RD Congo : qui sera le Premier ministre du « glissement » ?

S’il a été convenu de donner le poste de Premier ministre à la frange de l’opposition qui participe aux pourparlers en cours à Kinshasa, le nom du futur chef du gouvernement ne sera pas inscrit dans l’accord politique devant être conclu. En conséquence, même si Vital Kamerhe paraît être le favori, d’autres opposants croient encore à leur chance.

Vital Kamerhe, ancien vice-président de l’Assemblée nationale de la RDC, le 17 septembre 2016 à Kinshasa. © Gwenn Dubourthoumieu pour JA

Vital Kamerhe, ancien vice-président de l’Assemblée nationale de la RDC, le 17 septembre 2016 à Kinshasa. © Gwenn Dubourthoumieu pour JA

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Publié le 14 octobre 2016 Lecture : 3 minutes.

« Dans tous les cas, ce sera donnant-donnant : nous signons l’accord et vingt heures plus tard, Vital Kamerhe doit être nommé Premier ministre », lâche, vendredi 15 octobre à Jeune Afrique, un proche de l’ancien président de l’Assemblée nationale. Pour lui, « il n’est pas souhaitable de laisser trop de temps entre la signature du texte et la nomination du nouveau chef du gouvernement ».

Après les « concertations nationales » de septembre et octobre 2013, le président Joseph Kabila avait attendu 14 mois avant de mettre en place le « gouvernement de cohésion nationale », l’une des recommandations des pourparlers d’alors. « Aujourd’hui, le contexte politique avec le spectre du 19 décembre [date de la fin du second mandat constitutionnel de Joseph Kabila, ndlr] nous impose la diligence », ajoute le collaborateur de Vital Kamerhe qu’il présente déjà comme le « Premier ministre ».

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Kamerhe en pole position

En acceptant le « glissement » du calendrier électoral et le maintien au pouvoir de Joseph Kabila au-delà de son second et dernier mandat constitutionnel, Vital Kamerhe et les autres opposants participant au dialogue avec le camp du Président sortant ont en effet arraché en échange la primature.

La conclusion de ce deal interviendra dans les heures ou les jours suivants, selon des protagonistes. « Un accord contraire à la volonté du peuple dont un échantillon de plusieurs milliers de personnes a manifesté à Kinshasa les 19 et 20 septembre pour réclamer le respect de la Constitution », rappelle-t-on du côté du Rassemblement, le principal regroupement de l’opposition rangé derrière Étienne Tshisekedi et Moïse Katumbi.

À l’absence des leaders du Rassemblement, Kamerhe est le seul opposant avec un réel poids politique.

Qu’à cela ne tienne, Vital Kamerhe, fort de ses 1,6 million de voix lors de la présidentielle de 2011 (il était officiellement troisième après Joseph Kabila et Étienne Tshisekedi) et des 18 députés de son parti à l’Assemblée nationale, paraît le favori pour le poste de Premier ministre promis à l’opposition dite « pro-dialogue ».

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« À l’absence des leaders du Rassemblement, c’est le seul opposant à avoir un réel poids politique et l’expérience nécessaire pour conduire un gouvernement », commente un de ses conseillers. Et de rappeler : « Ce n’est pas pour rien qu’il a été désigné co-modérateur du dialogue en cours pour le compte de l’opposition. »

Bitakwira convoite la Défense

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Ces arguments sont-ils suffisants pour décourager les autres prétendants ? Loin s’en faut. Ils sont au contraire plusieurs à espérer voir le choix du président de la République porté sur eux. « C’est Joseph Kabila qui va signer l’ordonnance de nomination », grimace le député Justin Bitakwira, ancien cadre de l’Union pour la nation congolaise (UNC) de Vital Kamerhe.

« Je suis moi-même candidat au poste », poursuit celui qui se présente désormais comme le chef de file d’une « opposition citoyenne » en RDC. « Mais nous allons trouver un consensus », rassure-t-il avant de lâcher qu’il pourrait se contenter du ministère de la Défense. « Ce serait une très bonne chose pour le pays, car je pourrais bien le défendre. Ne suis-je pas un ancien résistant maï-maï ? »

« Nous devons d’abord finaliser l’accord politique qui doit être prêt dans les prochaines 48 heures », estime de son côté le député Jean-Lucien Bussa, rapporteur de l’opposition au dialogue en cours à Kinshasa. Son nom revient pourtant « avec insistance », admet-il, lorsqu’on évoque les prochains Premiers ministrables.

Si je suis désigné Premier ministre, j’espère que Kamerhe n’y verra pas d’inconvénients.

Et si c’était Bussa ?

Est-il intéressé par le poste ? « Il n’existe pas d’hommes politiques sans ambition », répond-il. « Mais au-delà des ambitions personnelles, l’essentiel demeure de garantir au peuple la première alternance démocratique à la tête de l’État ». C’est pourquoi « si c’est Kamerhe qui émerge, je n’y verrai pas d’inconvénients ; et si c’est moi qui sors du lot, j’espère qu’il n’y verra pas d’inconvénients non plus », ajoute Jean-Lucien Bussa qui tient à ce que le « procédé » pour la désignation du futur chef du gouvernement soit clairement défini en amont.

« Même la rue a compris qu’il y a nécessité d’une période transitoire après le 19 décembre, mais contrairement au Rassemblement qui prône une approche chaotique, nous avons choisi une approche civilisée, celle du dialogue », se défend-il contre ceux qui le rangent parmi les opposants qui ont accepté de « glisser » avec Kabila en échange du poste de Premier ministre.

Dans le lot, on cite aussi Samy Badibanga, président du groupe parlementaire de l’UDPS et alliés, Steve Mbikayi, leader du Parti travailliste, ou bien Ne Muanda Nsemi, chef politico-religieux de Bundu dia Mayala (BDM).

Décidément, malgré l’incertitude de l’après 19 décembre, beaucoup de politiques se bousculent encore au portillon pour  le poste de Premier ministre du « glissement ». Une situation qui n’est pas sans rappeler les deux derniers mois de Mobutu au pouvoir.

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