RDC – Samy Badibanga : « Nous demandons l’organisation urgente d’une conférence internationale des donateurs »

Alors que la crise humanitaire se poursuit dans le Kasaï, au Kivu et dans d’autres provinces, l’ancien Premier ministre congolais appelle la communauté internationale à organiser au plus vite une conférence internationale des donateurs, pour financer le plan d’aide pour le Congo.

Une école de Goma, en RDC, transformée en camp pour les réfugiés, en novembre 2012. © Heathcliff O’Malley / R/REX/SIPA

Une école de Goma, en RDC, transformée en camp pour les réfugiés, en novembre 2012. © Heathcliff O’Malley / R/REX/SIPA

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  • Samy Badibanga

    Sénateur, premier vice-président du Sénat et ancien Premier ministre de la République démocratique du Congo

Publié le 5 février 2018 Lecture : 3 minutes.

Le casse-tête politique des élections nous a tous aveuglé : l’urgence en RDC est autant politique qu’elle est humaine et humanitaire. Oui, il faut tout faire pour que le peuple congolais puisse choisir ses dirigeants à la fin 2018. Mais, au début de 2018, la priorité absolue est de protéger la vie de 13 millions de personnes menacées par la catastrophe humanitaire en cours au Kasaï, au Kivu, au Tanganyika et autres provinces du Congo. Et cela passe impérativement par une conférence internationale des donateurs pour financer les 1,68 milliard de dollars du plan de réponse humanitaire des Nations unies pour le Congo.

Chaque seconde qui passe, cette catastrophe tue. Elle tue des femmes, des enfants et des hommes qui ont fui les violences, se sont cachés dans la forêt ou plus loin, et qui n’ont plus rien à leur retour. Cette catastrophe pourrait bientôt faire entre un et deux millions de morts si l’aide humanitaire n’est pas financée.

2,8 millions de personnes pourraient mourir de faim dans le Kasaï

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Ces chiffres, qui donnent le vertige, traduisent pourtant très mal la réalité d’un enfant ou d’une femme qui rendent leurs derniers souffles, puisqu’ils vont mourir. Tués, non pas par les violences, mais par la famine ou la maladie.

Une crise humanitaire moins financée

La crise au Congo est négligée. Aujourd’hui l’une des plus grandes crises humanitaires de la planète, elle est aussi la moins financée, bien que placée au niveau maximum d’urgence humanitaire par les Nations unies. Le conflit entre pygmées et bantous au Tanganyika a déjà, à lui seul, déplacé 500 000 personnes, soit autant que de Rohingyas en Birmanie. Au Tanganyika s’ajoute le Kasaï, avec 1,5 million de déplacés, le Kivu, avec plus de 950 000 déplacés, et d’autres provinces, pour un total de 4,35 millions de personnes, selon l’Unocha.

En RDC, les besoins de financement de l’aide humanitaire s’élèvent à 1,68 milliard de dollars en 2018

En Ouganda, 238 000 Congolais se sont réfugiés pour fuir les violences au Kivu, et mille de plus arrivent chaque semaine. Au Burundi, 7 000 personnes s’y sont réfugié et 330 00 individus sont allés en Angola, pour ne citer que ces pays-là. Qui sait, aujourd’hui, que l’ensemble des déplacements de population au Congo est plus important qu’en Syrie, en Irak et au Yémen réunis ? Combien de ces 4,35 millions de déplacés rejoignent les routes de la migration par la Corne de l’Afrique vers les camps d’esclaves de Libye ?

>>> A LIRE – Infographie – Crises humanitaires : quelle est la situation de l’Afrique en 2016 ?

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Alors que le conflit né au Kasaï, en août 2016, a fait 5 000 morts jusqu’à maintenant, 2,8 millions de personnes pourraient y mourir de faim. Comment croire que ces populations, qui ont survécu au conflit et qui reviennent aujourd’hui avec la fin des violences, ne trouvent ni nourriture, ni eau, ni toilettes, ni vêtements, ni toit, ni abri, ni travail, ni écoles, ni service public, mais des villages brûlés, des centres de santé pillés, des routes détruites, le choléra et des plantations agricoles ravagées ?

Pour une conférence internationale des donateurs

C’est cet appel au secours venu des églises, où la population se réfugie, que nous transmettons depuis début novembre 2017, au nom de la coordination Espoir, avec le cardinal Mosengwo pour l’église catholique et le révérend Bokundoa, président de l’église protestante, aux Nations unies, à l’Union européenne, à la France et à l’ensemble de la communauté internationale. C’est au nom de cette population meurtrie, violée, déplacée et abandonnée que nous demandons l’organisation urgente d’une conférence internationale des donateurs.

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Le 17 novembre 2016, la Conférence Internationale pour la République Centrafricaine avait permis de réunir 2,2 milliards de dollars. En RDC, les besoins de financement de l’aide humanitaire s’élèvent à 1,68 milliard de dollars pour 2018, selon les Nations unies. Le Congo, dont la population avoisine les 90 millions, vingt fois plus que la RCA et ses 4,59 millions de personnes, a grand besoin du même niveau de solidarité mondiale.

À la fin janvier 2018, le plan d’aide n’était financé qu’à 2 %

Sans conférence internationale des donateurs, le plan de réponse humanitaire des Nations unies pour 2018 ne sera même pas financé de moitié. À la fin janvier 2018, il était financé à 2 %, faisant des Congolais en détresse les oubliés de la planète. Pourtant, une action humanitaire forte peut sauver des millions de vies et redonner l’espoir d’un nouvel avenir.

En ajoutant à l’aide d’urgence des actions post-conflit de réhabilitation des infrastructures socio-économiques, il sera possible d’envisager un progrès vers les objectifs de développement durable, dans un pays de près de 90 millions de personnes dont tout progrès peut avoir un impact majeur dans la région. C’est là que doit nous mener la conférence internationale des donateurs pour le Congo, que nous appelons la communauté internationale à organiser au plus vite.

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