À Lomé, l’UE décline sa nouvelle vision des relations économiques en Afrique

Talonnés par de nombreux compétiteurs étrangers, à commencer par les Chinois, les Européens, encore le premier investisseur et partenaire commercial en Afrique, commencent à mettre en place de nouveaux outils de financement, exposés durant le premier Forum économique Togo-UE. La priorité étant désormais donnée au secteur privé.

Faure Gnassingbé, le président togolais, lors de l’ouverture du Forum Togo-UE, le 13 juin 2019, à Lomé (Illustration). © Twitter officiel de la présidence de la République togolaise

Faure Gnassingbé, le président togolais, lors de l’ouverture du Forum Togo-UE, le 13 juin 2019, à Lomé (Illustration). © Twitter officiel de la présidence de la République togolaise

Publié le 14 juin 2019 Lecture : 4 minutes.

« Un changement de paradigme est essentiel au niveau de la politique de développement de l’Union européenne en Afrique, et celui-ci doit inclure le secteur privé ». À Lomé, jeudi, Jyrki Katainen, le vice-président finlandais de la Commission européenne, a saisi l’opportunité du premier Forum économique Togo-Union européenne pour marteler la nécessité de faire évoluer le partenariat entre l’Europe et le continent africain.

Devant une assemblée de 600 personnes environ – comptant chefs d’entreprises, officiels européens et africains – réunies à l’Hôtel 2 février de Lomé, en plein cœur du quartier administratif, le commissaire pour l’emploi, la croissance, l’investissement et la compétitivité a rappelé les principes de l’« Alliance UE-Afrique », lancée par le président de la Commission Jean-Claude Juncker en septembre dernier.

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« L’Alliance veut soutenir le secteur privé, dans des domaines clé, en vue de développer l’emploi et créer 10 millions de postes d’ici les cinq prochaines années », a-t-il insisté. Pour atteindre ces objectifs, « nous devons investir massivement, dans les transports, les infrastructures énergétiques, l’eau et l’hygiène, la santé et l’éducation ». Selon le Forum économique mondial, les besoins seraient estimés à 2500 milliards de dollars annuels « de sorte que mobiliser les sources traditionnelles de financement ne suffira pas », a insisté Jyrki Katainen.

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Des garanties

Pour ce faire, l’UE a lancé un Plan d’investissement extérieur (PIE) européen (2018-2020) – de 4,1 milliards d’euros avec l’espoir qu’il puisse lever jusqu’à 44 milliards d’euros – qui s’accompagne d’une véritable refonte de ses outils financiers. L’objectif étant de privilégier les subventions et les prêts au secteur privé (blending) et de développer davantage d’instruments de garantie – avec l’appui de partenaires, essentiellement des banques de développement, pour limiter le risque des investisseurs sur le continent.

Depuis le lancement du PIE, 98 opérations de « blending » ont été approuvées et 28 programmes d’investissements vont bénéficier des garanties budgétaires européennes.

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À nous de nous greffer sur le programme de l’UE pour créer 500 000 emplois d’ici à 2022

Au Togo justement, où l’UE est aussi le premier partenaire commercial, cette démarche reçoit un accueil favorable des autorités. « Depuis quelques années nous avons eu recours à l’investissement public, notamment pour améliorer les infrastructures, et cela nous a permis d’avoir un taux de croissance stable », a indiqué Faure Gnassingbé, le président togolais. « Désormais avec le lancement de notre PND (2018-2022), nous estimons que l’investissement privé est la réponse la plus adaptée à la création d’emplois des jeunes et le meilleur rempart à l’insécurité », a-t-il insisté.

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Le PND devrait être financé à hauteur de 65% par les fonds privés. « À nous de nous greffer sur le programme de l’UE pour créer 500 000 emplois d’ici à 2022 », a ajouté de son côté le Premier ministre togolais, Komi Sélom Klassou.

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« Il y a suffisamment de fonds en Afrique »

Parmi les invités d’honneur, Carlos Lopes, l’ancien secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies (CEA), a néanmoins tempéré la présence actuelle des Européens en Afrique. « Certes ils sont les premiers à investir sur le continent, néanmoins leur présence s’érode au profit des investisseurs chinois, des EAU [Émirats arabes unis, ndlr], de la Turquie, l’Inde, la Corée du Sud et même le Japon. Mais le problème n’est pas là. Il y a en Afrique suffisamment de fonds, la question est plutôt de savoir comment faire en sorte que cet argent ne parte plus ailleurs ».

Et de citer, pêle-mêle, les 920 milliards de dollars que pèsent les fortunes africaines – il a rappelé au passage que la fortune de l’homme d’affaires Aliko Dangote correspondait à 2 fois le PIB du Togo et celui de sa raffinerie 3 fois celui de ce dernier –, les 1 000 milliards de dollars accumulés dans les fonds de pension et le potentiel fiscal existant. « Il suffirait d’accroître de 17 à 18% la pression fiscale pour récolter des montants supérieurs à l’aide publique au développement », a-t-il indiqué.

L’AREI, une initiative africaine

Quoi qu’il en soit, le changement de ligne des Européens commence à se traduire en actes. En témoigne l’attribution directe des fonds qui ont été faits dans le domaine des énergies vertes. Sur un budget de 2,7 milliards d’euros (2014-2020) destinés à l’énergie en Afrique, l’UE a directement confié 1,5 milliard à l’AREI (African Renewable Energy Initiative), une initiative totalement africaine. Et ce en vue de contribuer à la production de 5 GW à cet horizon et de favoriser l’accès de 30 millions de personnes à l’électricité.

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« Nous nous devons d’affronter les grands problèmes ensemble, et l’énergie et le changement climatique constituent un des défis les plus importants », a insisté Stefano Manservisi, le directeur général de la coopération internationale et du développement à la Commission européenne. Lancé après la COP21, ce projet dont Alpha Condé se fait l’un des grands défenseurs, s’est soldé par un premier Forum des énergies renouvelables les 11 et 12 juin – là encore coorganisé avec l’UE – à Conakry. À cette occasion, selon les représentants de l’AREI, le Conseil a approuvé le lancement de 104 projets à développer dans tous les domaines de l’énergie propre. Son conseil d’administration, présidé par le chef de l’État guinéen, a pu compter sur la participation de son homologue tchadien, Idriss Déby Itno, et des représentants d’autres pays membres, l’Égypte, le Kenya et la Namibie.

L’initiative table sur une production de 10 GW à l’horizon de 2020 et de 300 GW d’ici à 2030. Un objectif sans doute trop ambitieux, confessent les organisateurs. Mais, à leurs yeux, l’essentiel est ailleurs : la dynamique est lancée. Et, elle est aussi entre des mains africaines.

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