Génocide au Rwanda : Tito Barahira et Octavien Ngenzi condamnés en appel à la réclusion à perpétuité

Les deux anciens bourgmestres de Kabarondo, jugé en appel depuis le 2 mai pour leur rôle dans le génocide des Tutsis au Rwanda, ont été condamnés vendredi à la réclusion à perpétuité.

Alain et Dafroza Gauthier, à leur arrivée au tribunal de Paris, le 10 mai 2016. © Francois Mori/AP/SIPA

Alain et Dafroza Gauthier, à leur arrivée au tribunal de Paris, le 10 mai 2016. © Francois Mori/AP/SIPA

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Publié le 7 juillet 2018 Lecture : 3 minutes.

« Ouf, il a fallu se battre », soupire Dafroza Gauthier, qui dirige avec son mari Alain Gauthier le Collectif des parties civiles pour le Rwanda, en sortant de la salle d’audience, vendredi 6 juillet. Ce sont plus de quarante jours d’un procès éprouvant qui viennent de s’achever. La cour d’assise de Paris a condamné en appel Tito Barahira et Octavien Ngenzi, deux anciens maires de Kabarondo dans l’est du Rwanda, à la réclusion criminelle à perpétuité pour « génocide » et « crime contre l’humanité ». Se faisant, elle a confirmé le verdict rendu en première instance, en juillet 2016.

« On est évidemment satisfait, je crois que justice a été rendue. La défense a très souvent essayé d’amener les discussions sur le rôle de la France, sur le régime de Kigali, mais nous n’imaginions pas une issue différente du premier procès », a simplement commenté Alain Gauthier qui dirige le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR).

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La cour a donc suivi les réquisitions formulées par le parquet général mercredi. « Est-ce que les interventions d’Octavien Ngenzi ont eu pour effet d’arrêter les massacres ? Non. De déclencher les tueries ? Oui. Conserve-t-il son autorité de bourgmestre ? Oui. Parvient-il à se faire respecter des (miliciens extrémistes hutu) Interahamwe ? Complètement », avait alors asséné l’avocate générale, Aurélie Belliot, lors du réquisitoire.

« Hommes ordinaires »

Suite à ces réquisitions, la défense avait plaidé l’acquittement des deux hommes, jeudi, au cours d’une journée d’audience agitée, tentant de gommer l’image « d’artisans de la mort » dépeint par l’accusation la veille. Ainsi Maître Benjamin Chouai, un des avocats d’Octavien Ngenzi s’était attaché à dresser le portrait « d’homme ordinaires », « impuissants » et « sans autorités » face aux massacres en cours sous leurs yeux. « Parce qu’il [Octavien Negnzi, NDLR] avait la trouille. Parce qu’il est humain, comme vous, comme moi », avait poursuivi l’avocat.

« Dans ce procès on m’a reproché de ne pas exprimer mon ressenti. Je suis très triste de ce qui s’est passé pendant le génocide en avril 1994 », a déclaré Tito Barahira, avant que les jurés ne se retirent pour délibérer pendant plusieurs heures. D’une élocution poussive il a ensuite contesté une dernière fois les accusations qui pèsent sur lui. « Je suis innocent, je ne suis pas un bourreau, je n’ai pas organisé de réunion, je n’ai pas trié Hutu et Tutsi. Je n’ai pas porté d’armes », a ajouté l’ex-maire avant d’échanger des accolades avec ses proches à travers le box des accusés et de se retirer pour attendre le verdict.

Rien de neuf dans le discours pour les avocats des parties civiles. « Dans le fond et dans la forme ce sont deux procès qui se sont déroulées de la même façon. C’était très dur pour les victimes de venir témoigner à nouveau. La mission de la justice était de juger le rôle de ces deux hommes, pas le génocide ou le rôle de la France, c’est ce qu’elle a fait », explique Me Laval qui représentaient plusieurs parties civiles.

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« Coups de gourdins » et « bombardements »

Le procès devait notamment permettre d’élucider le rôle joué par Tito Barahira, cadre local du MRND (le parti hutu alors au pouvoir) et bourgmestre de Kabarondo de 1977 à 1986, et celui de son successeur à la mairie, Octavien Ngenzi dans les tueries. Pendant 9 semaines, les débats ont esquissé les contours d’un génocide entre voisins, dont l’épisode le plus marquant, le massacre de l’église de Kabarondo, le 13 avril 1994. Plusieurs milliers de Tutsi étaient venus y trouver refuge, espérant ainsi échapper aux massacres, avant d’y être exterminés.

Les deux maires étaient notamment accusés d’avoir coordonné et animé des réunions visant à organiser les massacres de la population tutsi dans la préfecture de Kibungo, qui abrite la commune de Kabarondo. Pendant le procès, rescapés, orphelins veufs et témoins ont défilé à la barre pour raconter le déroulé des événements macabres de Kabarondo. Augustin Ntarindwa est l’un d’entre eux, venu témoigner d’un carnage dont il survivra avec une de ses sœurs mais dans lequel il perdra ses deux parents et trois autres sœurs sous les « coups de gourdin » et « les bombardements ».

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Jugés en France, où ils ont été arrêtés, en vertu de la compétence universelle des juridictions nationales pour les crimes les plus graves, Tito Barahira et Octavien Ngenzi ont donc quitté la salle d’audience tandis que leurs proches étaient abasourdis et que des accolades se produisaient sur les bancs des parties civiles. Les deux hommes ont rejoint leurs cellules de Fresnes et de Fleury-Mérogis où ils purgeront désormais leurs peines.

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