Interview

Benoît Martin (Talent2Africa) : « La diaspora intra-africaine est très prisée des recruteurs »

Coup de projecteur sur les secteurs qui recrutent et les profils qui plaisent 2019 avec Benoît Martin, cofondateur du cabinet Talent2Africa.

Par - à Panafricain
Mis à jour le 27 mars 2019
Benoit Martin a fondé la plateforme Talent2Africa avec Chams Diagne et Youssef Debbagh. © Talent2Africa/2019.

Talent2Africa/2019.

Coup de projecteur sur les secteurs qui recrutent et les profils qui plaisent 2019 avec Benoît Martin, cofondateur du cabinet Talent2Africa.

Entre mobilité intra-africaine, mondialisation des compétences et retour des talents de la diaspora, les chasseurs de talents ont de quoi s’occuper en 2019. Benoît Martin, cofondateur de la plateforme de recrutement, Talent2Africa, livre à Jeune Afrique son analyse sur les tendances à surveiller cette année en matière de recrutement.


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Jeune Afrique : De votre point de vue, quels sont les secteurs susceptibles de recruter en 2019 ?

Benoît Martin : On trouve d’abord le secteur des infrastructures dont les recrutements sont soutenus par des projets de construction qui se multiplient. Aéroports, autoroutes, barrages, extensions de ports, ces travaux nécessitent le recrutement de techniciens mais aussi de nombreux ingénieurs et des fonctions support.

Le secteur de l’énergie reste également incontournable dans sa capacité à créer des emplois. Concernant les énergies fossiles, les besoins en main d’œuvre qualifiée et en experts se retrouvent aussi bien dans les pays historiquement riches en ressources comme l’Angola ou le Nigéria que dans des pays où des gisements ont récemment été découverts, à l’image de l’Ouganda, du Sénégal ou de la Mauritanie. Les énergies renouvelables ne sont pas en reste avec le solaire et l’éolien mais aussi à travers le développement du off-grid [électricité générée par kit solaire, ndlr].

Sur les profils IT, l’Afrique fait face aux mêmes défis que l’Europe. »

L’économie du numérique et des nouvelles technologies va également recruter fortement. Il est boosté par le développement de la banque mobile qui a besoins de chefs de projet web, de développeurs, d’experts en cybersécurité ou encore de data scientist.


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Enfin, les télécoms, la banque-assurance, l’hôtellerie et la distribution sont en en recherche permanente de nouveaux talents. Dans ces secteurs, les besoins des recruteurs se portent notamment sur des profils à double compétence commerciale et managériale, ainsi que sur des postes d’experts métiers. L’écosystème des start-up est aussi pourvoyeur d’emploi.

Existe-t-il des profils plus prisés que d’autres ?

Sur les profils IT, l’Afrique fait face aux mêmes défis que l’Europe avec une pénurie de talents considérable. Pourtant le degré d’innovation des projets africains est vraiment passionnant parce qu’ils veulent résoudre les problèmes auxquels sont confrontés les populations au quotidien. Mais les salaires restent plus attractifs en Amérique du nord et en Europe.

« Les recruteurs veulent d’abord des compétences »

Confirmez-vous la tendance à l’africanisation des effectifs des entreprises étrangères implantées sur le continent ?

Oui, cette tendance s’observe sur des postes de management intermédiaire et de direction. Mais nous vivons dans un monde globalisé et les recruteurs veulent d’abord des compétences. Plus que l’origine et le passeport de la personne, les DRH regardent d’abord les qualités intrinsèques des candidats et leur capacité à répondre aux exigences du poste. Les opportunités de carrières pour les occidentaux en Afrique restent donc nombreuses, même si cela ne passe plus par des contrats d’expatriés « à l’ancienne ».


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Cette ouverture en termes de profils observée chez beaucoup de recruteurs se heurte à la législation de certains pays qui ont tendance à rendre plus difficile l’accès aux postes de cadre à des candidats non nationaux dans un but légitime de promotion des talents locaux. C’est la raison pour laquelle les profils de la diaspora sont très recherchés. Ils ont le passeport pour travailler sur place et connaissent parfaitement la culture et les enjeux socio-économiques du pays. Grâce à leur parcours international, ils ont également développé davantage leurs soft skills ainsi qu’une maîtrise plus fine des codes managériaux de l’entreprise.

« Le retour de la diaspora n’est pas simple. La question salariale peut faire achopper les négociations »

Les profils de la diaspora partent donc avec un atout dans cette compétition. Pourtant beaucoup d’entre-eux hésitent encore à rentrer. Qu’est-ce qui bloque selon vous ?

Organiser leur retour n’est pas simple, notamment parce que la question salariale peut faire échouer les négociations lorsque le gap est trop important comparé à ce qu’ils gagnent ailleurs. Mais il ne faut pas oublier qu’il existe aussi une mobilité intra-africaine de plus en plus forte. Des capitales telles que Nairobi, Accra, Abidjan, Casablanca, Johannesburg sont des hubs commerciaux qui attirent des professionnels de toutes les régions d’Afrique. Ces talents de la mobilité intra-africaine sont également très prisés par les recruteurs car ils présentent l’avantage d’être déjà sur le continent et peuvent apporter des compétences qui se trouvent difficilement au niveau local.

Il faut identifier les secteurs porteurs et contacter les entreprises presque comme s’il s’agissait d’une démarche de prospection commerciale. »

Le recours aux talents de la diaspora n’est donc pas l’unique solution ?

L’enjeu est double. Il faut à la fois aider les meilleurs talents de la diaspora à revenir mais aussi promouvoir les talents locaux notamment les jeunes diplômés. C’est pourquoi l’emploi des jeunes professionnels est au cœur de la démarche de Talent2Africa. Pour répondre à cet objectif nous mettons en place avec les entreprises sur le continent des Graduate Programs qui visent à former les jeunes actifs à haut potentiel afin d’en faire les managers de demain.


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Quels conseils donneriez-vous aux candidats pour une recherche d’emploi efficace ?

La première chose est de bien identifier les secteurs porteurs et contacter les entreprises en faisant une approche très directe, presque comme s’il s’agissait d’une démarche de prospection commerciale. Une fois qu’on a identifié le secteur qui nous intéresse, il faut faire un mapping des sociétés qui recrutent, et contacter les services RH sans oublier les opérationnels qui sont aussi d’excellents premiers contacts dans une entreprise. L’important sera de ne pas négliger la préparation aux entretiens et notamment mettre l’accent sur ses compétences clés afin de mieux les valoriser auprès des recruteurs.