André Fotso : « L’APE jette les prémices d’un partenariat pour le développement »

Le chef du Groupement interpatronale du Cameroun (Gicam) André Fotso estime que l’accord de partenariat économique (APE) représente une chance à saisir pour le secteur privé, même si les défis restent nombreux.

André Fotso est le président du Gicam, le principal syndicat patronal du Cameroun. © Camille Millerand/JA

André Fotso est le président du Gicam, le principal syndicat patronal du Cameroun. © Camille Millerand/JA

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Publié le 23 septembre 2014 Lecture : 5 minutes.

André Fotso, le chef du Groupement interpatronale du Cameroun (Gicam) revient pour Jeune Afrique sur l’accord de partenariat économique conclu entre l’Union européenne et une grande partie de l’Afrique subsaharienne. Le patron des patrons camérounais a participé à une partie des longues négociations qui ont finalement conduit à l’accord final.

Propos recueillis par Olivier Caslin

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Jeune Afrique : Le Cameroun a ratifié l’APE fin juillet. Qu’est-ce que le pays est en droit d’en attendre ?

André Fotso : Le Cameroun a effectivement procédé, le 22 Juillet 2014, à la ratification de l’Accord de Partenariat Economique d’étape paraphé avec l’Union européenne le 17 décembre 2007, signé le 15 Janvier 2009 et validé au Parlement camerounais le 12 juillet 2014.

Pour le Cameroun, il s’agit à coup sûr d’une étape importante du processus de négociation initié à Cotonou depuis 2000 entre l’Union Européenne et les pays ACP. L’APE se veut un accord de libre échange entre ces parties, couplé avec un volet « appui au développement » pour faciliter les ajustements nécessaires pour sa mise en œuvre intégrale.

Contrairement aux accords de Lomé, l’APE d’étape que le Cameroun a ratifié consacre le principe de réciprocité en instaurant désormais une libéralisation progressive, mais non intégrale du marché camerounais aux produits en provenance de l’UE dans le volet commercial. Il jette également les prémices d’un volet « partenariat pour le développement » dont les contours, pour l’essentiel, étaient classés parmi les clauses de rendez-vous.

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Autrement dit, cette ratification permet de préserver les préférences commerciales dont bénéficient les produits camerounais à leur entrée sur le marché de l’UE, maintient les bases de la dynamique de coopération que le Cameroun entretient avec l’UE et devrait servir de levier à l’adaptation de l’économie camerounaise aux exigences de la globalisation.

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Est-ce que le secteur privé a été associé aux négociations et quelles étaient ses principales craintes et revendications au fil de la décennie ?

Le GICAM a, pendant longtemps, assuré la représentation du secteur privé sous-régional dans les différents rounds de négociations au titre de l’Union des Patronats d’Afrique Centrale (UNIPACE). Nous avons toujours milité pour la conclusion d’un accord régional global, équilibré, et prenant en compte le volet « développement », et notamment l’appui aux réformes d’adaptation, à l’amélioration du climat des affaires, à l’intégration sous-régionale et à la mise à niveau des entreprises.

Avant le blocage observé en 2007, la configuration des négociations laissait toujours envisager une telle issue. Malheureusement, l’importance des spécificités nationales, une coordination insuffisante au niveau sous-régionale, les atermoiements de l’UE sur ses engagements à accompagner le volet « développement » se sont présentés comme des facteurs rédhibitoires importants.

Est-il satisfait aujourd’hui? Quels vont être les dossiers particulièrement à suivre?

Depuis le paraphe de l’accord d’étape en décembre 2007, nous étions rentrés dans une ère d’incertitudes préjudiciables au plan économique. L’adoption par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne du Règlement 527/2013 en mai 2013 faisait peser une épée de Damoclès sur les entreprises, et particulièrement celles exportatrices de certains produits vers l’UE. La fin de cette menace qu’induit la ratification peut être perçue comme un point positif. De même, la baisse des barrières douanières réduira le coût des équipements et des matières premières importés auxquelles les entreprises nationales sont fortement dépendantes et donc sera susceptible de contribuer à améliorer leur compétitivité.

Cependant, l’APE d’étape reste un optimum de second rang, dans la mesure où en démultipliant le nombre de régimes commerciaux avec le partenaire commercial majeur de la sous-région, il fait peser une menace sur le processus d’intégration déjà mal embarqué. De plus, la mise en œuvre de l’APE d’étape ratifié par le Cameroun devrait se traduire par un accroissement des importations en provenance de l’Union européenne plus important que celui des exportations du Cameroun vers l’Union européenne, soit une dégradation de la balance commerciale avec ce partenaire majeur.

L’APE devrait se traduire par une dégradation de la balance commerciale avec l’Union européenne

Par ailleurs, les engagements sur le volet partenariat au développement, qui restent à éclaircir, constituent la trame des dossiers post-ratification que le Gicam entend suivre de près. Le Groupement envisage également d’intensifier les rencontres d’échanges et de formation à l’attention des entreprises comme cela a déjà été le cas au cours des 3èmes assises de l’Université du Gicam en juin dernier.

Le Cameroun a négocié seul. Pourquoi ce cas particulier alors que les autres APE sont à caractère sous-régional?

La Cameroun a peut-être signé seul mais n’a pas négocié seul. Les négociations engagées en 2000 se sont déroulées jusqu’en 2007 dans une configuration sous-régionale CEMAC étendue à la RDC et à São Tomé-et-Principe. À cette échéance, l’appréciation de l’accord d’étape qui reflétait le niveau d’avancement des négociations a été faite en fonction de ses enjeux qui étaient différents entre les pays concernés ; certains pays de la sous-région bénéficiant du régime « Tout sauf les armes » et d’autres reposant essentiellement sur le pétrole comme principal produit d’exportation.

Pour le Cameroun, dont la structure du commerce est plus diversifiée, il fallait sauvegarder certaines filières d’exportation (banane et aluminium notamment) qui auraient été lourdement menacées puisqu’elles auraient perdu les préférences dans l’éventualité d’un reversement au régime SPG (Système de préférence pénéralisé).

Quelles auraient pu être les conséquences pour l’économie camerounaise en cas de non-accord avec l’Europe?

Avec le règlement 527/2013, le jeu d’équilibrisme auquel le pays s’était livré depuis 2007 devait changer. À partir du 1er octobre 2014, le reversement du pays au SPG aurait été effectif et les craintes ayant justifié la signature de l’APE d’étape en 2007 se seraient matérialisées.

En tout état de cause, il semble très important de bien cerner les enjeux qui, de notre point de vue, reposent moins sur la décision de ratification que sur les stratégies et les réformes qui devront être engagées par la suite pour limiter les menaces et tirer au maximum profit des opportunités découlant de l’une ou de l’autre option. Aujourd’hui, notre pays ayant opéré son choix, nous restons convaincus que la suite dépendra de notre engagement et de notre capacité à adopter et à implémenter les réformes indispensables pour permettre à notre économie de donner le change face à la concurrence internationale.

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