Ebola : vrai ou faux, six questions sur un sérum « miracle »

La rémission de deux médecins américains infectés par le virus Ebola grâce à une dose du sérum ZMapp intrigue, indigne ou nourrit les espoirs en Afrique. Comment démêler le vrai du faux ? Décryptage.

Un médecin revêt un équipement de protection avant de rencontrer un patient infecté par Ebola. © AFP

Un médecin revêt un équipement de protection avant de rencontrer un patient infecté par Ebola. © AFP

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Publié le 11 août 2014 Lecture : 4 minutes.

La "danse macabre" d’Ebola. La maladie "faucheuse". Depuis plusieurs semaines, l’épidémie mortelle qui sévit au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée alimente les gros titres de la presse ouest-africaine. Ces derniers jours, c’est l’amélioration de la santé de deux médecins américains, infectés au Liberia puis rapatriés aux États-Unis, qui fait jaser. Tout le monde parle du "sérum magique" qui a permis à ces deux missionnaires de l’ONG Samaritan’s Purse de retrouver un "état stable" peu après son injection.

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Dans une tribune, le quotidien burkinabé Le Pays a regretté que les membres des personnels de santé d’Afrique n’aient pas eu "la chance des deux experts américains". Les internautes ont critiqué sans ambages l’inégalité de traitement des patients et rappelé que d’éminents spécialistes africains ont précédemment succombé au virus sans bénéficier de ce remède. Le hashtag #giveustheserum ("donnez-nous le sérum") est de plus en plus plébiscité sur le réseau social Twitter.

Mais quel est donc ce sérum qui nourrit les espoirs ou intrigue tout un continent tourmenté par l’épidémie d’Ebola ? Explications en six points.

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Le sérum ZMapp est le seul traitement homologué contre le virus Ebola : FAUX

Pour le moment, il n’existe ni traitement ni vaccin homologué contre le virus Ebola, dont le taux de létalité varie de 25 % à 90 %. Le sérum ZMapp mis au point par une firme américaine de biotechnologie est au cœur de débats éthiques puisqu’il n’est pas encore autorisé sur le marché. Il s’agit d’un cocktail de trois anticorps "monoclonaux" qui ont la capacité de reconnaître les cellules infectées et de déclencher une réaction immunitaire.

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Les deux médecins de l’ONG Samaritan’s Purse ont bénéficié d’un traitement de faveur parce qu’ils sont américains : FAUX

Les deux missionnaires américains sont des "cobayes" puisque le traitement n’avait jamais été testé sur les humains. Le sérum n’avait montré jusque-là que des résultats prometteurs sur des macaques. Les deux médecins ont testé ce sérum car leur état était critique, dans le cadre de l’usage dit "compassionnel", une procédure d’exception qui ne s’applique que lorsque la vie du patient est en danger.

Les deux médecins sont totalement guéris. Le sérum, qualifié de "magique", n’a aucun effet secondaire : FAUX

Quelques jours après avoir reçu la dose de ce sérum fin juillet, les deux missionnaires sont dans un "état stable". L’un d’eux, Kent Brantly, en quarantaine à l’hôpital universitaire Emory en Géorgie dans le sud-est des États-Unis, a déclaré se sentir "de mieux en mieux". Mais il ne faut pas tirer de conclusion hâtive sur l’innocuité du traitement. Avec de tels médicaments expérimentaux, il peut y avoir de nombreux effets secondaires néfastes.

Le sérum a été fabriqué en grandes quantités pour répondre à la demande des patients : FAUX

Le sérum n’a été fabriqué qu’en très petites quantités et ne peut donc pas être administré aux patients qui sont potentiellement infectés. Dans un communiqué, Mapp et ses partenaires ont expliqué qu’ils coopéraient avec les agences fédérales américaines pour augmenter les doses du sérum rapidement.

Ce traitement expérimental peut être testé à grande échelle sur le continent africain : VRAI / FAUX

Il est encore trop tôt pour trancher. C’est la Food and Drug Administration, l’agence américaine du médicament, qui doit dire si un traitement expérimental américain peut ou non être utilisé à grande échelle. Pour obtenir l’autorisation de la mise sur le marché, il faut réaliser des études cliniques qui n’ont pas encore été menées dans le cas du virus Ebola puisque les épidémies sont rares. Un tel procédé nécessite plusieurs patients qui doivent donner leur consentement.

"Il n’est pas possible aujourd’hui de tester ce type de traitement à grande échelle à cause des aspects logistiques, légaux et éthiques", estime Christophe Batejat, responsable du pôle d’identification virale à l’Institut Pasteur, à Paris.

Trois spécialistes des maladies infectieuses, dont le co-découvreur du virus Ebola Peter Piot, ont pourtant appelé, mardi 5 août, à autoriser l’usage du traitement sur le grand continent. "Il est plus que probable que si Ebola se répandait dans les pays occidentaux, les autorités de santé publique administreraient aux patients à risque des médicaments ou des vaccins au stade expérimental. Les pays africains où sévit l’épidémie actuelle devraient bénéficier de la même opportunité", ont-ils estimé dans un communiqué.

Le sérum ZMapp est le seul traitement étudié par les scientifiques pour combattre Ebola : FAUX

L’épidémie d’Ebola relance la recherche de traitements contre ce virus découvert en 1976. Interrogé par RFI, Jean-Marie Okwo Bélé, le directeur du département des vaccins et immunisation de l’OMS, a évoqué plusieurs vaccins "candidats", dont le plus avancé, mis au point par la firme anglaise GlaxoSmithKline, a montré des résultats prometteurs sur les animaux. Mais il faudra attendre plusieurs mois avant de commercialiser un quelconque traitement contre Ebola puisque des essais cliniques sont indispensables, tout comme la résolution des questions éthiques. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé, mercredi 6 août, qu’elle allait mobiliser un groupe d’experts afin de réfléchir à ces problématiques.

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Emeline Wuilbercq

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