Tunisie : la Compagnie des phosphates de Gafsa de nouveau paralysée par un mouvement social

Alors que l’activité de la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) était à l’arrêt depuis le 20 janvier par un mouvement social, les cadres ont à leur tour décidé de suspendre leur travail ce lundi et manifestent devant le siège de l’entreprise, prévoyant d’aller jusqu’au gouvernorat de la région, pour mettre fin à la crise dont elle peine à sortir depuis 2008.

Des cadres et des ouvriers de la Compagnie des Phosphates de Gafsa manifestent devant le siège social de la compagnie à Gafsa. © Facebook / CPG

Des cadres et des ouvriers de la Compagnie des Phosphates de Gafsa manifestent devant le siège social de la compagnie à Gafsa. © Facebook / CPG

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Publié le 12 février 2018 Lecture : 4 minutes.

Les activités de la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) ne sont pas prêtes de reprendre. Ce lundi 12 février, les cadres et les ouvriers de la Compagnie ont lancé la campagne « Sauvez le phosphate ! », et ont débuté un sit-in devant le siège social de l’entreprise. Celui-ci devrait se poursuivre plus tard dans la journée devant le siège du gouvernorat de la région, afin d’appeler les autorités à trouver une sortie de crise. Quelques jours plus tôt, 8 février, le syndicat des cadres et agents du siège social de la CPG avaient déjà suspendu leurs activités.

Cette grogne fait suite à l’arrêt de la production de phosphate le 20 janvier dernier, paralysée par des actions de blocage menées par des chômeurs qui avaient été refusés à un grand concours organisé par la CPG, visant à recruter de nouveaux salariés.

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Tout a commencé ce 20 janvier dernier, à l’annonce des résultats de ce concours qui a conduit à l’embauche de 1 700 agents (sur 12 400 candidats). Depuis ce jour, les protestations des jeunes refusés au concours se sont multipliées, paralysant l’entreprise et poussant finalement la direction à se joindre à leur manifestation.

Une manière de faire pression sur le gouvernement

Contacté par Jeune Afrique, un syndicaliste de la direction a affirmé que cette suspension de l’activité était « une manière de faire pression sur le gouvernement ». « Les autorités doivent assumer leurs responsabilités et proposer des solutions à ces jeunes. Ils doivent relancer le processus de développement et diversifier les activités économiques dans la région. La CPG, même si c’est une entreprise publique, ne peut pas endosser seule la gestion de ces mouvements sociaux », continue-t-il.

Un secteur saturé

Pour une large partie des jeunes de la région, ce concours constitue un espoir d’embauche. Malgré la richesse de son sous-sol, la région de Gafsa reste l’une des plus pauvres du pays. Son taux de chômage s’élève à près de 28 %, contre une moyenne nationale de 15 %.

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La CPG a pourtant augmenté ses effectifs depuis la révolution de 2011, passant de 5 588 à 6 682 employés en 2015. 1 600 emplois ont été créés pour le transport minier et quelque 4 700 agents ont été recrutés par la Société de l’Environnement affiliée à la CPG, selon une étude effectuée par l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprises (IACE). 

Cette politique va aboutir à l’effondrement de la société car ce surplus de masse salariale devient insoutenable et n’entraîne pas d’augmentation de la productivité

La compagnie serait pourtant dans l’incapacité d’offrir de nouveaux postes, a affirmé aux autorités le responsable régional de la syndicale, lors d’une réunion le 9 février entre Noureddine Taboubi (secrétaire général de l’UGTT), le responsable régional de la syndicale et le secrétaire d’État à l’Énergie et aux Mines. Proposer de nouveaux postes ne serait donc pas une solution adéquate, selon le syndicaliste.

Des cadres et des ouvriers de la Compagnie des Phosphates de Gafsa manifestent devant le siège social de la compagnie à Gafsa © Facebook / CPG

Des cadres et des ouvriers de la Compagnie des Phosphates de Gafsa manifestent devant le siège social de la compagnie à Gafsa © Facebook / CPG

« Le gouvernement a toujours réagi aux constatations sociales par des solutions à court terme à travers des campagnes de recrutement. Cette politique va aboutir à l’effondrement de la société car ce surplus de masse salariale devient insoutenable et n’entraîne pas d’augmentation de la productivité. Nous attendons une meilleure stratégie gouvernementale », exhorte le syndicaliste.

Des pertes importantes

La production de phosphate subit actuellement d’importantes pertes : celle-ci n’a pas dépassé 160 000 tonnes depuis le début de 2018, contre 500 000 tonnes durant la même période en 2017, selon les résultats dévoilés par la compagnie en début de semaine dernière.

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Cette situation avait poussé, le 5 février, l’ensemble des activités de l’usine du Groupe Chimique Tunisien (relevant de la CPG), située dans la délégation de Medhila, à suspendre ses activités. Un arrêt dû à l’épuisement des réserves de phosphates desséchés, avait alors expliqué à l’agence Tunis Afrique Presse (TAP) Mustapha Mourad, le directeur régional du groupe chimique dans la région.

Des mouvement sociaux récurrents

Le secteur du phosphate fait face à une longue série de contestations. En 2008 déjà, de jeunes chômeurs avait occupé le siège régional de l’UGTT à Redeyef, jugeant les résultats de ce même concours douteux. Des dirigeants de l’UGTT avaient alors été accusés de complicité avec le système de Ben Ali. Pour certains observateurs, cette grève signifiait le point de commencement de la révolution tunisienne.

Depuis 2011, la grogne sociale ne s’est pas affaiblie : les sit-in et mouvements de grève se sont succédés dans le bassin minier, provoquant un net recul du secteur.

La production de phosphate, qui représente encore l’un des secteurs clés de l’économie tunisienne, a été divisée par deux. Avec une production annuelle de 8 millions de tonnes avant 2011, l’industrie représentait alors quelque 10 % des exportations tunisiennes.

Si la production de phosphate est repartie à la hausse en 2017, selon le ministère de l’Énergie avec 4,1 millions de tonnes, soit 20 % de plus qu’en 2016, cette production n’en demeure pas moins 30% moins qu’espéré. Même en 2017, ce ralentissement était dû à des troubles sociaux.

L’objectif pour 2018 est de 6,5 millions de tonnes. Une prévision de production nécessaire pour atteindre l’objectif de 3% croissance du PIB tunisien.

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