RDC : le remaniement, beaucoup de bruit pour rien ?

Il aura fallu attendre plus d’un an le remaniement annoncé en octobre 2013. Au final, peu de surprises. Joseph Kabila s’est bien gardé de donner des indices sur ses intentions pour 2016.

Le président ne pouvait plus repousser l’échéance. © Gwen Dubourthoumieu

Le président ne pouvait plus repousser l’échéance. © Gwen Dubourthoumieu

ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 22 décembre 2014 Lecture : 4 minutes.

Joseph Kabila, ces temps-ci, c’est un peu l’opposé de Blaise Compaoré – et l’on comprend aisément pourquoi. Lors de ses dernières semaines au pouvoir, le président burkinabè avait pris les événements à bras-le-corps et accéléré son projet de révision constitutionnelle, déclenchant la tempête qui devait l’emporter. Le chef de l’État congolais, lui, s’applique à prendre son temps.

Comme pour mieux anesthésier son opposition et faire patienter ses concitoyens. Le nouveau gouvernement de "cohésion nationale", qu’il avait promis en octobre 2013 dans le fracas de la guerre dans l’Est, a finalement été nommé le 7 décembre, devant un pays endormi par treize mois d’attente et par l’heure tardive de l’annonce (un dimanche soir, peu avant minuit).

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De toute façon, le bouleversement que certains attendaient n’a pas eu lieu. Le Premier ministre, Matata Ponyo, reste à son poste, de même que plusieurs membres clés du dispositif : le ministre de la Communication et des Médias, Lambert Mende, son collègue des Affaires étrangères, Raymond Tshibanda, ou encore celui des Mines, Martin Kabwelulu. Seul changement véritablement visible : la nomination de trois nouveaux vice-Premiers ministres très politiques.

Il y a là Évariste Boshab, secrétaire général du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, au pouvoir), Willy Makiashi, du Parti lumumbiste unifié (Palu), et surtout Thomas Luhaka, qui était jusque-là secrétaire général du Mouvement de libération du Congo (MLC). En l’absence de son leader, Jean-Pierre Bemba, toujours détenu par la Cour pénale internationale à La Haye, il s’agissait du plus haut dirigeant de ce parti d’opposition.

Du point de vue du président, cette manoeuvre a l’avantage d’affaiblir ses adversaires.

Du point de vue du président, cette manoeuvre a l’avantage d’affaiblir ses adversaires. Un accord politique est désormais scellé avec le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, qui a notamment pu obtenir l’entrée au gouvernement de son gendre, Franck Mwe di Malila, et de Michel Bongongo, qui devient ministre d’État au Budget. Rien n’est réglé en revanche ni avec le MLC ni avec le principal parti d’opposition qu’est l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Le seul membre du nouveau gouvernement issu de ses rangs, Daniel Madimba Kalonji, était déjà en rupture de ban.

"Après une si longue attente, cela donne l’impression que la montagne a accouché d’une souris, commente un diplomate européen en poste à Kinshasa. L’entrée des proches de Kengo n’est pas une surprise. Et il n’y a pas d’arrivée formelle des autres grands partis au gouvernement." Pourquoi, dès lors, le président a-t-il pris cette décision ? "Il ne pouvait pas attendre plus longtemps, assure un habitué des cercles du pouvoir kinois. Cela faisait plus d’un an que cette annonce était attendue. Cette situation avait fini par provoquer un choc des ambitions qui pouvait nuire au président lui-même."

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Prix à payer pour la cohésion nationale

Le revers de la médaille pourrait être la difficulté à diriger la nouvelle équipe. Déjà nombreux, les membres du gouvernement deviennent pléthoriques : on compte désormais 47 ministres et vice-ministres (contre 36 auparavant), avec les avantages que cela implique pour chacun d’entre eux. "La cohésion nationale a un prix, a réagi le ministre de la Communication, Lambert Mende, sur les ondes de Radio Okapi. Nous devons le payer."

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Mais l’essentiel est peut-être ailleurs. Des hommes venus de la présidence arrivent ainsi à des postes clés, comme le directeur de cabinet adjoint, Henri Yav Mulang, qui devient ministre des Finances. Au-delà de la victoire que représente son maintien à la primature, le rigoureux Augustin Matata Ponyo, qui n’a jamais manifesté d’enthousiasme pour une prolongation de Joseph Kabila au-delà de la limite constitutionnelle de 2016, est désormais flanqué de vice-Premiers ministres qui seront beaucoup plus difficiles à contrôler que leurs prédécesseurs. Avec son poids politique propre et ses prérogatives importantes (l’Intérieur et la Sécurité), Évariste Boshab ferait presque figure de Premier ministre bis. Il a d’ailleurs longuement fêté sa nomination à Kinshasa.

Joseph Kabila, qui a horreur de se dévoiler, envoie des signaux contradictoires.

Or chacun a remarqué que Boshab était, il n’y a encore pas si longtemps, l’un des plus fervents partisans d’une révision de la Constitution qui permettrait au président de se représenter dans deux ans. Mais dans le même temps, Joseph Kabila, qui a horreur de se dévoiler, envoie des signaux contradictoires : Tryphon Kin-Kiey Mulumba, qui défend la même position, est "rétrogradé" du ministère des Télécommunications à celui – très exposé – des Relations avec le Parlement. Surtout, toute une série d’hommes réputés opposés à ce scénario (Olivier Kamitatu, Banza Mukalay Nsungu ou encore Bolengetenge Balela) font aussi partie de la nouvelle équipe.

Toutes les options restent donc sur la table. Y compris celle, plus probable depuis la chute de Compaoré, de laisser le processus électoral se diluer dans le recensement et le casse-tête des élections locales – ce qui aura pour conséquence inévitable de repousser la présidentielle. Kabila reprend les choses en main. Mais c’est pour mieux temporiser.

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