Élections locales en Côte d’Ivoire : à Grand-Bassam, la tension n’est pas retombée

L’élection municipale du 13 octobre à Grand-Bassam, à l’est d’Abidjan, a été particulièrement tendue. Plus d’une semaine après la proclamation des résultats, la polémique n’a pas pris fin et les partisans du maire sortant contestent toujours le scrutin.

Dans un bureau de vote à Abidjan, samedi 13 octobre 2018. © REUTERS/Luc Gnago

Dans un bureau de vote à Abidjan, samedi 13 octobre 2018. © REUTERS/Luc Gnago

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Publié le 24 octobre 2018 Lecture : 4 minutes.

L’Abissa aura-t-elle lieu ? Cette fête traditionnelle célébrant le peuple N’Zima, organisée tous les ans à Grand-Bassam, devait initialement se tenir du 20 octobre au 10 novembre. La tenue de cet événement s’inscrit pour le moment en pointillé. Car depuis l’annonce par la Commission électorale de la victoire du candidat du RHDP, Jean-Louis Moulot, face à son adversaire du PDCI, Georges Philippe Ezaley, à l’élection municipale du 13 octobre, la cité balnéaire est en ébullition.

Les partisans du maire sortant contestent toujours les résultats des urnes. Dimanche 21 octobre, le roi des N’Zima, Désiré Amon Tanoé, a bien tenté de ramener le calme en organisant une rencontre au palais royal. Sans succès. Accusé par les militants du PDCI d’avoir soutenu le RHDP, Sa Majesté a été huée.

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Une mission de contrôle diligentée

La tension est encore montée d’un cran lundi 22 octobre. En milieu d’après-midi, la mairie de Bassam est informée par une note écrite qu’une mission de contrôle et de vérification de la Direction générale de la décentralisation et du développement local (DGDDL) – une structure sous tutelle du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité -, va être diligentée. Quelques heures plus tard, quatre agents débarquent sur place. Le maire n’étant pas présent, ils débuteront finalement leur audit le lendemain à 9h30. Ce dernier doit prendre fin le 26 octobre.

Alors que certains s’étonnent du timing, le directeur général de la DGDDL, Lazare Dago Djahi, assure que cette « mission de contrôle et d’assistance n’a rien de politique. Elle fait partie d’une opération nationale de contrôle de la gestion des municipalités débutées en juin. Bassam devait même être contrôlée avant le scrutin. »

Le même jour, une membre de l’équipe de campagne du maire, qui fut l’un de ses superviseurs le jour du vote, Aïssatou Cissé Seye, a été convoquée dans les locaux de la préfecture de police d’Abidjan de 10h à 19h. Selon son avocat, elle a été tenue de s’expliquer sur le rôle qu’elle aurait joué lors des violences qui ont émaillé la proclamation des résultats de l’élection. Le préfet de Bassam, Amankou Kassi Gabin, avait été séquestré, des routes bloquées et des pneus brûlés. « Ma cliente était suspectée d’être à l’origine de ces incidents, ce qu’elle a nié. Elle a été relâchée sans poursuite », explique Me Blessy.

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Résultats contestés

En attendant que le recours qu’il a déposé devant la chambre administrative de la Cour suprême soit examiné, Ezaley demeure l’édile de Bassam. Le directeur général de la société d’exploitation et de développement aéroportuaire (Sodexam, une entreprise publique) estime que les résultats compilés bureau de vote par bureau de vote et transmis à la CEI locale lui étaient favorables.

La différence entre les résultats compilés à Bassam et ceux annoncés à Abidjan est aberrante

« Nous avions près de 900 voix d’avance. Je l’ai emporté dans 20 des 26 lieux de vote. Les résultats ont été compilés et consolidés le lendemain du vote par la CEI locale devant les représentants de tous les candidats. Mais à notre grande surprise, le préfet a demandé à ce que le décompte total soit envoyé à Abidjan sans que l’on puisse en prendre connaissance. Personne ne nous a communiqué les résultats avant qu’ils ne soient annoncés officiellement à la RTI [la Radiodiffusion télévision ivoirienne, ndlr]. La différence entre les résultats compilés à Bassam et ceux annoncés à Abidjan est aberrante », déclare-t-il.

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Georges Philippe Eazaley s’étonne du rôle joué par le préfet de Bassam, Amankou Kassi Gabin. « D’abord, il m’a appelé à 17h le jour du vote pour me dire que la fermeture des bureaux serait décalée de deux heures sur l’ensemble du territoire. J’ai rapidement constaté que cette mesure concernait seulement Bassam. Ensuite, le préfet s’est rendu avec le candidat du RHDP dans les bureaux pour s’assurer que le mot d’ordre soit bien passé. Enfin, il a reçu ce même candidat deux jours après le scrutin en tant que nouveau « maire » alors que les résultats étaient encore contestés », explique-t-il.

« Lorsqu’un baobab tombe, ça fait beaucoup de bruit. Nous avons été victimes d’une fraude massive orchestrée et bien organisée. Nous avons des éléments de preuves étayés. En démêlant cette fraude, nous avons pu nous imposer dans les urnes. J’invite le maire sortant à s’inscrire dans une démarche républicaine, à respecter le verdict des urnes que seule la Commission électorale est habilitée à proclamer et à utiliser les recours légaux. Je l’invite à appeler ses partisans au calme, à surseoir à toute manifestation violente ou destruction de biens publics et à cesser de faire peser des menaces sur la tenue de l’Abissa », a déclaré Jean-Louis Moulot, actuel directeur de cabinet adjoint du chef de l’État, lors d’une conférence de presse du 24 octobre.

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