Affaire Félicien Kabuga : les vérités de Serge Brammertz, procureur du tribunal international sur le Rwanda

Une semaine après l’arrestation de Félicien Kabuga, Serge Brammertz, le procureur du Mécanisme résiduel de l’ONU sur le Rwanda, revient pour Jeune Afrique sur la traque du financier présumé du génocide et sur la situation des autres fugitifs encore recherchés.

Serge Brammertz s’exprime lors de la cérémonie de clôture du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) dans la salle historique des Chevaliers à La Haye, le 21 décembre 2017. © Phil Nijhuis/AP/SIPA

Serge Brammertz s’exprime lors de la cérémonie de clôture du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) dans la salle historique des Chevaliers à La Haye, le 21 décembre 2017. © Phil Nijhuis/AP/SIPA

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Publié le 22 mai 2020 Lecture : 7 minutes.

Le 16 mai à l’aube, en banlieue parisienne, le Mécanisme chargé d’assurer les fonctions résiduelles du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), qui a fermé ses portes en 2015, a probablement écrit l’une des plus belles pages de son histoire. En mettant la main sur l’insaisissable Félicien Kabuga, ce richissime homme d’affaires qui narguait depuis plus de 25 ans les polices africaines et européennes, les gendarmes français, mandatés par la justice internationale, ont mis fin à la cavale de l’un des principaux responsables présumés du génocide perpétré au Rwanda en 1994 contre les Tutsi.

Une arrestation largement médiatisée, qui a projeté dans la lumière le discret Serge Brammertz, procureur du Mécanisme depuis 2016, après avoir successivement œuvré à la Cour pénal internationale (CPI), au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) ou au sein de la commission d’enquête internationale sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais, Rafiq Hariri.

Le 22 mai, au lendemain du jour où fut recueillie cette interview, le Parquet dévoilait un autre scoop : le décès de l’ancien ministre rwandais de la Défense Augustin Bizimana, l’un des deux derniers « gros poissons » qui figuraient encore sur la liste du Mécanisme.

Le magistrat belge de 58 ans, que certains verraient bien succéder à Fatou Bensouda à la tête de la CPI, revient pour Jeune Afrique sur la traque de l’un des fugitifs les plus recherchés au monde, tout en évoquant la difficile coopération du Mécanisme avec certains États africains soupçonnés d’abriter d’autres suspects.

Jeune Afrique : Au moment où vous avez pris vos fonctions, en 2016, de quelles pistes disposait le Mécanisme concernant la localisation de Félicien Kabuga ? 

Serge Brammertz : À cette époque, la plupart des informations qui nous parvenaient le situaient plutôt en Afrique. Mon prédécesseur, Hassan Bubacar Jallow, avait notamment évoqué devant le Conseil de sécurité de l’ONU les problèmes de coopération rencontrés avec le Kenya [où Kabuga a longtemps bénéficié de protections haut placées]. Parmi nos informateurs qui prétendaient l’avoir croisé, certains évoquaient le Burundi ou le Gabon.

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Très vite, j’ai nommé un nouveau patron pour diriger l’équipe de « tracking » du Mécanisme, cette unité chargée d’enquêter sur les fugitifs rwandais. Nous avons par ailleurs recruté deux analystes pour étoffer l’équipe. Nous sommes alors passés d’une stratégie réactive à une stratégie proactive. Autrement dit, nous avons commencé à identifier nous-mêmes les « personnes d’intérêt » : celles qui pouvaient être impliquées dans les réseaux de protection dont bénéficiait Félicien Kabuga.

Quand êtes-vous parvenu à la conclusion qu’il se trouvait en réalité en Europe ?

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