Mohamed Dayri (gouvernement de Baïda) : « Nous exigeons que justice soit faite sur les scènes d’esclavage en Libye »

Le ministre des Affaires étrangères du gouvernement libyen dit « de Baïda », opposé à Fayez al-Sarraj et défendu par le général Khalifa Haftar, s’est exprimé, en exclusivité pour Jeune Afrique, sur la vidéo qui a suscité une indignation mondiale. Il se dit attristé et choqué. Voici sa déclaration en intégralité.

La vidéo a été tournée et publiée par la chaîne d’information américaine CNN. © Capture d’écran / Youtube

La vidéo a été tournée et publiée par la chaîne d’information américaine CNN. © Capture d’écran / Youtube

CRETOIS Jules

Publié le 22 novembre 2017 Lecture : 3 minutes.

Mohamed Dayri est ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale du gouvernement dit « de Baïda », ou « d’intérim », comme il le dit lui-même, en Libye. Il a de lui-même contacté Jeune Afrique pour faire parvenir un texte en réaction à l’indignation suscitée à travers le monde après la publication d’images de mise aux enchères d’Africains subsahariens.

Une des régions les plus touchées par la mise en esclavage de ressortissants d’Afrique subsaharienne est celle de Sabratha. Une région qui vient à peine de tomber dans l’escarcelle du maréchal Khalifa Haftar, bras armé, pour ne pas dire parrain, du gouvernement de Baïda, mais qui n’est en réalité pas directement contrôlée par son armée.

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Sur place, des proxys de Haftar et de Fayez al-Sarraj, le Premier ministre du gouvernement de Tripoli (concurrent de celui de Baïda), potentats locaux ou salafistes quiétistes, s’affrontent sans oublier leurs intérêts directs. Les migrants, désespérés et pris au piège, sont une source comme une autre de revenus ou de pouvoir de négociation avec les différentes parties en présence.

Des scènes d’un autre âge

Entre septembre et octobre, au gré des combats, des réseaux de passeurs ont fui la ville côtière de Sabratha et des brigades annonçant leur volonté de contrôler les flux migratoires ont progressé. Mais la confusion et l’arbitraire règnent toujours.

D’autre part, lorsque des milliers de manifestants se massent à proximité de l’ambassade de Libye à Paris, comme ce 20 novembre, c’est sous les fenêtres de diplomates organiquement liés à al-Sarraj, impuissant dans la région, qu’ils expriment leur colère. Le drame humain se joue dans un pays morcelé, divisé entre plusieurs autorités et traversé par divers entrepreneurs armés aux agendas disparates.

Néanmoins, Dayri ne se contente pas de s’indigner, et à la fin du court texte qu’il a joint à Jeune Afrique, et à peine retouché par nos soins, il propose qu’une enquête soit ouverte en Libye.

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Retrouvez ci-dessous la déclaration de Mohamed Dayri au sujet des ventes de migrants subsahariens en Libye :

« Les relations fraternelles et amicales qui se sont tissées entre les Libyens et leurs frères et sœurs en Afrique ne sont plus à démontrer. Déjà au siècle dernier, le Tchad, le Niger et le Nigeria ont connu l’installation de communautés libyennes sur leurs sols respectifs. Nous nous sommes réjouis de la continuation de ces relations entre nos peuples, suite à la libération de nos pays du joug du colonialisme.

Avant même le reportage de CNN qui a circulé ces derniers jours, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) avait dénoncé à juste titre l’existence dans notre pays de « marchés aux esclaves » qui touchent des centaines de jeunes Africains.

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Je tiens à vigoureusement dénoncer ces crimes contre l’humanité perpétrés par des bandes criminelles qui sévissent dans les régions occidentales de la Libye. Hélas, le soutien de la communauté internationale au gouvernement dit « d’Union nationale » (le gouvernement de Fayez al-Sarraj, ndlr) ne s’est pas accompagné d’un programme de type DDR (Désarmement, démobilisation et réintégration). Un tel programme, il n’y en a même pas eu les moindres prémisses.

Les milices hors-la-loi ont, malencontreusement, été associées aux mesures de sécurité mises en place après l’avènement du gouvernement dit d’Union nationale à Tripoli, à la fin du mois de mars 2016. Ces hordes armées se sont livrées, entre autres forfaits, à des rapts de Libyens, y compris femmes et enfants, pour imposer ensuite le paiement de rançons exorbitantes. Nous ne saurions accepter que la résolution de la crise qui frappe gravement notre pays soit confinée au plan politique. Des mesures urgentes et concrètes doivent en effet d’être adoptées pour mettre fin à la mainmise des milices et leurs exactions dans des régions entières de l’ouest du pays.

Nous exigeons que justice soit faite et que, par conséquent, le Procureur de la République ouvre une enquête urgente et que les coupables soient ensuite traduits en justice. Nous ne pouvons plus nous satisfaire d’enquêtes administratives menées par des commissions comme il a été décidé ces derniers jours à Tripoli.

Mus par leurs valeurs islamiques, les Libyens s’associent à la colère exprimée et aux douleurs ressenties par leurs millions de frères et sœurs africains contre les crimes abjects commis par ces ennemis de l’Afrique et de l’humanité tout entière. »

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