Le gouvernement tunisien toujours contesté par la rue malgré des démissions en cascade
Un millier de manifestants ont réclamé jeudi à Tunis la démission du gouvernement de transition qui s’est réuni pour la première fois, dénonçant comme les jours précédents la présence à des postes clés de ministres de l’ancienne équipe du président déchu Ben Ali.
Pour tenter de désamorcer la crise, tous les ministres du gouvernement membres du parti de l’ex-président Ben Ali, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), ont démissionné de cette formation qui a ensuite annoncé la dissolution de son Bureau politique.
Puis un des huit ministres issus de l’ancien régime, Zouheir M’dhaffer, chargé du Développement administratif, a annoncé sa démission du gouvernement pour « préserver l’intérêt suprême de la nation et favoriser la transformation démocratique du pays ».
M. M’dhaffer est considéré comme l’architecte de la réforme de la Constitution approuvée en 2002 par référendum qui avait supprimé la limitation des mandats présidentiels et avait permis à l’ex-président Ben Ali de se maintenir au pouvoir.
Au même moment, les manifestants, rassemblés devant le siège du RCD dans la capitale, scandaient: « le peuple veut la démission du gouvernement », en brandissant des pancartes proclamant, comme la veille: « On n’a plus peur de vous, traîtres ! » et « RCD out! ».
L’armée a effectué des tirs de sommation pour dissuader des manifestants d’escalader le mur d’enceinte du siège du RCD, a constaté une journaliste de l’AFP.
« Je suis avec vous. On ne va pas tirer sur vous, l’essentiel c’est que le rassemblement soit pacifique », a lancé à la foule un colonel de l’armée qui tentait de calmer les manifestants.
Ceux-ci l’ont applaudi et certains ont cueilli des fleurs dans les massifs alentours pour les déposer dans les canons des chars postés là, devant des militaires qui souriaient.
Contrairement aux derniers jours, les manifestants avaient réussi à atteindre le ministère de l’Intérieur et à poursuivre leur marche jusqu’au siège du RCD, franchissant sans violences les maigres barrages de police disposés sur l’avenue Habib Bourguiba.
La police, en première ligne lors de la répression de la révolte populaire qui a fait au moins 100 morts en un mois, selon un bilan des Nations unies, se tenait à l’écart.
Une centaine de magistrats et d’avocats ont aussi manifesté devant le Palais de justice pour réclamer l’ »indépendance de la justice » et le départ d’un magistrat qu’ils ont accusé d’avoir servi les intérêts du président déchu et de sa famille, désormais accusés de s’être appropriés les richesses du pays.
Alors qu’une source officielle requérant l’anonymat avait annoncé que « tous les ministres RCD du gouvernement ont démissionné du parti », l’Agence tunisienne de presse (TAP), elle, a annoncé qu’ils avaient « démissionné de leurs responsabilités au sein du parti », laissant planer une ambiguïté.
Le gouvernement de transition, affaibli par les démissions de cinq ministres –trois syndicalistes et un opposant, puis celle de Zouheir M’dhaffer–, a débuté en début d’après-midi son premier Conseil des ministres.
Cette réunion doit aborder essentiellement la question de la séparation de l’Etat et du RCD, ainsi qu’un projet de loi d’amnistie générale.
Le président de transition, Foued Mebazaa, s’est engagé mercredi soir dans une allocution solennelle à la télévision d’Etat à « une rupture totale avec le passé » et à veiller à ce que le gouvernement de transition réponde « à toutes les aspirations légitimes de la révolution de la liberté et de la dignité » qui a mis fin à 23 ans de règne autoritaire et répressif du régime Ben Ali.
Par ailleurs la chaîne publique, citant une « source officielle » non identifiée, a annoncé l’interpellation de 33 membres du clan Ben Ali, sans préciser les circonstances des arrestations ni les noms des personnes interpellées.
Mercredi, la justice tunisienne a ouvert une enquête pour « acquisition illégale de biens », « placements financiers illicites à l’étranger » et « exportation illégale de devises », contre Zine El Abidine Ben Ali et sa famille.
L’information judiciaire vise nommément l’ancien chef d’Etat, sa femme Leila Trabelsi, « les frères et gendres de Leila Trabelsi, les fils et les filles de ses frères ».
La France avait annoncé mercredi avoir pris « les dispositions nécessaires » pour bloquer d’éventuels « mouvements financiers suspects concernant des avoirs tunisiens en France » du clan Ben Ali-Trabelsi. La Suisse a fait de même.
Paris souhaite que l’Union européenne adopte d’ici à la fin janvier une liste nominative des personnalités liées au clan Ben Ali qui pourront être visées par un gel de leurs avoirs.
L’UE a réaffirmé jeudi qu’elle étudiait cette possibilité, une décision devant être prise au plus tard dans une dizaines de jours.
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