Algérie : le « Hirak » reprend la rue au lendemain des libérations de détenus

Une foule importante a défilé sans incident à Alger pour le 46e vendredi consécutif, au lendemain de la libération surprise de nombreux contestataires et de la formation d’un nouveau gouvernement, conspué par les manifestants.

Des Algériens manifestent contre le gouvernement à Alger, le 3 janvier 2020. © Fateh Guidoum/AP/Sipa

Des Algériens manifestent contre le gouvernement à Alger, le 3 janvier 2020. © Fateh Guidoum/AP/Sipa

Publié le 3 janvier 2020 Lecture : 3 minutes.

Impossible à évaluer précisément en l’absence de comptage officiel, la mobilisation a semblé, selon un journaliste de l’AFP, plus importante que les deux vendredis précédents, lors desquels elle avait marqué le pas, après l’entrée en fonction du nouveau président Abdelmadjid Tebboune, élu le 12 décembre lors d’un scrutin auquel s’était farouchement opposé la contestation.

Le cortège s’est étiré dans plusieurs rues du coeur d’Alger, épicentre du « Hirak », le « mouvement » populaire de contestation du régime né le 22 février et qui a arraché en avril la démission du président Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 20 ans.

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Des manifestations se sont également déroulées dans plusieurs autres villes du pays, selon le site d’information TSA (Tout sur l’Algérie).

À Alger, les manifestants sont néanmoins apparus moins nombreux que lors des mobilisations exceptionnelles des semaines avant la présidentielle.

« Notre marche est pacifique, nos revendications sont légitimes », ont-ils scandé, continuant de réclamer l’instauration d’une « période de transition » pour démanteler le « système » au pouvoir en Algérie depuis son indépendance en 1962.

Libérations surprises

Plusieurs militants emprisonnés, sortis de prison jeudi à la faveur d’une vague surprise de libérations ordonnées par les tribunaux à travers le pays, ont pris part à la marche algéroise, selon des images relayées sur les réseaux sociaux.

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Selon la télévision nationale, 76 personnes incarcérées dans le cadre du « Hirak » –en attente de procès ou déjà condamnées– ont été remises en liberté jeudi, majoritairement à Alger.

Réclamée en vain depuis des mois par la contestation, cette mesure, interprétée comme un geste d’apaisement, a précédé l’annonce dans la soirée du premier gouvernement du nouveau président, deux semaines jour pour jour après son entrée en fonctions.

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Elu sur fond d’abstention record, lors d’un scrutin considéré par la contestation comme une manoeuvre du « système » pour se régénérer, M. Tebboune a, au soir de sa victoire électorale, tendu la main au « Hirak », mouvement sans structure formelle, l’invitant à « un dialogue pour bâtir une Algérie nouvelle ».

Dévoilée jeudi soir, la composition de son premier gouvernement est cependant loin du renouvellement de génération promis. Ni cette annonce ni la libération des détenus n’ont entamé la détermination des manifestants à Alger.

« On n’accepte pas ce gouvernement, il est illégitime comme le président qui l’a nommé, c’est un prolongement de l’ère Bouteflika », s’est insurgé Mohand Areazki, 55 ans.

Narimene, 27 ans, espérait « un gouvernement de jeunes, comme promis par le président ». « Et voilà que nous retrouvons des anciennes figures du +système+ (…) On prend les mêmes et on recommence: pas de changement, le Hirak continue », affirme-t-elle.

« Petit à petit »

Plus d’un tiers (11) des 28 ministres de plein exercice du nouveau gouvernement appartenaient à l’équipe sortante, nommée par le président Abdelaziz Bouteflika le 31 mars, deux jours avant sa démission, ou ont déjà été ministres durant ses 20 ans de présidence.

« Il y a des signaux favorables comme la libération des détenus, bien qu’ils n’auraient jamais dû être en prison », admet Aymen, 37 ans, « et quelques membres du gouvernement sont vraiment bien » comme le ministre de l’Industrie Ferhat Aït Ali Braham, un économiste qui a « critiqué les politiques de Bouteflika ».

« Mais le Hirak doit continuer à faire pression pour arriver à changer le système », assure-t-il.

Dix jours après les funérailles, dignes d’un chef d’Etat, du puissant général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée vu comme par la contestation comme le « gardien » intransigeant du « système », les manifestants ont à nouveau réclamé la fin de la mainmise qu’exerce la haute hiérarchie militaire sur le pouvoir algérien depuis l’indépendance.

« Un État civil, pas militaire » ont, comme chaque vendredi, scandé les manifestants. « Petit à petit, on évincera les militaires d’El Mouradia », siège du Palais présidentiel, ont-ils assuré.

Incarnant ouvertement le pouvoir après la démission de M. Bouteflika et jusqu’à son décès le 23 décembre, le général Gaïd Salah avait refusé tout geste en faveur du Hirak, notamment la libération des détenus, arrêtés par centaines à la faveur d’une répression dont il était à l’origine.

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