Mobilité/Expatriation

S’expatrier en Côte d’Ivoire : des « repats » témoignent

Entre lenteurs administratives, méthodes de travail différentes et coût de la vie, les expatriés ivoiriens de retour au pays s’adaptent chacun à leur rythme.

Par - à Côte d’Ivoire
Mis à jour le 26 février 2019
Dans l’installation comme au bureau, les repats ivoirien ont parfois un peu de mal à s’adapter. © Rawpixel/Unsplash.2019.

Rawpixel/Unsplash.2019.

Entre lenteurs administratives, méthodes de travail différentes et coût de la vie, les expatriés ivoiriens de retour au pays s’adaptent chacun à leur rythme.

Ils passent régulièrement leur vacances au pays, mais les ivoiriens expatriés n’ont pas toujours conscience de l’effort d’adaptation et des petits couacs administratifs auxquels ils doivent faire face lorsqu’ils décident de revenir s’installer pour de bon en Côte d’Ivoire.

Un management différent

Dans le travail d’abord, ceux qu’on nomme désormais les « repats » sont confrontés à un tout autre rythme. « À la différence des grandes villes en France où des délais sont à respecter à tous les niveaux de services, en Côte d’Ivoire, les choses prennent plus de temps dans les entreprises locales », explique Chams Diagne fondateur du cabinet de recrutement Talent2Africa.

Il fallait toujours être derrière eux et je ne suis pas habituée à ce management ».

Et les méthodes de travail ne sont pas les mêmes. Astou Djamat-Dubois, a par exemple eu dû mal à s’adapter au management local. Repat et entrepreneure en Côte d’Ivoire depuis un an, elle a repris l’agence immobilière de son père. « Les employés attendaient que je leur donne des ordres et quand je leur demandais de me faire des comptes rendus, ils me rendaient un rapport statique et non progressif sur les objectifs. Il fallait toujours être derrière eux et je ne suis pas habituée à ce management », raconte-t-elle. Des comportements qui tranche totalement avec ce qu’elle a vécu pendant huit ans aux États-Unis : « ils n’ont pas de conscience professionnelle, leur première motivation est l’argent », regrette-elle.


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À défaut de s’adapter, l’Ivoirienne a préféré embaucher une personne qui comprend la réalité locale. Une grande majorité de ses employés viennent d’écoles peu reconnues en Côte d’Ivoire et ils ont encore besoin d’être formés. Une main-d’oeuvre bon marché pour la repat, à l’inverse de celle issue des grandes écoles.

Avoir le bon réseau

Les démarches administratives sont un autre volet houleux pour les expatriés de retour en Côte d’Ivoire surtout s’ils n’ont personne pour les guider. Anne-Melissa Le Douaron, chasseuse de tête à Abidjan depuis peu pour Talent2Africa, a dû faire appel à un ami pour ouvrir un compte en banque : « Il faut se prémunir d’une carte consulaire et de son contrat de travail. Or comme je n’avais pas encore commencé à travailler, je leur ai présenté une promesse d’embauche mais ce n’était pas suffisant. Fort heureusement un ami, qui a un compte dans cette même banque, m’a parrainée pour que je puisse ouvrir le mien, raconte la nouvelle repat. Je vais maintenant pouvoir m’acheter une voiture, nécessaire dans ce pays où les transports en commun n’ont pas d’horaires fixes ».

Les gens vous aident naturellement dans la rue et peuvent même vous accompagner si c’est sur leur route. »

La chasseuse de tête aurait pourtant pu bénéficier d’un accompagnement sur place pour l’aider dans ses démarches. « À l’ambassade de France, j’ai vu l’affiche d’une association qui offrait ces services mais il fallait payer. déplore-t-elle. De toute façon les gens vous aident naturellement dans la rue et peuvent même vous accompagner si c’est sur leur route. »


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Ces obstacles ne découragent pas la nouvelle arrivante qui se félicite de son nouveau cadre de vie. « C’est agréable ici de partir et de rentrer du travail quand il fait jour. Je ne suis plus stressée ni énervée », affirme cette ancienne chargée de mission en ressources humaines à la Défense à Paris.

Un coût de la vie proche de celui de l’Europe

Cette nouvelle vie a un coût. Selon les interrogés, les expatriés ivoiriens de retour au pays, acceptent souvent de baisser leur rémunération. Et bien que la vie soit relativement moins cher qu’en Europe, quelques exceptions ont surpris ces repats. Le logement serait aussi cher qu’à Paris et à New-York selon Astou Djamat-Dubois, qui souhaite conserver le même niveau de vie qu’en Occident. Même si généralement, les expatriés de retour commencent par vivre dans leur famille au début de leur installation.

C’est beaucoup plus dur d’arriver en tant qu’entrepreneure en Côte d’Ivoire qu’en tant que salariée.

Le prix de la connexion à Internet est également onéreux. « Il n’y a pas d’abonnement, il faut recharger à la journée ou à la semaine, sachant qu’avec 1 000 FCFA, je tiens deux jours. Il existe aussi une wifi pocket mais elle coûte cher », explique Anne-Melissa Le Douaron. De même pour la téléphonie, les forfaits n’existent pas selon elle. Il faut acheter des crédits.


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Bien que ces nouvelles pratiques soient déroutantes, d’autres sont plutôt agréables comme « les repas préparés tous les jours par le personnel de maison », relève Anne-Melissa Le Douaron.

Tous les repats ne parviennent pourtant pas à s’adapter et certains pensent même à repartir. Astou Djamat-Dubois y pense de plus en plus. A côté de son agence immobilière, elle doit gérer sa start-up qui offre des formations dans l’événementiel. « C’est beaucoup plus dur d’arriver en tant qu’entrepreneure en Côte d’Ivoire qu’en tant que salariée. Il faudrait juste que je sois accompagnée pour décoller car le secteur est porteur », affirme-t-elle. En ce moment, elle hésite entre rentrer ou faire les aller-retour entre son pays d’accueil et la Côte d’Ivoire, le temps de mieux se préparer pour revenir.