Interview

Moussa Ahmed Diallo (IAM Ouaga) : « J’ai bon espoir que les étudiants deviennent employeurs »

Présent au dernier Africa CEO Forum de Kigali, le fondateur et président du conseil d’administration de l’IAM de Ouagadougou s’est confié sur les projets de son école et le rôle des écoles privées au Burkina Faso.

Par et - à Burkina Faso
Mis à jour le 23 avril 2019
Ahmed Diallo en mars 2019 à l’Africa CEO Forum de Kigali. © Aïssatou Diallo/Jeune Afrique/2019.

Aïssatou Diallo/Jeune Afrique/2019.

Présent au dernier Africa CEO Forum de Kigali, le fondateur et président du conseil d’administration de l’IAM de Ouagadougou s’est confié sur les projets de son école et le rôle des écoles privées au Burkina Faso.

Le fondateur et président du conseil d’administration de l’Institut africain de management de Ougadougou (IAM Ouaga, Moussa Ahmed Diallo, détaille les projets de son école qui totalise près de 1 500 étudiants à Ouagadougou. Fonds pour l’entrepreneuriat, réseau d’anciens, nouvelles certifications… Il a répondu à Jeune Afrique, en marge de l’Africa CEO Forum qui s’est déroulé en mars 2019 à Kigali.

Jeune Afrique : Vous avez récemment lancé un Doctorate of business administration avec l’American university of leadership. L’executive education est-elle une filière que vous souhaitez développer davantage ? Si oui pourquoi ?

Moussa Ahmed Diallo : Oui, beaucoup de travailleurs éprouvent aujourd’hui le besoin de certifier leurs connaissances. Plusieurs d’entre eux ont pour diverses raisons quitté tôt l’école et ont besoin de diplômes pour évoluer dans leurs carrières professionnelles. IAM va dans ce sens en s’occupant de ceux qui sont en formation initiale, dans le cursus normal, mais également des travailleurs qui veulent apprendre les nouvelles méthodes de gestion et de management.

L’État ne peut pas embaucher tout le monde. Il va falloir que le privé, moteur du développement dans les autres pays, prenne le relais.


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19 de vos diplômes sont reconnus par le Cames, souhaitez-vous obtenir des accréditations de la part d’autres organismes ?

Nous avons 19 diplômes actuellement reconnus par le Cames qui est un regroupement de 19 pays africains francophones. Si nous voulons être aux standards internationaux, il nous faut forcément d’autres accréditations comme l’Iso 9001.

C’est un projet à court terme pour nous. Et c’est ce qui explique même nos partenariats avec des universités européennes, canadiennes et américaines. Cela va nous faciliter la tâche pour aller vers les certifications internationales, pour le bonheur de nos étudiants, qui sont de plus en plus exigeants.


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L’IAM Ouaga a-t-il un réseau des anciens et comment l’exploite-t-il ?

Plus de 9 000 étudiants sont passés par IAM en 12 ans d’existence. Nous avons un réseau d’anciens étudiants mais il doit être mieux organisé pour faire profiter des acquis et expériences des plus anciens aux plus jeunes. Cela permettra également d’ouvrir des portes à ceux qui sont actuellement en études à IAM.

Votre école a récemment créé un fonds dédié à l’entrepreneuriat pour financer des projets d’étudiants. Quels sont les premiers projets soutenus et comment les sélectionnez-vous ?

L’État ne peut pas embaucher tout le monde. Il va falloir que le privé, moteur du développement dans les autres pays, prenne le relais. C’est dans ce sens que nous avons mis en place un fonds de 100 millions de francs CFA pour favoriser l’entrepreneuriat. J’ai bon espoir que les étudiants vont s’orienter vers des projets porteurs et devenir des employeurs. Le fonds est logé à Coris Bank international. Les étudiants ont déposé des projets et ils sont actuellement en étude. Très bientôt, nous allons faire des cérémonies pour officialiser les prêts que nous allons octroyer aux meilleurs projets. IAM a été créé avec 350 000 francs CFA, à peu près 600 euros. Si nous avons pu atteindre ce niveau, les étudiants qui ont aujourd’hui à leur disposition les nouveaux outils de gestion, peuvent facilement déplacer des montagnes.


