Guinée-Bissau : qui est Aristides Gomes, 7ème Premier ministre en trois ans ?

Entré en fonction ce lundi, Aristides Gomes est le septième Premier ministre de la présidence José Mario Vaz. Présenté comme une figure de consensus, sa nomination parviendra-t-elle à mettre fin à la crise politique qui sévit en Guinée-Bissau depuis près de trois ans ?

Aristides Gomes, ancien Premier ministre de Guinée-Bissau lors d’une cérémonie à Cuba en 2007. © Javier Galeano/AP/SIPA

Aristides Gomes, ancien Premier ministre de Guinée-Bissau lors d’une cérémonie à Cuba en 2007. © Javier Galeano/AP/SIPA

Publié le 17 avril 2018 Lecture : 4 minutes.

Et de 7 ! En prenant ses fonctions ce lundi 16 avril, Aristides Gomes devient le septième Premier ministre de la Guinée-Bissau en trois ans, nommé par le président José Mario Vaz, afin, selon les déclarations du chef de l’État, « d’éviter davantage de problèmes dans le pays dans les prochains temps ».

L’annonce a été faite ce samedi au terme d’un sommet extraordinaire de la Cedeao à Lomé consacré aux crises politiques au Togo et en Guinée-Bissau. Aristides Gomes est le septième premier ministre de la présidence José Mario Vaz, qui a débuté en mai 2014. Son prédécesseur, Artur Silva, n’aura été ministre que trois mois à peine (depuis le 31 janvier 2018), durant lesquels il n’est jamais parvenu à former un gouvernement.

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La faute, notamment, aux profondes divisions au sein du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) au pouvoir, entre le président José Mario Vaz et la direction du parti, depuis que le chef de l’État a, en août 2015, démis de ses fonctions son Premier ministre Domingos Simoes Pereira, par ailleurs président de la formation politique. Depuis trois ans, un bras de fer est engagé entre le président et son parti, et ce dernier peine à nommer un chef de gouvernement qui bénéficie de la confiance de sa famille politique.

Mais ce scénario semble avoir pris fin avec l’arrivée d’Aristides Gomes. Politicien expérimenté, il semble en tous points correspondre aux critères de l’accord de sortie de crise politique de Conakry, signé en octobre 2016 sous l’égide du président guinéen Alpha Condé dans le cadre d’une médiation de la Cedeao. Selon ce document, une « procédure consensuelle » devait être engagée afin de choisir un Premier ministre de consensus « ayant la confiance du président » et permettre la formation d’un gouvernement inclusif, devant rester en place jusqu’aux élections législatives de 2018.

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Un homme politique expérimenté

Présenté comme un « Premier ministre de consensus », Aristides Gomes a été choisi d’un commun accord par le PAIGC et le Parti de la rénovation sociale (PRS), la principale force de l’opposition, après quatre jours de discussions intenses. Le nom de Gomes a été préféré par le PRS aux deux autres personnalités proposées par le PAIGC : le Premier ministre sortant Artur Silva et Martinho N’dafa Cabi, qui fut également chef de gouvernement (2007-2008).

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Le sociologue de 63 ans, formé en France à l’Université Paris VIII, est bien connu de la scène politique de Guinée-Bissau. Membre du PAIGC depuis 1973, dont il fait partie des instances dirigeantes, c’est un fidèle parmi les fidèles de l’ancien président João Bernardo « Nino »  Vieira, dont il fut le ministre du Plan et de la Coopération internationale (1994-1997) puis le Premier ministre (2005-2007), dans un contexte de fortes tensions politiques.

« C’est un cadre qui a été très impliqué dans l’ouverture politique dans les années 1990. Il faisait alors partie des jeunes cadres réformateurs du PAIGC », rappelle Vincent Foucher, chargé de recherche au laboratoire Les Afriques dans le monde (LAM), rattaché au CNRS et à Sciences Po Bordeaux.

Dans la querelle entre les instances dirigeantes du parti et le président, Aristides Gomes est resté fidèle au parti

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Le natif de la région de Cacheu, dans le Nord de la Guinée-Bissau, a payé sa fidélité à l’ex-président « Nino »  Vieira. Il a été suspendu du PAIGC en 2005 pour avoir soutenu sa candidature à la présidentielle, s’est exilé du pays en 2009 après son assassinat, ce qui vaudra à sa propre candidature pour le compte du Parti républicain de l’indépendance pour le développement (PRID), lors de la présidentielle en 2009, d’être rejetée par la Cour suprême. Il a aujourd’hui réintégré le PAIGC, après que le parti, rassemblant d’anciens lieutenants du président défunt, se soit délité sans avoir réussi à engranger d’importants succès électoraux.

Le candidat idéal ?

Des mésaventures qui sont à l’origine d’une longue traversée du désert et qui lui ont fait perdre du poids au sein du PAIGC. Sa faiblesse actuelle au sein du parti garantit qu’il ne soit une menace pour personne, au contraire d’autres candidats représentant de puissants réseaux d’argent ou militaires.

« Dans la querelle entre les instances dirigeantes du parti et le président, il est resté fidèle au parti. Il n’a pas pris la parole, de manière agressive non plus contre le président. Il a fait preuve de prudence », explique Vincent Foucher. Une discrétion qui lui vaut de n’être identifié ni au camp du président, ni à celui du président du PAIGC.

Des caractéristiques qui font penser à Artur Silva, qu’il remplace comme Premier ministre. Mais contrairement à ce dernier, « il a été choisi par la direction du PAIGC qui s’est engagée derrière sa candidature », pointe le chercheur. Une différence notable qui devrait lui permettre de réussir à former son gouvernement.

Sa principale mission, avec sa nouvelle équipe gouvernementale, sera de garantir la bonne tenue des élections législatives prévues pour le 18 novembre prochain. Il a d’ailleurs commencé les consultations afin de choisir ses ministres.

Si le PRS et le PAIGC se réjouissent d’aller aux urnes, nul ne peut cependant exclure le retour à la carte militaire de la part d’acteurs politiques qui se sentiraient lésés par ce nouveau consensus, met cependant en garde Vincent Foucher.

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