Interview

Alhouceine Sylla (APRHCI) : « Les DRH sont les véritables numéros 2 des entreprises »

Jeune Afrique a rencontré le président de l’Association des professionnels des ressources humaines de Côte d’Ivoire pour parler perception et rôle du métier dans le pays mais aussi dans le reste du continent.

Par - à Côte d’Ivoire
Mis à jour le 27 février 2019
Alhouceine Sylla, président de l’Association des professionnels des ressources humaines de Côte d’Ivoire (APRHCI). © Quentin Velluet/Jeune Afrique/2019.

Quentin Velluet/Jeune Afrique/2019.

Jeune Afrique a rencontré le président de l’Association des professionnels des ressources humaines de Côte d’Ivoire pour parler perception et rôle du métier dans le pays mais aussi dans le reste du continent.

Ancien journaliste, passé par divers postes dont celui de directeur des ressources humaines (DRH) de Fraternité Matin pendant cinq ans, Alhouceine Sylla occupe désormais le poste de directeur général du groupe Intellect Afrique, spécialisée dans l’enseignement supérieur privé. En parallèle, celui qui a également été DRH de la chaîne gabonaise de télévision Canal 2 est président de l’Association des professionnels des ressources humaines de Côte d’Ivoire (APRHCI). Jeune Afrique l’a rencontré à Assinie, lors du Congrès RH Afrique 2019, qui s’est tenu les 21 et 22 février derniers.


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Comment est perçu le métier de DRH en Côte d’Ivoire ?

Notre association a été créé en 2009 mais dès 1975, la Côte d’Ivoire avait une association des gestionnaires RH qui s’est malheureusement effritée avec le temps. Et il y a au moins dix ans que les managers ivoiriens ont compris qu’il fallait mettre l’Homme au cœur de la stratégie. Pendant longtemps on se concentrait plutôt sur les finances, les outils de production mais on a oublié les Hommes. Mais si vous voulez que vos collaborateurs aient de la considération pour le client, il faut commencer par les considérer eux-mêmes comme des clients.

Le DRH doit être le premier conseiller du DG et le dernier concerté. »

Le métier de DRH est-il identique d’une entreprise à l’autre ?

Le métier en lui-même n’est pas différent, mais son exercice doit s’adapter à l’entreprise. Quand vous arrivez dans une organisation, vous devez connaître son histoire, le parcours des hommes qui la compose et ce n’est pas évident. Nous n’avons pas la science infuse, ni forcément l’historique de l’entreprise à portée de main. Donc il est important de partager les bonnes pratiques avec les collègues pour pouvoir maintenir la performance du métier et de nos entreprises.


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Les DRH sont pris en étau entre les ordres de leur hiérarchie et les doléances des salariés. Quelle posture doivent-ils adopter ?

Ce que les DG ignorent c’est que les véritables numéros deux des entreprises sont les DRH. Ils travaillent sur la matière la plus importante car ils sont à l’écoute de l’intelligence des salariés. Je parle de leur intelligence opérationnelle. Elle est capable d’identifier les problèmes bien avant qu’ils ne parviennent à la hiérarchie parce qu’ils sont vécus au quotidien. Bien les salariés eux-mêmes savent comment les résoudre. Mais pour cela, il faut trouver des cadres de concertation et des cadres d’échange et intégrer les équipes dans la marche de l’entreprise sur un modèle participatif.

Tant que les dirigeants ne considéreront pas les salariés comme l’élément clé de toute stratégie ils échoueront.

Ensuite le DRH doit être le premier conseiller du DG et le dernier concerté. Généralement, les entreprises qui prospèrent dans leur secteur d’activité sont des entreprises dans lesquelles le DRH et le DG sont un binôme. Le DG a d’autres préoccupations, d’autre projet et n’a pas le temps de se soucier des petits besoins parce qu’il ne voit parfois même pas le petit personnel. Pour combler cette lacune, les DRH doivent être capables de remonter à leur dirigeants l’état d’esprit et l’atmosphère de la maison et de parler des problèmes identifiés.

Bien souvent, les DRH manquent de moyens car leur DG ou PDG considèrent que cette activité n’est qu’un poste de dépense sans retour sur investissement. Comment les convaincre du contraire ?

Ce que les dirigeants doivent comprendre c’est que la différence entre l’oasis et le désert ce n’est pas l’eau, c’est l’Homme. Tant qu’il n’est pas au cœur de la stratégie, tant que les dirigeants ne considéreront pas les salariés comme l’élément clé de toute stratégie ils échoueront. Aujourd’hui, dans une même activité, avec les mêmes compétences, la différence se fait sur la gestion des salariés.


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Il faut leur montrer l’importance du capital humain et qu’ils prennent conscience que l’ensemble des processus de l’entreprise sont mis en application par des personnes avant tout. Le manager qui réussit, c’est celui qui comprend qu’une stratégie ne fonctionne que si la main d’œuvre perçoit l’entreprise comme son bien. Quand les salariés se sentent valorisés, compris et écoutés, l’entreprise devient non plus un espace où ils doivent produire pour recevoir une rémunération, mais un bien qu’ils s’approprient et qu’ils cherchent à développer et non à saboter.

Le problème dans les entreprises, et surtout en Afrique, c’est l’expansion de la rumeur. »

Quelles sont selon vous les qualités d’un bon DRH ?

Un bon DRH doit être avant tout un psychologue. Il doit avoir une responsabilité empathique et toujours savoir se mettre à la place de l’autre. Il doit aussi être un bon sociologue car il faut apprendre à connaître son environnement, les personnes qui le compose et ses codes. Il faut se considérer comme un apprenant, aller à la rencontre de chaque salarié et les écouter. Il faut réussir à les connaître au-delà de leur CV pour distinguer les potentiels de chacun.

Il faut aussi être un bon juriste parce que les ressources humaines reposent avant tout sur du droit. Il faut donc connaître le code du travail, les conventions, les décrets d’application des conventions, connaître tous les textes utiles pour la bonne marche de l’entreprise.

Il faut enfin être un bon communicant. Le problème dans les entreprises, et surtout en Afrique, c’est l’expansion de la rumeur. Cela est dû à l’absence de communication. Le RH est le premier canal de communication dans l’entreprise.


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Les DRH ont-ils un rôle à jouer dans la formalisation des économies africaines ?

Leur rôle repose sur leur place dans l’entreprise. On peut créer un maximum d’entreprise, un maximum de PME-PMI, mais s’il n’y a pas quelqu’un chargé de gérer toutes les individualités pour en faire un collectif vous vous retrouvez dans une situation où les gens n’ont pas d’objectifs à atteindre. L’humain a ceci de particulier que très vite, il se contente de ce qu’il a et se sclérose par qu’il n’a pas de défi. Le rôle DRH est de maintenir en éveil les salariés.