L’Éthiopie recouvre sa fierté

Volé par les troupes de Mussolini en 1937, l’obélisque d’Axoum retrouve son site d’origine. Et sera inauguré le 10 septembre, après deux mois de travaux.

Publié le 21 juillet 2008 Lecture : 3 minutes.

Wodinaye est la mascotte du chantier. Le jeune bouc gambade entre les palissades de tôles, les tubes et les échafaudages métalliques. Parfois, il s’immobilise pour brouter les brins d’herbe qu’ouvriers et ingénieurs, éthiopiens ou italiens, n’ont pas encore écrasés. Mais la plupart du temps, Wodinaye se repose à l’ombre des trois blocs de granit qui constituent la stèle numéro 2 du site d’Axoum, dans le nord de l’Éthiopie. Classées au patrimoine mondial de l’Unesco en 1980, les ruines du site datent d’entre le Ier et le XIIIe siècle et marquent l’emplacement du coeur de l’Éthiopie antique, lorsque le royaume d’Axoum était l’État le plus puissant entre l’Empire romain d’Orient et la Perse.
Le bruit du gros générateur qui tourne en permanence n’empêche pas Wodinaye de dormir. Il ignore tout des péripéties de l’obélisque d’Axoum. Volé par les troupes de Mussolini en 1937, installé à Rome pendant près de soixante-dix ans, il a été démonté en trois tronçons en 2005, et ses 150 tonnes, transportées à bord d’un Antonov, ont enfin retrouvé la terre de leurs origines. Maintenant, il faut réinstaller les trois blocs les uns sur les autres. Et ce n’est pas une mince affaire.

Symbolique
Le chantier ressemble à un plateau de cinéma avec beaucoup de préparations et, finalement, des actions courtes et spectaculaires menées par des ouvriers tendus et attentifs, au service d’un récit extraordinaire – d’un symbole. Nada al-Hassan, la gestionnaire du projet pour le Centre du patrimoine mondial à l’Unesco, croit dur comme pierre en la réussite du projet. D’origine palestinienne, marquée par l’expérience d’autres projets sensibles, en particulier à Bethléem, elle est prête à toute éventualité, même si les obstacles, archéologiques, financiers, logistiques et politiques, semblent désormais derrière. La réussite dépend maintenant des experts locaux et des contractants de l’Unesco, la société de construction Lattanzi et l’équipe de supervision (Studio Croci & Associati, SPC Engineering, MH Engineering).
La mise en oeuvre de l’opération est épatante de simplicité et économe en moyens humains. Alors que des milliers d’ouvriers ont sué sang et eau pour ériger la stèle entre le IIIe et le IVe siècle, une vingtaine de personnes seulement travaillent aujourd’hui sur le site. Le projet demeure néanmoins pharaonique : le premier bloc de la stèle, haute de 23,4 m, compte 2,5 m de fondations et 4,5 m de « corps », soit 7 m de haut pour environ 50 tonnes de granit.
Première phase des travaux : la pierre taillée est placée sur une rampe qui permet de la faire glisser vers le lieu exact de son emplacement originel, où a été coulée une base de béton armé. Ensuite, un pont mobile installé au sommet d’une structure échafaudée pour dominer la stèle sert à relever le premier segment, puis à le positionner au-dessus de la brèche qui l’accueillera pour l’éternité. Le 12 juin dernier, la première partie de l’opération s’est déroulée sans accroc.
Dans le sol, quatre longues barres de fer prolongent l’édifice afin de résister aux éventuelles secousses telluriques. Les deux portions supérieures seront fixées entre elles par des barres de Kevlar, entre le 16 et le 31 juillet. En août, Axoum aura retrouvé un peu de la splendeur d’un ancien empire et, le 10 septembre, l’inauguration de l’obélisque viendra clore les célébrations du millénaire éthiopien. En attendant, le jeune bouc Wodinaye surveille le béton qui doit encore sécher pendant quelques jours, avant que ne reprennent les travaux.

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* Fondateur et auteur du site www.world-heritage-tour.org

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