Produits éclaircissants au Sénégal : un business néfaste mais toujours florissant

Infections de la peau, irritations, vergetures, hypertension, voire cancer… Malgré les dangers liés à l’utilisation de produits dépigmentants, ces cosmétiques continuent de remporter un franc succès au Sénégal. Un véritable problème de santé publique, ignoré par les autorités sanitaires.

Affiche faisant la promotion de produits éclaircissants pour la peau. Le Khessal (éclaircir en wolof) est une pratique dangereuse pour la santé mais très répandue en Afrique de l’Ouest où les femmes sont considérées plus attractives quand elles ont la peau claire. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

Affiche faisant la promotion de produits éclaircissants pour la peau. Le Khessal (éclaircir en wolof) est une pratique dangereuse pour la santé mais très répandue en Afrique de l’Ouest où les femmes sont considérées plus attractives quand elles ont la peau claire. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

MARIEME-SOUMARE_2024

Publié le 29 janvier 2020 Lecture : 8 minutes.

Âmes sensibles, s’abstenir. Sur cette vidéo virale, une femme noire se tient à genoux dans une baignoire remplie d’un liquide coloré. À sa gauche, une deuxième personne passe sur ses mollets un instrument en plastique qui laisse ses jambes nues anormalement claires par rapport à sa couleur de peau initiale.

Que contient ce bac verdâtre qui semble lui décaper la peau ? « Peut-être de l’acide », suggère la dermatologue Fatimata Ly, figure incontournable de la lutte contre la dépigmentation de la peau au Sénégal.

Pour se « blanchir », les méthodes les plus utilisées aujourd’hui, au Sénégal comme ailleurs, semblent globalement moins radicales. Mais les crèmes, lotions, pilules et autres produits dépigmentants ont beau avoir l’air inoffensif, dissimulés derrière des emballages colorés qui les feraient passer pour n’importe quel cosmétique basique, ils sont eux aussi très dangereux. Le terme « khessal », employé au Sénégal pour décrire la pratique de blanchissement de la peau, dériverait d’ailleurs de l’arabe ghassala, « laver ».

Infections de la peau, irritations, vergetures, tâches, hypertension, diabète, voire même cancer : selon les individus, l’éventail de complications est vaste et, dans les cas les plus extrêmes, peut s’avérer mortel. De nombreuses études ont analysé la nocivité de ces crèmes « Light skin » et de ces laits pour le corps qui promettent « un teint éclatant ». Et pourtant, ils sont partout : exposés sur les étals des marchés, dans les pharmacies, sur les rayons des boutiques de cosmétiques, affichés sur les panneaux publicitaires… Utilisées quotidiennement pendant plusieurs années, ces crèmes laissent généralement sur la peau – en particulier surtout sur les mains et les pieds – des tâches et des marques foncées.

Le salon de beauté Beauty Chic by Tola, promet aux femmes à la peau abîmée par le khessal de les soigner. Une cliente montre des vergetures sur sa peau, conséquence d’un traitement éclaircissant. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

Le salon de beauté Beauty Chic by Tola, promet aux femmes à la peau abîmée par le khessal de les soigner. Une cliente montre des vergetures sur sa peau, conséquence d’un traitement éclaircissant. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

Pour les femmes, être noire, ça n’est pas bien. Nous cherchions juste à être jolies

À 54 ans, Antha Niang possède dix à quinze ans d’utilisation de substances dépigmentantes à son actif. Des années passées à s’abîmer la peau et la santé à la poursuite d’un idéal esthétique qui ne lui correspond pas. « Pour les femmes, être noire, ça n’est pas bien. Nous cherchions juste à être jolies », résume-t-elle. Au Sénégal comme ailleurs, s’éclaircir la peau est un geste de beauté presque comme un autre : avoir un « beau teint », c’est d’abord avoir un teint plus clair. Pour faire comme les autres, pour plaire, pour se sentir belle. Une habitude qui devient parfois une obsession.

Des bénefices qui se chiffrent en milliards

Combien de femmes sont concernées dans le pays ? Selon une récente étude réalisée à Pikine, 71 % des femmes résidant dans cette localité de la banlieue dakaroise en font usage : un chiffre qui donne une idée de l’ampleur du phénomène. Face aux ravages provoqués par le khessal, les autorités publiques restent pourtant mutiques et inactives. « Cela fait des années qu’on les interpelle mais il ne se passe rien », se désespère Fatimata Ly.

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