algérie s’est enfoncée dans une guerre civile qui oppose l’armée nationale à diverses milices islamistes tel que le Groupe islamique armé (GIA) ou encore l’Armée islamique du salut (AIS).

Huis clos à Bentalha

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La scène qui se produit dans la nuit du 22 au 23 septembre 1997 à Bentalha – similaire à celle qui s’est produite à Raïs, un mois plus tôt -, a tout d’un huis clos. Selon les rescapés, entre une cinquantaine et une centaine d’islamistes armés entrent dans les quartiers périphériques de Bentalha, à haî Boudoumi et haî Djillali. Tandis que certains s’installent à table pour se faire offrir le dîner avant de tuer leurs hôtes, d’autres pénétrent dans les maisons en défonçant les portes au moyen d’explosifs artisanaux.

Entre 19h et 4h du matin, les exécutions se succède à un rythme sauvage. On décapite, on mutile, on égorge. Ni les enfants et les femmes ne sont épargnés. Plus de 400 personnes trouvent la mort cette nuit là.

Les blindés de l’armée algérienne restent immobiles

Alors que les cris de détresse retentissent et transpercent la nuit, on peut apercevoir les blindés de l’armée algérienne, immobiles, à moins d’une centaine de mètres des premières baraques de la ville.

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Au lendemain du massacre, le 23 septembre, dans les cendres des habitations jonchées de cadavres, les rescapés s’interrogent. Pourquoi dans une zone fortement quadrillée par les forces de sécurité, l’armée n’est-elle pas intervenue plus tôt pour empêcher le massacre ? Pourquoi les habitants ont ils entendu à plusieurs reprises un hélicoptère passer au dessus de Bentalha dans la nuit ? Pourquoi les rescapés ont ils entendus de la bouche de leurs bourreaux que « les militaires nous couvrent, ils ne viendront jamais » ?

Tentatives d’autodéfense populaire

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L’armée arguera que les routes permettant d’accéder au village étaient minées et que des islamistes armés assuraient la couverture de ceux qui s’adonnaient au massacre. Mais quelques semaines et mois auparavant, alors que les massacres se succédaient (à Raïs, Beni-Messous…) dans ce qu’on appelle alors le triangle de la mort – la plaine de Mitidja -, les habitants de Bentalha avaient demandé aux autorités algériennes qu’on leur fournisse armes et munitions pour parer à l’éventualité d’une attaque terroriste. Ils avaient reçu une fin de non recevoir.

Pour les militaires, il était en fait inconcevable de livrer des armes à des populations soupçonnées de sympathies avec les islamistes. En effet, Bentalha faisait partie de ce qu’on appelait la ceinture verte autour d’Alger. Les votes du scrutin de 1991 y avaient été à une très grande majorité en faveur des islamistes du FIS.

Un massacre sur fond de négociations secrètes 

Les nombreuses interrogations des habitants de Bentalha ont nourri le doute sur l’identité du groupe armé qui avait perpétré le massacre. Quid du GIA, de l’AIS, des branches armées islamistes autonomes ou même de l’armée algérienne est coupable des atrocités de Benthala ?

En 1997, d’intenses et secrètes tractations ont lieu entre le gouvernement de Liamine Zeroual et la branche armée du FIS, l’ AIS, en vue de parvenir à la paix. Cette dernière lance un communiqué de trêve 48 heures avant le massacre de Bentalha. « L’émir national de l’Armée islamique du salut ordonne à tous les chefs des compagnies combattantes sous son commandement d’arrêter les opérations de combat (…) à partir du 1er octobre 1997 (…) afin de dévoiler l’ennemi qui se cache derrière les abominables massacres… ». De plus, ce n’est pas l’AIS qui opère alors dans le maquis autour d’Alger, mais le GIA…

Quoi qu’il en soit, faute de revendications, le doute plane encore aujourd’hui sur les auteurs du massacre. Pour beaucoup d’Algériens, l’armée, si elle n’est pas un acteur direct du massacre, a été largement complice ne serait-ce que par sa non-intervention… Mais le 13 janvier 2000, la promulgation de l’amnistie générale par le nouveau président Bouteflika dans la loi de la concorde civile enterrera l’espoir d’établir un jour l’identité des coupables des tragiques événements de la nuit du 22 septembre 1997.

Retrouvez ci-dessous le documentaire Bentalha, autopsie d’un massacre de Jean-Baptiste Rivoire réalisé en 1999 :

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