Maha Abdelhamid : « Les Tunisiennes sont toujours représentées par des femmes à la peau plus claire »

Géographe, chercheuse au Centre arabe de recherches et d’études politiques (CAREP), Maha Abdelhamid estime que, malgré de nombreuses mobilisations et des avancées législatives, les femmes tunisiennes noires sont trop peu visibles dans le paysage médiatique et politique en Tunisie.

En Tunisie, la société civile a obtenu l’adoption d’un texte de loi criminalisant le racisme © Tim Pierce/CC/Flickr

En Tunisie, la société civile a obtenu l’adoption d’un texte de loi criminalisant le racisme © Tim Pierce/CC/Flickr

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Publié le 28 février 2020 Lecture : 4 minutes.

Militante du mouvement anti-racisme depuis la révolution, Maha Abdelhamid a lancé le 23 janvier avec six concitoyennes – toutes issues du Sud tunisien – le groupe de réflexion Voix des femmes tunisiennes noires. Après avoir fait ses gammes en 2012 au sein de l’association ADAM pour l’égalité et le développement, pionnière de la dénonciation des discriminations contre les noirs dans le pays, elle est devenue membre du Comité pour le respect des libertés et droits de l’homme en Tunisie (CRLDHT). Installée en France depuis 2013, cette docteur en géographie sociale, chercheuse associé au Centre arabe de recherches et d’études politiques (CAREP), a poursuivi sa mobilisation pour son pays sur les réseaux sociaux et au travers de ses recherches. Elle a également participé à organiser plusieurs mobilisations en Tunisie, comme la caravane de marcheurs contre le racisme de Djerba à Tunis, en 2014.

Jeune Afrique : Vous avez lancé le 23 janvier, date anniversaire de l’abolition de l’esclavage en Tunisie (1846), le mouvement Voix des femmes tunisiennes noires. Pourquoi ce segment ? Estimez-vous être une minorité dans la minorité ?

Maha Abdelhamid : Je n’apprécie pas le terme de minorité, je dirais plutôt qu’en temps que noires nous ne sommes pas visibles car nos problématiques sont « invisibilisées ». C’est une question politique. Pour nous, il s’agit d’agir dans la continuité d’une lutte commune contre le racisme anti-noirs. Nous sommes un groupe de femmes, certes, mais d’anciens membres d’ADAM nous soutiennent et nous donnent des coups de main. Dès sa création, les femmes étaient en première ligne pour faire reconnaître le fait que le racisme existe en Tunisie, comme dans toutes les sociétés arabes. Nous avons souhaité monter un groupe de femmes non pas dans le but d’exclure les hommes mais pour créer une nouvelle dynamique dans la sphère féministe tunisienne où les femmes noires ne sont pas représentées.

Est-ce une manière de dire que vous n’avez pas trouvé votre place dans les mouvements féministes ?

La société ne reconnait pas encore la pluralité de la population tunisienne. Beaucoup ne connaissent pas l’Histoire du racisme. Et ce n’est pas la priorité de nombre d’associations existantes.

Il n’y a pas de femmes noires dans le paysage politique et les rares actrices noires enchaînent des rôles d’opprimées

Concrètement, de quel genre de discriminations souffrez-vous en tant que  femmes noires ?

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Les Tunisiennes sont toujours représentées par des femmes à la peau plus claire. Or, dans le Sud, il y a beaucoup de femmes noires. C’est une question d’image. Les rares actrices noires enchaînent encore des rôles d’opprimées. Et c’est malheureusement la réalité de nombre de femmes noires dans la société. Nous ne sommes pas non plus représentées dans les institutions. Mis à part Jamila Ksiksi, députée d’Ennahdha depuis 2014, il n’y a pas de femmes noires dans le paysage politique.

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