Corruption en Libye : Justin Trudeau affaibli par l’affaire SNC Lavalin

Selon un rapport parlementaire canadien, Justin Trudeau aurait fait pression sur la justice de son pays pour éviter le procès de la multinationale québécoise SNC Lavalin, accusée de fraude et de corruption en Libye.

Les bureaux de SNC-Lavalin à Montréal en 2012. © Ryan Remiorz/AP/SIPA

Les bureaux de SNC-Lavalin à Montréal en 2012. © Ryan Remiorz/AP/SIPA

Arianna Poletti

Publié le 16 août 2019 Lecture : 3 minutes.

C’est un nouvel épisode dans l’affaire SNC Lavalin, ce géant du BTP basé à Montréal accusé d’avoir versé des pots-de-vin à des proches de Mouammar Kadhafi. Mercredi 14 août, un rapport remis par le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique – relevant du parlement canadien – accuse le Premier ministre canadien Justin Trudeau d’avoir enfreint la loi en tentant de faire pression sur son ex-ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, dans une procédure judiciaire visant la société québécoise. En d’autres termes : Trudeau aurait tenté de convaincre sa ministre de « préserver » la multinationale, en faisant suspendre le procès.

Selon le rapport, « l’entourage de Justin Trudeau a demandé de façon irrégulière à la procureure générale de tenir compte d’intérêts politiques partisans dans cette affaire, ce qui va à l’encontre des principes constitutionnels ».

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Les premiers contacts « ont eu lieu au début de février 2016, lorsque SNC-Lavalin a entamé des activités de lobbying auprès de plusieurs haut responsables, y compris du personnel ministériel du cabinet du Premier ministre », explique le document, en détaillant les réunions ministérielles sur un éventuel régime d’accords de réparation.

Comme l’annonçait Radio Canada en mai, la direction de SNC-Lavalin a effectivement « tenté d’obtenir un accord de poursuite suspendue, ce qui lui aurait permis de payer une amende plutôt que d’être traduite en procès ». Mais la procureure générale Jody Wilson-Raybould s’était alors opposé à cette solution.

L’affaire libyenne fait trembler le gouvernement Trudeau

L’entreprise a été accusée de fraude et de corruption en février 2015 par la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Depuis, cette affaire est au cœur d’une crise politique au Canada, dont les répercussions pourraient se faire sentir lors des élections prévues en octobre.

« Là où je ne suis pas d’accord, c’est sur sa conclusion que tout contact avec la procureure générale sur cette question était nécessairement inapproprié », a réagi Justin Trudeau, affirmant par ailleurs avoir à coeur de sauvegarder des milliers d’emplois.

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Une reconnaissance implicite de ses contacts sur ce dossier, que le Premier ministre canadien n’a pas toujours assumé. En mars, dernier, il assurait ainsi qu’il n’y jamais eu « de pressions inappropriées » de sa part sur l’ex-ministre de la Justice.

En janvier 2019, Jody Wilson-Raybould dénonçait pourtant le fait que « la corruption d’agents publics étrangers nuit à la bonne gouvernance et au développement économique durable ». Des propos qui lui ont valu une éviction du gouvernement. Quelques jours plus tard, c’est le principal conseiller de Trudeau, Gerald Butts, qui a lui aussi décidé de quitter son poste, tout comme la ministre du Budget, sur fond de soupçons d’ingérence de l’exécutif dans la procédure judiciaire contre ce géant de l’ingénierie.

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32 millions d’euros aux proches de Kadhafi

Accusée de corruption et de fraude, SNC Lavalin aurait versé 32 millions d’euros à des responsables libyens jusqu’en 2011. Le fils de l’ancien guide libyen, Saadi Kadhafi – invité à plusieurs reprises au Canada lors de voyages somptuaires -, aurait été l’un des bénéficiaires directs de ces fonds. En échange de pots-de-vin, la multinationale aurait obtenu des nombreux contrats publics, notamment des marchés portant sur la réalisation de la « rivière artificielle » voulue par Mouammar Kadhafi.

La lenteur de la procédure a, d’ores et déjà, produit ses premiers effets. Le procès ayant démarré en octobre dernier, deux cadres bénéficient désormais d’une suspension des procédures à leur encontre, en raison du dépassement du délai maximal pour la tenue d’un procès criminel, fixé à 30 mois.

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