Maurice : Anerood Jugnauth, le retour du SAJ

L’ancien président mauricien Anerood Jugnauth tient sa revanche. Lors des élections générales du 10 décembre, il a balayé la coalition formée par le Premier ministre Navin Ramgoolam et l’ex-opposant Paul Bérenger.

À 84 ans, le socialiste retrouve le fauteuil de Premier ministre pour un sixième mandat. © Nicholas Larche / AFP

À 84 ans, le socialiste retrouve le fauteuil de Premier ministre pour un sixième mandat. © Nicholas Larche / AFP

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Publié le 22 décembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Raz de marée pour les uns, déroute pour les autres. Quoi qu’il en soit, le résultat des élections générales du 10 décembre peut être qualifié d’historique. L’alliance Lepep conduite par l’ancien président (hindou), Sir Anerood Jugnauth, alias SAJ, remporte 47 des 60 sièges du Parlement et inflige une défaite aussi cuisante qu’inattendue à la coalition "gouvernementale" emmenée par Navin Ramgoolam, Premier ministre depuis treize ans, et son allié de circonstance, Paul Bérenger, leader du Mouvement militant mauricien (MMM).

Profiter de la méfiance suscitée par la réforme constitutionnelle

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"C’est une leçon donnée à l’ensemble de la classe politique par une population lassée des jeux d’alliance entre les principaux partis", explique un politologue local, faisant référence à la volte-face de Paul Bérenger. Officiellement, celui-ci était encore chef de l’opposition lorsque, en septembre, son mouvement a pactisé avec le Parti travailliste (PTr) de Ramgoolam. "Les gens n’ont pas apprécié de voir deux personnalités que tout opposait s’allier pour se partager le pouvoir", reprend notre observateur. D’autant plus que, jusqu’en avril, Bérenger était encore l’allié d’Anerood Jugnauth.

Ce dernier peut savourer sa victoire. À 84 ans, le vieux lion, fondateur du Mouvement socialiste militant (MSM), gagne par KO contre ses deux adversaires. Jugnauth n’a certes ni la personnalité d’un Navin Ramgoolam, qui, malgré son charisme, n’a même pas été réélu dans sa circonscription, ni l’arrogance d’un Paul Bérenger, qui n’hésitait pas à prédire un 60-0 pour son camp.

Il a réussi en quelques semaines à profiter du mécontentement provoqué par le ralentissement économique et surtout de la méfiance suscitée par la réforme constitutionnelle.

Mais, en bon animal politique, il a réussi en quelques semaines à profiter du mécontentement provoqué par le ralentissement économique et surtout de la méfiance suscitée par la réforme constitutionnelle, portée à bout de bras mais très mal vendue par l’alliance PTr-MMM. Père du premier "miracle mauricien", au début des années 1980, SAJ a eu beau jeu d’en prédire un second. Et de pourfendre l’instauration d’un régime semi-présidentiel dans une nouvelle IIe République, qui se ferait "sur et dans le dos du peuple".

Ce n’est pas un hasard si Anerood Jugnauth et ses amis, Ivan Collendavelloo, ancien du MMM, et Xavier-Luc Duval, chef du Parti mauricien social-démocrate (PMSD) et jusqu’en juin ministre des Finances de Ramgoolam, ont baptisé leur mouvement Lepep ["le peuple", en créole]. Au point d’être taxés de populisme. Mais SAJ n’en a cure. Il aime rappeler ses origines paysannes. Et surtout il n’a rien à prouver.

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Sir Anerood est un pragmatique qui ne fait pas de sentiments

Seul dans son pays à avoir occupé les deux fonctions suprêmes – Premier ministre de 1982 à 1995 puis de 2000 à 2003, et président de 2003 jusqu’à sa démission en 2012 -, il est entré dans le sérail politique il y a plus de cinquante ans. Ministre du Développement dès 1965, dans le gouvernement de Ramgoolam père, il participe la même année à Londres aux premiers pourparlers sur l’indépendance de Maurice.

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Joli parcours pour cet avocat désargenté, dont le zézaiement fait encore rire ses rivaux. Ils auraient pourtant dû apprendre à se méfier. Sir Anerood est un pragmatique qui ne fait pas de sentiments, comme sa gestion "musclée" du pays l’a montré. Et bien qu’il soit croyant, il n’est pas du genre à tendre l’autre joue. Il n’a pas digéré ce qu’il considère comme la "trahison" de Paul Bérenger. Nul doute qu’il aura une pensée pour son vieil adversaire à l’heure de prêter serment en tant que Premier ministre, pour la sixième fois de sa très longue carrière.

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