Lesotho : la crise expliquée en sept points clés

La confusion est totale au Lesotho. Entre les accusations de coup d’État orchestré par l’armée, la fuite du Premier ministre en Afrique du sud et la fragilité de la coalition au pouvoir, le petit royaume d’un peu plus de deux millions d’habitants enclavé dans l’Afrique du Sud traverse une crise politique d’envergure. Décryptage.

Un soldat marche dans la caserne de Makoanyane à Maseru (Lesotho) le 1er septembre 2014. © AFP

Un soldat marche dans la caserne de Makoanyane à Maseru (Lesotho) le 1er septembre 2014. © AFP

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Publié le 3 septembre 2014 Lecture : 4 minutes.

Mise à jour le 3 septembre 2014 à 12h42.

  • Que se passe-t-il au Lesotho ?

Un coup de force de l’armée a déstabilisé le royaume du Lesotho. Dans la nuit de vendredi 29 à samedi 30 août, l’armée a déployé des hommes pour occuper le quartier général de la police dans la capitale Maseru. Ils ont désarmé les policiers et confisqué leurs véhicules. Un membre des forces de police a été tué lors de l’opération et quatre autres personnes blessées. Des hommes armés ont également encerclé la résidence du Premier ministre Thomas Thabane ainsi que celle du vice-Premier ministre Mothetjoa Metsing, son rival politique.

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Le Premier ministre, qui craignait pour sa vie, s’est réfugié à Pretoria en Afrique du sud, et a annoncé qu’il ne reviendrait que lorsque la crise serait résolue. Alors que ses proches annonçaient son retour dans le royaume mardi, Thomas Thabane a finalement traversé la frontière sud-africaine sous escorte policière, mercredi 3 septembre, selon l’Agence France Presse.

  • Coup d’État ?

L’offensive militaire a rapidement été qualifiée de "coup d’État" par le Premier ministre et par le porte-parole du ministère des Affaires étrangères sud-africain, Clayson Monyela.

De leur côté, les militaires se sont empressés de réfuter cette accusation. Le haut commandement militaire a assuré que l’armée ne souhaitait pas renverser le pouvoir mais voulait simplement "désarmer la police", qu’elle soupçonne de vouloir livrer des armes à certains partis politiques.

  • Une fragile coalition au pouvoir

Le Lesotho est une monarchie constitutionnelle. Son roi, Letsie III, n’a que très peu d’influence sur les décisions prises dans son royaume. Le Premier ministre Thomas Thabane, premier homme de l’opposition à avoir conquis le pouvoir par les urnes, est vivement critiqué au sein de la très fragile coalition au pouvoir qui réunit trois partis politiques depuis 2012. En juin 2014, le Premier ministre a suspendu le Parlement afin d’éviter une motion de censure. Cette décision a provoqué l’ire des partenaires de la coalition qui souhaitaient former un nouveau gouvernement.

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Pour Johan Aerni-Flessner, spécialiste de l’histoire contemporaine du Lesotho à l’université du Michigan aux États-Unis, joint par Jeune Afrique, les hostilités entre les factions de l’armée reflètent les rivalités politiques du pays. L’armée est soupçonnée d’être sous l’autorité du vice-Premier ministre, tandis que la police serait plutôt fidèle au Premier ministre.

  • Trois jours sans gouvernement ?

Le vice-Premier ministre a démenti la vacance du pouvoir depuis la fuite du Premier ministre Thabane en Afrique du sud. Lundi, le ministre de la Fonction publique, Motloheloa Phooko, membre du Lesotho Congress for Democracy (LCD), a annoncé qu’il était le Premier ministre en exercice, selon le protocole et compte tenu de l’absence des Premier ministre et vice Premier ministre, tous deux à Pretoria.

  • Qui dirige l’armée ?
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"Une question difficile", selon le "Premier ministre en exercice" Motloheloa Phooko. Depuis trois jours, la confusion règne sur l’identité du chef de l’armée et certains observateurs évoquent une lutte intestine pour son contrôle.

Certaines sources affirment que le lieutenant général Tlali Kamoli, qui était le commandant des forces de défense du Lesotho, a orchestré le "coup d’État" après que le Premier ministre l’a démis de ses fonctions.

Celui qui devait le remplacer, un fidèle de Thabane, le lieutenant général Maaparankoe Mahao, a été la cible d’une tentative d’assassinat dans la nuit de vendredi à samedi et a également fui en Afrique du sud.

Pour le porte-parole de l’armée, Ntele Noti, cela ne fait aucun doute : Kamoli est le chef des armées. De son côté, Mahao a affirmé que Kamoli était un "général renégat" qui refusait de démissionner par peur de poursuites judiciaires dont il pourrait faire l’objet. Selon Mahao, les soldats recherchaient des fichiers de police relatifs au vice-Premier ministre Metsing, qui serait impliqué dans une affaire de corruption.

  • Le rôle de la SADC

La situation n’est pas encore sous contrôle au Lesotho mais la réunion en urgence dimanche 31 août des ministres des Affaires étrangères de la communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), sur invitation du président sud-africain Jacob Zuma, semble avoir porté ses fruits.

Après 24 heures de négociations, les leaders de la coalition du gouvernement se sont mis d’accord sur la levée de la suspension du Parlement, qui était l’une des exigences des deux partis au pouvoir et sur laquelle Thabane a lâché du lest.

Pour l’universitaire Johan Aerni-Flessner, les déclarations de l’Afrique du sud et de la SADC à propos de la crise politique ont permis d’éviter toute escalade de la violence et la résolution de la crise va prendre la forme d’une médiation, comme cela a été le cas récemment, à la suite des élections de 2007. De son côté, la SADC a décidé d’envoyer en urgence une équipe d’observateurs politiques, de défense et de sécurité, pour tenter de régler le conflit.

Elle a cependant rejeté la demande du Premier ministre d’envoyer des troupes de maintien de la paix dans le petit royaume. Si certains parlent d’une sortie de crise, la situation reste incertaine. Le département d’État américain a même exhorté son personnel diplomatique présent au Lesotho à rentrer aux États-Unis dans le cas d’une détérioration de la situation sécuritaire, qui n’est pas exclue compte tenu de l’ampleur de la crise actuelle.

  • Pendant ce temps-là, à Maseru…

Dimanche 31 août, les policiers avaient quitté leur poste et reçu l’ordre de ne pas porter leur uniforme pour éviter de subir des attaques.

Les opposants au Premier ministre devaient se réunir, lundi 1er septembre, pour manifester contre le gouvernement Thabane et sa décision de suspendre le Parlement. Mais ce rassemblement a finalement été annulé pour écarter tout débordement.

Certaines mesures ont été prises pour tenter d’éviter d’embraser la situation. L’université du Lesotho a décidé, mardi 2 septembre, de renvoyer les étudiants chez eux.

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Emeline Wuilbercq

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