Niger : Diffa, capitale régionale étranglée par Boko Haram

Deux soldats sont postés devant la grande mosquée de Diffa, dans le sud-est du Niger, leurs armes pointées vers les fidèles qui affluent pour la prière. D’eux-mêmes, ceux-ci soulèvent leurs boubous pour montrer qu’ils n’ont pas de ceinture d’explosifs.

Le camp de réfugiés de d’Asanga près de Diffa au Niger lors d’une distribution d’aides alimentaires, le 16 juin 2016. © Issouf Sanogo/AFP

Le camp de réfugiés de d’Asanga près de Diffa au Niger lors d’une distribution d’aides alimentaires, le 16 juin 2016. © Issouf Sanogo/AFP

Publié le 19 juin 2016 Lecture : 3 minutes.

Les habitants de la capitale régionale de cette région de 600 000 personnes située tout près du lac Tchad et de la frontière nigériane ont pris l’habitude de vivre sous la menace des islamistes nigérians de Boko Haram, auteurs d’attaques meurtrières et d’attentats suicides.

Le harcèlement permanent et l’insécurité ont fait fuir une partie de la population et pèsent sur une économie qui subit aussi un arsenal de mesures restrictives prises par les autorités pour prévenir les infiltrations de Boko Haram.

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En mars 2015, le gouverneur a fait évacuer toutes les populations des îles du lac Tchad (25 000 personnes, dont une partie s’est réfugiée à Diffa), suspendu le commerce des principales richesses locales –le poivron et le poisson– en provenance du lac, interdit purement et simplement les motos -dont Boko Haram se servait pour se déplacer- et instauré un couvre-feu sur la circulation pendant la nuit.

Des soldats nigériens près de Diffa, le 16 juin 2016. © Issouf Sanogo/AFP

Des soldats nigériens près de Diffa, le 16 juin 2016. © Issouf Sanogo/AFP

« Il n’y a pas de clients. Les gens ont peur ou ils ont fui », se plaint Mamane Nouré Abdou, propriétaire d’une boutique à moitié vide, qui vend arachides et boissons.

« Avant, il y avait la circulation de nairas (la devise nigériane), de francs CFA. Maintenant, il n’y a pas d’argent, pas de boulot, il n’y a pas de champs (cultivés), rien », ajoute-il, précisant que ses recettes ont été divisées par trois par rapport à 2015.

A côté de sa boutique, une « fada », un lieu de rencontres avec des nattes sur le sol. Il y a un an, cette fada était l’atelier de réparation de motos de Mohamed Ali, mécanicien de 22 ans, désormais au chômage.

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« On ne fait rien. On est là assis. Je ne suis pas le seul, ça (l’interdiction des motos) touche beaucoup de monde », affirme Mohamed Ali.

Selon une source de la société civile, 13 000 personnes auraient été mises au chômage par l’interdiction des motos qui étaient le principal mode de transport.

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« Promotion 2016 »

« J’en veux à Boko Haram, mais la mesure n’a pas été bien réfléchie. Personne ne nous est venu en aide. Il n’y a pas de travail ici », dit Mohamed Ali, confiant que les moteurs « lui manquent énormément ». « Depuis petit, je vais au garage. J’espère retrouver mon travail. Ça va venir avec l’aide de Dieu ».

L’interdiction des motos a fait le bonheur de l’ancien moto-taxi Adama Malamari, 22 ans, qui troqué son guidon pour un volant.

« On s’est débrouillé, on a vendu la moto, d’autres choses, et on a acheté notre taxi », dit-il, avouant mieux gagner sa vie, même s’il estime son travail compliqué par l’état des routes, des contrôles de police et… l’arrivée de milliers de conducteurs inexpérimentés surnommés « promotion 2016 ».

Les transporteurs font partie des principales victimes de la crise. Beaucoup ont abandonné le métier, comme le souligne Sabou Ali, secrétaire général des transporteurs de la région.

« Il y a de l’insécurité sur les routes en raison de Boko Haram, et nous avons perdu toute l’activité dans les zones interdites (îles et territoires évacués). Des routes et marchés sont interdits. La circulation a beaucoup baissé », explique-t-il, soulignant aussi que les frais ont monté.

Les camions roulaient auparavant au gasoil du Nigeria (souvent transporté par bateau sur le lac) à 400 francs CFA le litre (60 centimes d’euro) contre 530 FCFA (80 centimes) aux pompes nigériennes.

La circulation avait lieu 24h sur 24 mais maintenant les véhicules ne circulent plus entre 19h et l’aube.

Autre secteur durement touché, celui du poivron, spécialité de la région.

La plupart des agriculteurs sont aujourd’hui des déplacés internes vivant d’aide internationale. Les acheteurs qui revendent le poivron à Niamey ou Zinder ne travaillent plus.

« Ca fait six mois que je n’ai plus rien acheté. Je vends mes derniers stocks (le poivron est séché pour devenir un piment). Je ne sais pas ce que je vais faire », dit Bra Boulama, un négociant qui estime que le poivron représentait 20 000 emplois et 6 milliards de FCFA (10 millions d’euros) de chiffre d’affaires dans la région.

Tous espèrent, à défaut d’y croire, que la situation générée par Boko Haram va se résorber rapidement.

« Si ca ne va pas, on va quitter Diffa », prévient le boutiquier Mamane.

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