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Quel sera le critère déterminant pour vous ?

Le plus important c’est d’avoir un projet porteur, dans n’importe quel domaine. Aujourd’hui, tous les domaines sont prioritaires dans nos pays. Il suffit donc que l’entreprise puisse grandir, et rembourser le fond. Ce qui permettra d’aider d’autres jeunes à se lancer.

Vous disiez que IAM avait été lancé avec 350 000 francs CFA, est-ce que vous pouvez nous raconter les débuts de cette aventure ?

En 2007, IAM a démarré avec en tout 350 000 francs CFA. Cette somme représentait ce qui a été déboursé pour l’acquisition de 20 tables. J’ai également loué 40 chaises pour créer une salle témoin. Lorsque les étudiants venaient s’inscrire, nous leur montrions la salle pour leur dire : « Voici ce à quoi ressemblera une salle de classe de l’IAM ».

Mais ce qui a vraiment été déterminant, c’est de réussir à faire adhérer au projet de grands chefs d’entreprises du pays. C’est ainsi que les directeurs des plus grandes entreprises du Burkina tels que la Sonabel, l’ONEA, la Sonabhy, le Trésor, les Impôts, la chambre de commerce ainsi que des banques et des sociétés d’assurances se sont engagés à accorder des stages et des emplois aux étudiants.

Notre budget annuel est de 800 000 000 de Francs CFA. »

Nous avons également échangé avec quelques grands professeurs au Burkina pour leur demander d’aider IAM à donner une formation de qualité. Les programmes ont également été visités par les chefs d’entreprise. Ils étaient donc adaptés aux besoins du marché. La mayonnaise a pris et dès la première année nous avons enregistré 211 inscrits.

Aujourd’hui, notre budget annuel est de 800 000 000 de Francs CFA et nos investissements se chiffrent à plusieurs milliards grâce au travail de l’équipe dirigeante et à l’adhésion des étudiants au projet IAM. C’est ce qui motive notre engagement à aider les jeunes qui font face au manque de garanties pour emprunter aux banques.

L’enseignement supérieur privé a creusé son sillon. J’imagine mal le Burkina sans lui. »

Vous avez créé une plateforme multidisciplinaire pour progresser sur la professionnalisation des filières. Où en sont les travaux ?

Nous faisons régulièrement des séances de travail avec les entreprises pour recueillir leurs besoins réels. Nous faisons également une collecte de données de toutes les offres d’emploi au Burkina pour voir exactement quel est le profil recherché. Nous calquons ensuite notre formation au profil recherché sur le marché de l’emploi, ce qui fait que notre taux d’insertion est très élevé (90%).

Après douze ans d’existence quel constat faites-vous de l’enseignement supérieur privé au Burkina Faso ?

L’enseignement supérieur privé a creusé son sillon. J’imagine mal le Burkina sans lui. L’État, malgré sa bonne volonté, ne peut pas absorber à lui seul tous les bacheliers.

Quel rôle joue-t-il face au public : soutien, concurrent ?

Nous ne sommes pas des concurrents. Nous pensons être complémentaires. Comme partout dans le monde, l’enseignement supérieur privé est au-devant de la scène. Dans le classement de Shanghai des meilleures universités au monde, ce sont les universités privées qui trustent les meilleures places. Le Burkina ne doit pas être en reste. Nous avons moins d’étudiants dans le privé, et, donc, un taux d’encadrement plus élevé.

Quels sont les besoins actuels des entreprises burkinabè en matière de recrutement ?

Il y a des besoins dans tous les secteurs d’activité : informatique, management, juristes, logisticiens… Le secteur bancaire, la téléphonie et l’agrobusiness connaissent un boom. Le pays est en pleine expansion et les privés ont besoin de ressources humaines de qualité.