Présidentielle au Cameroun : en proclamant sa victoire, Kamto amorce le bras de fer avec Biya

Moins de 24 heures après la fermeture des bureaux de vote, Maurice Kamto a revendiqué lundi sa victoire à la présidentielle du 7 octobre. Une stratégie risquée qui n’a pas du tout plu au gouvernement…

Paul Biya et Maurice Kamto (à d.). © Montage JA

Paul Biya et Maurice Kamto (à d.). © Montage JA

MATHIEU-OLIVIER_2024

Publié le 8 octobre 2018 Lecture : 3 minutes.

Au Cameroun, les indépendantistes font peser une menace sur la présidentielle du 7 octobre 2018. © Akintunde Akinleye/REUTERS
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Présidentielle au Cameroun : huit candidats dans la course

Huit candidats, dont le président sortant Paul Biya, s’opposent lors de l’élection présidentielle du 7 octobre 2018. Un scrutin qui se déroule dans un contexte sécuritaire tendu, en particulier dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, secouées par un conflit opposant le gouvernement à des séparatistes.

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On n’attendait pas cette annonce. En tout cas, pas si tôt. Et pourtant, lundi 8 octobre, alors que plusieurs dizaines de journalistes prenaient leur mal en patience depuis près de cinq heures au quartier général de son parti, Maurice Kamto est arrivé, dans un 4×4 noir, avec un service d’ordre particulièrement remonté. Quelques supporteurs étaient là, bruyants.

Puis, la conférence de presse a commencé. Et, d’emblée, chacun a compris que, sous son air bonhomme, le candidat du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) avait choisi l’offensive. Derrière son pupitre, il a tout bonnement revendiqué la victoire, moins de vingt-quatre heures seulement après la fermeture des bureaux de vote. Sans préambule.

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« Le but a été marqué »

« J’ai reçu mission de tirer le penalty historique. Je l’ai tiré, le but a été marqué », a-t-il lancé, dans une de ses métaphores favorites qui a déclenché une ovation dans son quartier général d’Odza, à Yaoundé. « C’est un événement historique qui a rendu possible une alternance démocratique », a-t-il poursuivi, avant de réclamer au président sortant Paul Biya la mise en place d’une « transition pacifique du pouvoir ».

>>> À LIRE – Présidentielle au Cameroun : meetings, affiches et ravalement de façade, comment Paul Biya a préparé sa victoire

S’il a dénoncé une « fraude massive » organisée par le parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), Maurice Kamto, que l’ancien candidat et nouveau partenaire Akere Muna était venu soutenir pour l’occasion, n’a rien dit de plus. De quels résultats disposent-ils ? Combien de bureaux de vote ses équipes ont-elles analysé ? Quel type de fraude ont-elles pu observer ? Motus.

Les équipes continuent de travailler », assure l’un des cadres de la coalition

Si l’un des cadres de la coalition nous affirme avoir récolté les procès-verbaux de « plus de 75% des bureaux », impossible de le confirmer. « Les équipes continuent de travailler », assure-t-il à Jeune Afrique. Il nous faudra attendre « quelques jours » de plus et se contenter, pour le moment, de la déclaration tonitruante de Maurice Kamto, qui n’aura duré, en tout et pour tout, qu’un peu moins de huit minutes !

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« Apprendre des erreurs de Fru Ndi »

Huit minutes qui pourraient considérablement changer la face de cette élection présidentielle. Toute la journée, Maurice Kamto y a d’ailleurs songé. Jusqu’à 14 h 30, entouré de ses proches à son domicile de Santa Barbara, il a pensé, écrit, raturé, réécrit son court discours, pesant chaque mot. Se sachant observer par les autorités, dont quelques véhicules et agents ne sont jamais loin, il a pesé le pour et le contre pour, finalement, choisir de lancer le bras de fer.

« Lors de la présidentielle de 1992, John Fru Ndi [le leader du Social Democratic Front (SDF), ndlr] s’était fait voler la victoire en la revendiquant trop tard. Nous voulons apprendre de ces erreurs », explique un proche de la coalition. Kamto a donc pris les devants. En accélérant le rythme, c’est lui qui vient demander à Paul Biya de respecter le résultat du scrutin. Il appelle celui-ci à « mettre le Cameroun à l’abri d’une crise postélectorale dont notre pays n’a pas besoin » et demande à ses électeurs de « se tenir mobilisés pour défendre le verdict des urnes. »

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La crise aura-t-elle lieu ? Depuis vendredi 5 octobre, les ministres de la Communication et de l’Administration territoriale, Issa Tchiroma Bakary et Paul Atanga Nji, n’ont eu de cesse que d’avertir les candidats : quiconque ne respecterait pas le verdict des urnes en subirait les conséquences. Tchiroma Bakary a même réagi à la déclaration de Kamto en estimant, tout en nuances, comme à son habitude, qu’elle ne valait « rien ». Et d’avertir : « Ne secouez pas la boîte de Pandore, sinon vous serez confrontés à des forces extrêmes sans précédent ».

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