Zimbabwe: Mme Mugabe, première dame et un soupçon d’ambition présidentielle

Jusqu’où ira Grace Mugabe, l’épouse du vieux président zimbabwéen Robert Mugabe ? Celle que le tout-Harare avait pris l’habitude de croire uniquement abonnée à ses séances de shopping a soudain révélé un appétit politique qui pourrait la voir s’emparer du pouvoir.

Zimbabwe: Mme Mugabe, première dame et un soupçon d’ambition présidentielle © AFP

Zimbabwe: Mme Mugabe, première dame et un soupçon d’ambition présidentielle © AFP

Publié le 3 décembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Officiellement, il n’en est pas question. Le parti au pouvoir, la ZANU-PF, en congrès jusqu’à samedi, a prévu quoi qu’il arrive de réélire à sa tête le vieux chef d’Etat, 90 ans et au pouvoir sans discontinuer depuis l’indépendance de 1980.

Lui et son épouse sont toujours interdits de voyager dans l’Union européenne, un reste des sanctions imposées en réponse aux violences politiques des années 2000.

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Mais, alors que la bataille pour sa succession s’intensifiait, Grace, 49 ans, a fait une entrée fracassante dans la course en août quand son mari l’a proposée comme future présidente de la puissante Ligue des femmes du parti.

Après une campagne menée tambour battant, une dizaine de meetings dans tout le pays, cette nomination doit être entérinée par le congrès, ouvrant grand la porte du bureau politique à Mme Mugabe qui, il y a six mois, encore était simple adhérente.

La première victime de cette ascension est la vice-présidente Joice Mujuru. Vétéran de la guerre d’indépendance et héritière putative de M. Mugabe, dont elle a été plusieurs fois ministre, elle a été accusée de corruption, de complot pour assassiner le président et d’ores et déjà mise à la porte de la direction du parti.

Dans l’immédiat, cela laisse intacte la figure du ministre de la Justice Emmerson Mnangagwa comme possible successeur de M. Mugabe, mais certains commencent à croire que Grace ne roule pas pour lui mais pour elle-même et que celle qu’on surnomme la reine des emplettes nourrit des ambitions dynastiques.

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« Elle n’a pas de soutien populaire et ne rentre pas dans le moule de la façon dont les dirigeants ZANU-PF sont choisis. Normalement il leur faut des lettres de noblesse acquises durant la lutte de libération ou un travail infatigable pour le parti », observe le politologue Earnest Mudzengi.

« Elle a été littéralement sortie du chapeau. Elle s’est trouvée des cibles et se cherche de nouveaux ennemis au moment même où nous parlons, il n’y a qu’à voir la purge au sein du parti », ajoute-t-il.

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Ce manque de popularité et cette propension à semer la zizanie au sein du parti ne sont rien cependant face aux intérêts énormes que Mme Mugabe pourrait avoir à coeur de protéger si son mari mourait ou quittait le pouvoir.

Elle est devenue une importante propriétaire agricole depuis la réforme controversée des années 2000 qui a chassé plusieurs milliers de fermiers blancs de leurs terres pour établir des Zimbabwéens noirs.

– ‘Gucci Grace’ –

Née le 23 juillet 1965 en Afrique du Sud, Grace Marufu a été mariée à un pilote de l’armée de l’air, dont elle a eu un fils, avant de devenir la maîtresse du président Mugabe dont elle était la secrétaire particulière.

Elle a eu trois enfants avec Robert Mugabe, de 41 ans son aîné, dont deux avant la mort de la première épouse de M. Mugabe, Sally, une Ghanéenne, décédée en 1992 après une longue lutte contre la maladie et « héroïne nationale » pour son rôle avant l’indépendance.

Le mariage fut célébré en 1996 en présence de milliers d’invités parmi lesquels le président sud-africain de l’époque, Nelson Mandela.

Grace Mugabe s’est ensuite fait connaître par sa frénésie de luxe, se gagnant des sobriquets tels que « Gucci Grace » ou « Première acheteuse ». En 2009, elle avait boxé un photographe britannique à Hong Kong qui l’avait mitraillé dans un hôtel de luxe.

Mais l’an dernier, dans un documentaire de la radio-télévision publique sud-africaine SABC, elle avait laissée entendre que cela ne lui faisait plus ni chaud ni froid.

« J’ai la peau dure maintenant, je m’en moque. Mon mari dit que l’ignorance est la clé du bonheur », avait-elle dit.

Elle a néanmoins travaillé ces dernières semaines à corriger son image, ses partisans lui trouvant de nouveaux surnoms, « Dr Amai » (Dr Maman), « Unificatrice » ou « reine des reines ». Et en septembre, elle a été faite docteur en philosophie de l’université de Zimbabwe dont son mari est président. Selon les médias, elle s’y était inscrite trois mois auparavant.

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