Une pétition contre le fait colonial

Les élites politiques africaines vont-elles encore rester sourdes aux soubresauts du monde qui affectent l’Afrique et ses diasporas ?

La sculpture « Fers », à Paris, en hommage à Thomas Alexandre Dumas (1762-1806), premier général noir français en 1793. © JACQUES BRINON / AP / SIPA

La sculpture « Fers », à Paris, en hommage à Thomas Alexandre Dumas (1762-1806), premier général noir français en 1793. © JACQUES BRINON / AP / SIPA

Claudy Siar
  • Claudy Siar

    Claudy Siar est le fondateur de Tropiques FM. Il est également présentateur radio et TV (RFI, France Ô), et ancien délégué interministériel pour l’égalité des chances des Français d’outre-mer.

Publié le 6 mars 2017 Lecture : 3 minutes.

Le silence assourdissant de nos dirigeants fait écho aux insultes répétées envers nous et on le vit mal. Comment avancer dans un monde créé par d’autres, pour d’autres sans une solidarité effective ? Jamais nous n’entendons nos dirigeants protester quand un de leur ressortissants est maltraité à l’étranger ! Nous savons que chez nos gouvernants, la France reste le baromètre ; affres de l’histoire, soumission bien intégrée, deal gagnant/perdant accepté ou attachement réel ?

La polémique lancée par François Fillon après la déclaration d’Emmanuel Macron (« La colonisation fut un crime contre l’humanité ») a laissé muets les dirigeants africains. Nous parlons d’émergence, d’émancipation, d’indépendance réelle et pourtant, tous sont incapables de réagir aux propos inacceptables de Fillon et d’un « quarteron de politiciens bientôt en retraite ». Ce détournement d’une déclaration gaullienne me semblait appropriée. Tous parlent du « non à une repentance indigne […] la colonisation était une volonté de la France de partager sa culture« .

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La France jouit encore du pillage de la colonisation mais ne veut pas accepter les conséquences que constitue la présence sur son sol des descendants de colonisés. Les subsides de la colonisation, des « contrats » qui ont encore cours (CFA entre autres) ne sont-ils pas des « biens mal acquis » ? L’esclavage et la colonisation sont décidément des passés très présents. Ces réactions françaises, symptomatiques d’un monde occidental en pleine crise identitaire, nous ont sali ! J’ai pensé à mes ancêtres, déportés d’Afrique, esclaves de la Guadeloupe, à nos illustres héros, aux milliers d’Africains morts pour avoir résisté à l’envahisseur, aux millions d’Africains terrorisés, chicotés, infantilisés, déshumanisés sous le joug de « l’œuvre civilisatrice ». J’ai pensé à nos enfants nous regardant courber l’échine lorsqu’on nous insulte. J’ai eu honte car à l’horizon il n’y avait aucune réaction capable de contenter des populations à qui on venait de faire un nouvel affront.

Il est temps que nous cessions d’attendre de l’autre ce qui est bon pour nous

Nous avons lancé une pétition « LA VÉRITÉ COLONIALE », non pas pour faire un rappel de l’histoire, mais pour qu’enfin nous jouions notre rôle dans le concert des nations. Pourquoi faut-il que la notion de crime contre l’humanité soit juridiquement définie par une loi émanant des anciennes puissances esclavagistes et colonialistes ? Le criminel peut-il décider de la sentence ? Les États nés du crime colonial ne peuvent-ils pas légiférer sur la question ? Il est temps que nous cessions d’attendre de l’autre ce qui est bon pour nous, d’accuser l’autre de tous nos malheurs lorsque nous nous sommes mis d’accord pour ne jamais être d’accord.

Pour mettre fin à la culture de l’échec, il faut déjà s’inscrire dans la culture du respect. L’estime de soi commence par le refus qu’on insulte votre histoire et votre famille. L’autre peut avoir les pires préjugés à votre égard sans que vous les intégriez dans vos comportements. C’est bien ce que nous faisons depuis 57 ans. Voilà 15 ans que je propose à des États africains d’écrire notre histoire, d’honorer nos ancêtres. Comment expliquer que l’hommage aux ancêtres soit refusé à ces hommes, femmes et enfants suppliciés dans les fers de l’esclavage ?

Nous proposons (presque en suppliant) qu’une journée officielle du souvenir soit instaurée sur le continent à la mémoire des victimes de l’esclavage et de la colonisation. Nous implorons les États de revoir les manuels scolaires d’histoire dont la plupart débutent à la colonisation ! Vous rendez-vous compte du type d’imaginaire que l’on fabrique en évoquant ainsi le récit national ? Vous engendrez des générations d’êtres humains dont l’inconscient est pétri de soumission, devenant redevables à l’État de l’ancien « maître ».

Je suis le fruit de plusieurs mondes et mon combat est celui du respect mutuel

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Ces projets d’inventaires du passé pour comprendre le présent et bâtir l’avenir ne semblaient pas suffisamment « festifs » ou trop subversifs ? Notre démarche n’a rien de revanchard. Je suis le fruit de plusieurs mondes et mon combat est celui du respect mutuel, d’une égalité réelle entre les êtres humains en faisant fi de la couleur de la peau, de la religion, des aspirations.

Cette pétition est un appel à la dignité humaine, à la vérité, un désir ardent à la liberté. Nous demandons aux États, aux instances africaines de qualifier la colonisation de « CRIME CONTRE L’HUMANITÉ ».

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Nous interpellons tous les États du monde édifiés sur la violence coloniale pour qu’ils en fassent de même. L’histoire s’écrit au présent et personne mieux que nous ne peut écrire la nôtre.

Retrouvez la pétition de Claudy Siar sur « LA VÉRITÉ COLONIALE » ici

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