Guinée-Bissau – Umaro Sissoco Embaló : « Les forces de la Cedeao ne sont pas mieux placées que notre armée pour sécuriser le pays »

Candidat du Madem G-15 à la présidentielle, Umaro Sissoco Embaló, qui fut l’un des huit Premiers ministres qui se sont succédé sous la présidence de José Mário Vaz, affiche une posture de rassembleur à la veille du scrutin. Une nécessité pour lui, puisque son parti, arrivé deuxième aux législatives de mars dernier, n’aurait pas la majorité nécessaire pour former un gouvernement en cas de victoire.

Umaro Sissoco Embaló, en campagne pour la présidentielle, le 10 novembre 2019. © DR / Facebook Umaro Sissoco Embaló

Umaro Sissoco Embaló, en campagne pour la présidentielle, le 10 novembre 2019. © DR / Facebook Umaro Sissoco Embaló

Publié le 22 novembre 2019 Lecture : 4 minutes.

Premier ministre de José Mário Vaz de 2016 à 2018, ex-cadre du Parti pour l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap Vert (PAIGC), Umaro Sissoco Embaló est sorti du rang pour porter les couleurs de sa propre formation politique à la présidentielle du 24 novembre.

Le candidat du Mouvement pour l’alternative démocratique (Madem G-15) à la présidentielle sera opposé à l’imprévisible président sortant José Mário Vaz (Jomav), dont le mandat est officiellement arrivé à son terme en juin, et, surtout, à Domingos Simões Pereira (DSP), le candidat du PAIGC, qui espère prendre sa revanche, quatre ans après avoir été limogé de la primature.

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Dans cette campagne, c’est le président sortant que le candidat du Madem-G15, un parti né suite à des dissensions au sein du PAIGC, a choisi d’attaquer avec le plus de vigueur. Umaro Sissoco Embaló, qui ne quitte plus le keffieh rouge et blanc noué autour de sa tête, se pose en rassembleur et aime à mettre en avant le fait qu’il est « un musulman marié à une chrétienne ». Il n’hésite toutefois pas à multiplier les piques envers son adversaire du PAIGC.

Jeune Afrique : À deux semaines de la présidentielle, José Mário Vaz a limogé son Premier ministre Aristides Gomes – le septième depuis le début de son mandat. Quel regard portez-vous sur ce nouvel épisode d’une crise politique qui inquiète la communauté internationale ? 

Umaro Sissoco Embaló : En Guinée-Bissau, nous avons une Constitution qui prévoit que le président élu nomme un gouvernement en prenant en considération le résultat des législatives. Beaucoup d’éléments mériteraient d’être clarifiés dans ce texte. Je ne suis pas là pour juger José Mário Vaz. À lui d’expliquer ce qui l’a amené à prendre de telles décisions.

Dans la Constitution bissau-guinéenne, beaucoup d’éléments mériteraient d’être clarifiés

Pour ma part, je suis candidat à la présidentielle, aussi je n’irai pas plus loin dans ce débat. Ce qui m’importe, c’est l’avenir de mes concitoyens et celui du pays. En revanche, une fois élu, je reviendrai sans aucun doute sur ce dossier.

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Le Madem G-15, votre parti, est arrivé en deuxième position lors des législatives de mars dernier, avec 21 % des voix. Si vous remportez cette présidentielle, vous ne pourriez donc pas constituer un gouvernement seul. Comment comptez-vous faire ?

Une fois élu, je serai le président de tous les Bissau-Guinéens, et non plus le vice-président du Madem G-15. À cet instant, j’inviterai le parti qui détient la majorité à l’Assemblée à gouverner. Avec le PAIGC, rien n’est exclu ; ce ne sont pas des ennemis. En Guinée-Bissau, nous avons une particularité : dans chaque parti, vous pouvez trouver un membre de votre famille, un frère, une cousine…

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J’espère être élu président de la République par mes concitoyens. Dès lors, si le PAIGC et ses membres me prouvent qu’ils sont majoritaires, pourquoi pas ? Je pourrais même nommer leur président, Domingos Simões Pereira, comme Premier ministre.

Mon parcours politique parle de lui même : je reste ouvert à la discussion, y compris avec les personnes qui n’appartiennent pas à ma formation politique. Lors de la création du Madem G-15, nous avons ouvert les portes à tous, sans aucune distinction. À cette époque, José Mário Vaz était là, tout comme « Cadogo » [l’ex-Premier ministre Carlos Gomes Junior, lui aussi candidat à cette présidentielle]. Mais j’ai gagné et le verdict des urnes a été respecté [Umaro Sissoco Embaló a obtenu l’investiture du Madem, que briguait également José Mário Vaz]. Le Madem G-15 est un parti démocratique.

En tant qu’ancien membre du PAIGC, quelles sont aujourd’hui vos relations avec son président, Domingos Simões Pereira ?

Domingos Simões Pereira est à l’origine de l’axe du mal car il a créé des divisions au sein des populations bissau-guinéennes, notamment sur des critères ethniques. Des frères ne se parlent plus aujourd’hui, parce que Domingos Simões Pereira a poussé à la distinction entre les catholiques et les musulmans. Il s’agit là d’un point sur lequel lui et moi ne pourront jamais être d’accord.

Nous faisons tous partie de la même République, où il ne saurait être question ni de race ni de religion

Personnellement, je suis un républicain, un soldat de la République, et je ne juge pas une personne en fonction de son origine. Nous faisons tous partie de la même République, où il ne saurait être question ni de race ni de religion.

Malgré le discours du chef d’état-major Biaguê Na Ntan, qui a assuré que « les forces armées de Guinée-Bissau ne sont plus intéressées par la politique, encore moins par le fait de fomenter des coups d’État », la Cedeao ne cache pas son inquiétude en cette veille d’élection présidentielle. Existe-t-il un risque de coup d’État militaire ?

Il n’y aura pas de coup d’État. José Mário Vaz est le premier président bissau-guinéen à terminer son mandat, et nous en sommes tous heureux pour le pays.

En revanche, je ne comprends pas pourquoi certains pensent que les forces de la Cedeao sont mieux placées pour sécuriser le pays que notre propre armée. Je fais confiance à nos hommes. Les moyens que déploie la communauté internationale pour l’Ecomib, pourquoi ne pas les mettre au service de nos soldats ? Ces derniers ont démontré leur maturité et prouvé qu’ils sont des républicains. Ils ont eu maintes occasions de commettre un coup d’État, or ils ne l’ont pas fait.

En réalité, le problème n’est pas de leur côté, mais bien de celui des politiciens. Sur ce dossier, que je connais bien, je pense que certains font une erreur d’évaluation au détriment de notre pays. Je préfère mille fois avoir des militaires bissau-guinéens bien entraînés, bien formés, à des soldats venus de l’extérieur.

L’armée peut jouer un rôle très important dans le développement du pays. Personnellement, en tant qu’ancien général, les militaires sont mes anciens frères d’armes. Cependant, il ne faut pas oublier qu’une fois élu président, je serai le commandant suprême des armées. Il y a un respect à avoir. Et à ce moment-là, je souhaite me présenter en rassembleur.

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