Ayodele Odusola (Pnud) : « Le coût du crédit est trop élevé par rapport aux bénéfices que peuvent espérer les patrons de PME »

Ayodele Odusola est le chef de l’équipe de la stratégie et de l’analyse pour le bureau régional du Pnud pour l’Afrique. De passage fin mai à Busan, en Corée du Sud, pour l’Assemblée annuelle de la Banque africaine de développement, organisée sur le thème de l’accélération de l’industrialisation du continent, l’économiste nigérian a répondu à nos questions.

Ayodele Odusola, économiste au Pnud (2014). © Conférence économique africaine, Vimeo

Ayodele Odusola, économiste au Pnud (2014). © Conférence économique africaine, Vimeo

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Publié le 13 juin 2018 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : La Banque africaine de développement (BAD) compte investir 35 milliards de dollars (29,7 milliards d’euros) en dix ans pour aider l’Afrique à faire passer son PIB industriel de 700 milliards à plus de 1 720 milliards de dollars à l’horizon 2030. De telles ambitions sont-elles réalisables ?

Ayodele Odusola : L’Afrique dispose déjà des bases nécessaires pour son industrialisation. Actuellement nous n’exportons pratiquement que des produits primaires, issus de l’agriculture et du sous-sol (minerais, hydrocarbures…). Ajouter de la valeur à ces principaux produits est plus que suffisant pour industrialiser l’Afrique. Rien qu’en faisant remonter la chaîne de valeur des produits agricoles (cacao, maïs, au beurre de karité, au lait de soja, arachide…), il est possible de sortir 70 % de la population africaine de la pauvreté. La même chose est possible dans le domaine de l’industrie minière.

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Comment y parvenir ?

Le Botswana a montré la voie. En 2013, le pays a imposé que le tri et le polissage des diamants se fassent sur place, avant l’exportation, alors que ces activités étaient jusque-là réalisées en Europe. Dès que cette règle a été imposée, des milliers d’emplois et des milliers de petites entreprises spécialisées dans le tri et le polissage des diamants ont vu le jour. Vous imaginez ce que cela peut changer dans un pays comme la RDC et ses immenses ressources minières ?

En faisant remonter la chaîne de valeur des produits agricoles, on pourrait sortir 70 % de la population africaine de la pauvreté

Qu’est-ce qui freine cette métamorphose ?

Les gouvernements africains doivent encore faire des efforts pour créer des environnements propices à la croissance des PME et des entreprises de plus grande taille. Pour encourager le secteur privé à oser davantage, les États et les institutions financières doivent œuvrer à réduire les coûts du crédit en Afrique, qui sont parmi les plus élevés du monde. Les taux sont en moyenne supérieurs à 25 % sur le continent, contre moins de 10 % en Asie et 5 à 6 % en Europe. À Madagascar, ils atteignent 45 % ! Le coût du crédit est trop élevé par rapport aux bénéfices que les entrepreneurs peuvent raisonnablement espérer engranger. Nous encourageons les États à évoluer vers un taux de crédit à un chiffre.

De quelle façon ?

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Les gouvernements africains et leurs partenaires (Banque mondiale, BAD, banques centrales nationales et régionales…) devraient soutenir une politique d’atténuation du risque. Parmi les exemples possibles, les Banques centrales de l’Afrique du Sud et du Nigeria ont mis en place de petits systèmes de garantie. Elles accordent des crédits aux banques commerciales, qui à leur tour prêtent aux petites entreprises à des coûts inférieurs aux taux du marché.

Malheureusement, les banques centrales de la zone CFA n’ont pas développé de tels mécanismes, en raison notamment de leur politique de change. Mais elles peuvent toujours s’inspirer du cadre développé par leurs consœurs anglophones pour créer leurs propres mécanismes d’atténuation du risque, donc pour favoriser les affaires et stimuler l’industrialisation en Afrique.

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