« Une mouche dans un verre de lait ! » : un roman pour sensibiliser contre la dépigmentation volontaire

Dans un style simple, la Guadeloupéenne Valérie Vatin aborde dans son deuxième ouvrage « Une mouche dans un verre de lait ! » un sujet lourd et souvent tabou chez les communautés afrodescendantes : la dépigmentation volontaire.

Une mouche dans un verre de lait

Une mouche dans un verre de lait

Publié le 12 mars 2018 Lecture : 4 minutes.

C’est en se promenant dans un quartier populaire de la capitale française que l’idée lui est venue. Guadeloupéenne aux origines asiatiques, Valérie Vatin est une femme « noire et fière de l’être » dotée d’une chevelure dense et naturelle qui ne passe pas inaperçue. Parce qu’elle en a eu assez de se faire interpeller par des marchands qui lui proposaient ouvertement des produits dits « miracle » afin qu’elle « se nettoie la peau », elle a décidé de prendre un engagement littéraire et de toujours utiliser son écriture pour défendre la femme noire en général.

« Qu’elle soit créole ou africaine, la femme noire souffre énormément de certains stéréotypes. Il y a une pression médiatique omniprésente exercée sur elle mais on veut la passer sous silence. On fait comme si c’était normal de lui demander ou de lui suggérer de se décolorer la peau pour être plus claire et donc mieux acceptée sur le plan amoureux, ou au travail » déplore la professeure de lettres agacée par les panneaux publicitaires affichant des femmes au teint clair et cheveux lisses.

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Stratification de la couleur noire

Des faits qu’elle relate à travers la protagoniste d’Une mouche dans un verre de lait ! (Jets d’encres éditions : Daisy, une jeune femme antillaise diplômée, accomplie, indépendante financièrement, moderne mais follement désireuse de plaire à son futur ex-compagnon parisien blanc…Un livre qui se veut être le reflet d’une société dans laquelle plane encore un racisme latent.

Plusieurs raisons poussent les femmes noires à se blanchir la peau. Ici, l’auteure de Contes créoles de mon enfance pointe du doigt l’influence des proches, la volonté de se conformer aux standards de beauté mais aussi le colorisme :

« Au sein même de la population noire antillaise, il y a une stratification, une classification de la couleur noire qui remonte au temps de l’esclavage et de la colonisation. La femme antillaise peut être très foncée – elle se fera parfois même appelée ‘bleue’ – et elle peut être également claire comme une métisse, on l’appellera alors chabine. C’est un compliment pour une femme antillaise de se faire nommer ainsi » explique l’auteure. Elle démontre ce phénomène dans un passage où une maîtresse d’école place les élèves noirs au fond de la classe et les plus clairs aux premiers rangs.

Santé et identité

« C’est triste à dire mais c’est quelque chose qui reste. L’enfant noir foncé aura deux fois plus de travail à faire que l’enfant noir clair… » ajoute-t-elle.

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Un complexe ancré qui fait croire que la dépigmentation est la solution. Cet usage fait encourir des risques car ces produits à base d’hydroquinone ou de mercure que l’on retrouve sous forme de crème ou de savon sont extrêmement toxiques pour la santé. Raison pour laquelle ils sont interdits à la vente.

Ces produits blanchissants atténuent violemment la mélanine, dénaturent ainsi la peau et la fragilisent fortement. « S’en suivent de l’eczéma, des brûlures, des irritations, cicatrices, une forte pilosité mais ce n’est pas tout car l’utilisation prolongée peut entraîner des cancers, du diabète et puis une perte de soi. On ne se reconnaît plus. », informe Valérie Vatin qui a elle-même testé brièvement ces produits pour faire disparaître ses taches pigmentaires.

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Prévention

Le 25 mai 2016, la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), publiait sur son site officiel la liste des nombreux produits – dangereux et non conformes destinés à blanchir la peau – retirés et saisis du marché depuis 2015. Caro light, rapide 7 jours, Star cosmetic, l’Abidjannaise ou encore JBC Skin Care… « La grande majorité a été rencontrée à Paris, en région parisienne, mais aussi en Rhône-Alpes, en Seine Maritime, dans l’Hérault ou encore en Martinique et en Guadeloupe. » peut-on lire sur le portail du ministère de l’économie.

Pour Valérie Vatin, il faut encore aller plus loin : « Ce n’est pas suffisant, les gouvernements doivent prendre des mesures. Dans la grande ville de Pointe-à-Pitre, il y a des femmes qui en vendent librement ! », dénonce-t-elle.

Avec son livre Une mouche dans un verre de lait ! , elle lutte contre ce marché et tente de sensibiliser le plus grand nombre aux conséquences désastreuses de la dépigmentation à travers une écriture simple, drôle et une histoire universelle : « Je suis là pour m’adresser à mes jeunes sœurs et aux femmes qui, comme moi, doivent apprendre à aimer leurs cheveux, leur corps, leurs peaux. Ce livre a été écrit pour la femme noire de 7 à 77 ans, il n’y pas d’âge pour prendre conscience de qui on est, ce que l’on vaut et qui on veut être. Je ne suis pas là pour faire des étincelles littéraires avec ma plume, ce n’est pas mon but ».

Une grande partie des fonds récoltés par cet ouvrage serviront à créer des échanges éducatifs entre les étudiants antillais et ceux d’Afrique. « C’est un projet futur qui me tient à cœur. », conclut celle qui souhaite développer sa culture africaine et son amour pour cette terre.

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