Algérie: une figure du Hirak raconte sa détention à El Harrach

Arrêté en octobre 2019, Abelouahab Fersaoui, figure du Hirak algérien, a passé sept mois à la prison d’El Harrach, où croupissent hauts dignitaires de l’ancien régime, hommes d’affaires et prisonniers de droit commun.

Le militant Abdelouahab Fersaoui à sa sortie de la prison d’El Harrach, le 18 mai 2020, à Alger. © RYAD KRAMDI/AFP

Le militant Abdelouahab Fersaoui à sa sortie de la prison d’El Harrach, le 18 mai 2020, à Alger. © RYAD KRAMDI/AFP

FARID-ALILAT_2024

Publié le 22 mai 2020 Lecture : 6 minutes.

« Je me suis préparé à aller en prison. J’étais dans le collimateur du pouvoir. » Au téléphone depuis son village Ath Smail, sur les hauteurs de Béjaia, Abdelouahab Fersaoui parle avec la lucidité et l’assurance d’un homme dont le cuir a été tanné par des années de militantisme. Les 220 jours qu’il a passé derrière les barreaux l’ont rendu encore plus déterminé et plus engagé. « La prison est un centre de formation », ironise cet informaticien au chômage, qui a commencé le militantisme à l’âge où les adolescents connaissent leurs premiers émois amoureux.

Ce jeudi 10 octobre 2019, Abdelouahab assiste à un rassemblement de soutien aux détenus d’opinion devant le tribunal d’Alger. Président de RAJ (Rassemblement Action Jeunesse), une organisation très active dans les luttes sociales et politiques, Abdelouahab est une figure du mouvement hirak à l’origine de la chute du président Bouteflika. Objet de surveillance et de filature depuis plusieurs semaines, ses publications sur les réseaux sociaux font également l’objet d’une attention particulière de la part des autorités. Sous la menace d’une interpellation, il n’oppose aucune résistance aux policiers qui le conduisent, à la fin du rassemblement, au commissariat central.

Durant des heures, il est interrogé sur ses activités, ses opinions, son engagement dans le Hirak. Comme il s’y attendait, les policiers lui mettent sous le nez une centaine de feuilles représentant les captures d’écran de ses publications sur Facebook. L’objet du délit. La courte garde-à-vue se termine par une visite médicale avant le passage chez le procureur. Nouvel interrogatoire. Le magistrat ne s’éternise pas avant de lui signifier les deux chefs d’inculpation pour lesquels il sera déféré devant un juge : incitation à la violence et atteinte à l’unité nationale. Chez le juge d’instruction, l’audience est plutôt brève. « Vous avez trois jours pour faire appel », lui lance-t-il avec l’aplomb de celui qui a vu défiler des prévenus dans son bureau. Abdelouahab se défend et clame son innocence, mais le juge reste de marbre. « La décision de m’incarcérer a été prise à l’avance », dit-il. Neuf militants de RAJ sont déjà en prison. 

Numéro d’écrou : 272639

Il est 22 heures quand Abdelouhab Fersaoui, 39 ans, fait son entrée à la prison d’El Harrach, désormais célèbre dans le monde entier pour abriter dans ses hauts murs deux anciens Premiers ministres, une vingtaine de ministres et une bonne dizaine d’hommes d’affaires qui sont jugés ou attendent de l’être pour des faits de corruption présumée. Désormais, Abdelouahab n’est qu’un numéro d’écrou : 272639. « Même si mes années de militantisme depuis le lycée m’ont préparé à tout affronter, se retrouver derrière les barreaux est d’une grande violence.»

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