Ce jour-là : le 5 décembre 1952, le syndicaliste tunisien Farhat Hached est assassiné

Comme chaque matin, Farhat Hached doit se rendre au siège du syndicat de l’UGTT, à Tunis. Lorsqu’il quitte Radès, ville de la banlieue sud de Tunis pour se rendre dans la capitale à bord de sa robuste traction noire, il se sait en danger permanent.

Farhat Hached (à g.) et Habib Bourguiba à Los Angeles, aux États-Unis, en septembre 1951.

Farhat Hached (à g.) et Habib Bourguiba à Los Angeles, aux États-Unis, en septembre 1951.

Publié le 5 décembre 2016 Lecture : 3 minutes.

Depuis longtemps déjà, accusations et menaces pleuvent sur le syndicaliste qui lutte pour l’indépendance de la Tunisie. Outre les menaces de morts qu’il reçoit, une violente campagne de presse s’acharne contre lui. Un journal ouvertement pro-colonial, Parisappel même à « frapper à la tête » Farhat Hached une semaine avant ce 5 décembre fatal.

Peu après avoir quitté son domicile, Farhat Hached est pris en chasse par un commando véhiculé. Dans la rue, les rafales de balles s’abattent sur la voiture du leader syndical, plus d’une vingtaine en tout. En voyant la voiture de leur cible tamponner le bas-côté, la voiture des hommes armés s’enfuit. Souffrant de plusieurs blessures mais vivant, Farhat Hached pense alors avoir échappé au pire.

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Mais lorsqu’une voiture s’arrête pour lui venir en aide, un second groupe armé arrive à bord d’un autre véhicule. Là, en pleine rue, les assassins lui portent un coup fatal en lui tirant une balle en pleine tête, puis emportent son corps. Son cadavre est retrouvé un peu plus tard, dans une rue à quelques kilomètres de là.

En milieu de journée, dès l’annonce de la nouvelle, des manifestations éclatent en Tunisie mais aussi dans tout le monde arabe. À Casablanca, des manifestations les 7 et 8 décembre font plusieurs morts, alors qu’on assiste également à des rassemblements de soutien au Caire, à Damas, Beyrouth et en Europe à Milan, Bruxelles et Stockholm. Preuve que la figure indépendantiste tunisienne était aussi devenue une figure internationale respectée au cours de ses 16 années de militantisme.

Le syndicalisme indépendantiste

Dès ses 22 ans, en 1936, Farhat Hached se syndique en adhérant à la section tunisienne de la CGT – la Confédération Générale du Travail. Au milieu des années 1940 il co-fonde l’Union des syndicats libres du Sud dans la ville de Sfax, puis en 1945 l’Union des syndicats indépendants du Nord, cette fois-ci dans la capitale Tunis.

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Le 20 janvier 1946, un grand congrès syndical organisé à Tunis marque la fusion des différents syndicats tunisiens. À cette date est ainsi créé un syndicat uniquement tunisien, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT). Avec ses 32 printemps, Farhat Hached est élu par ses pairs à l’unanimité premier secrétaire général.

Dès le début de son action à la tête de l’UGTT, Farhat Hached appel à l’indépendance tunisienne, notamment en liant indépendance et droits des travailleurs. Engagé aux côtés du Néo-Destour, le natif de Kerkennah devient avec Habib Bourguiba la figure de la lutte indépendantiste, et ce encore plus après janvier 1952 lorsque ce dernier est arrêté.

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Son militantisme pour les droits des travailleurs permet à Farhat Hached de créer des connexions syndicales, mais également de militer à l’étranger pour l’indépendance. Il acquiert une notoriété à l’international – notamment grâce à son adhésion à la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) – ce qui inquiète de plus en plus les autorités françaises. Lesquelles décideront finalement de l’éliminer purement et simplement.

Guet-apens colonial

Son assassinat serait dû à la Main Rouge, un sous-groupe du Sdece – le Service de documentation extérieure et de contre-espionnage français – alias « la machine à tuer des services secrets français » pour Roger Faligot et Jean Guisnel, dans leur ouvrage Histoire secrète de la Ve République.

En effet un document, daté du 3 décembre 1952, montre que le groupe suivait depuis quelques temps les faits et gestes du Tunisien. Le groupe de la Main Rouge savait notamment ou Farhat Hached habitait, mais connaissait aussi ses déplacements, ses fréquentations ou encore les voitures qu’il utilisait.

Hached a bien été assassiné par la Main Rouge, qui en avait reçu l’ordre.

Une enquête sur l’assassinat de Farhat Hached, menée par le Résident général de Tunisie, aboutit en 1955 à un non-lieu. En juillet 2013, lors d’une visite du président François Hollande en Tunisie, les archives françaises sont remises à la famille du syndicaliste, et elles incriminent bien la Main Rouge.

En décembre 2002 dans le numéro 2187 de Jeune Afrique, Antoine Méléro, ex-membre de la Main Rouge, affirmait que c’est bien son organisation secrète qui tua Farhat Hached en cet hiver 1952. « Hached a bien été assassiné par la Main Rouge, qui (en) avait reçu l’ordre (…). La MR était une organisation dont l’État français se servait pour ne pas se mouiller », disait-il.

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