Hommage à Younouss Diallo

Le rideau est tombé sur le lumineux comédien et metteur en scène Younouss Diallo, sénégalais dans l’âme et belge d’adoption.

Younouss Diallo était un Belge d’adoption profondément enraciné en Afrique. © Stef Depover/Les francophonies en Limousin

Younouss Diallo était un Belge d’adoption profondément enraciné en Afrique. © Stef Depover/Les francophonies en Limousin

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Publié le 1 décembre 2014 Lecture : 2 minutes.

Il avait une pointe d’accent belge, une approche artistique intransigeante et des projets plein la tête. Né au Sénégal il y a quarante-six ans, le comédien et metteur en scène Younouss Diallo s’en est allé brutalement le 21 novembre, à Bruxelles, frappé par une hémorragie cérébrale. "Il dégageait une énergie incroyable, comme s’il menait une course folle contre le temps", témoigne son vieux complice, l’auteur et comédien rwandais Dorcy Rugamba. Africains exilés en Belgique, les deux artistes s’étaient connus via leur famille commune : le Conservatoire royal de Liège et le Groupov, un collectif d’artistes multidisciplinaire fondé par Jacques Delcuvellerie.

À la fin des années 1990, ils partagent leur première expérience avec Rwanda 1994, une pièce fleuve de six heures évoquant la genèse et le déroulement du génocide des Tutsis. Une exploration des affres coloniales que Younouss Diallo allait poursuivre en adaptant le Discours sur le colonialisme, qu’il jouera à Fort-de-France devant Aimé Césaire en personne.

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En 2007, avec Dorcy Rugamba et Jacques Delcuvellerie, il donne naissance à Bloody Niggers!, une pièce coup de poing qui scande les crimes de l’Occident conquérant avant d’interpeller vigoureusement l’Afrique sur sa tendance à la victimisation et à la division ethnique. "Il se montrait critique envers la posture d’autocélébration africaine, qui compense un certain mal-être par une tendance à fermer les yeux sur nos propres responsabilités", résume Dorcy Rugamba.

"Bâtard de l’Histoire", Younouss Diallo assumait son héritage métissé né de la confrontation entre l’Afrique et l’Europe. "Il abordait le répertoire occidental sans préjugés, de Brecht à Pasolini, sans éprouver le sentiment de trahir l’Afrique", explique son partenaire rwandais. "Ses racines et sa passion africaines n’ont jamais cessé de le porter", ajoute Jacques Delcuvellerie.

Donner un nouveau souffle à la création artistique contemporaine

De fait, ce Belge d’adoption demeurait enraciné au Sénégal, dont il parlait plusieurs des langues nationales. En 2008, il lançait l’association Fotti Cultures, avec l’ambition de "donner un nouveau souffle à la création artistique contemporaine" dans son pays natal. Chaque trimestre, il venait y animer des ateliers de création qui donnaient lieu à des représentations dans les centres culturels régionaux. Fin 2013, c’est avec les jeunes recrues formées par Fotti que Younouss Diallo allait monter sa dernière création, Xaar Yalla ("en attendant Dieu", en wolof), dont l’avant-première s’est tenue à Dakar.

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Si la carrière de ce tragédien lumineux s’est interrompue prématurément, "Younouss Diallo palpitera dans notre coeur jusqu’à notre propre fin", selon Jacques Delcuvellerie.

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