Enquête

Stratégie RH : la CIE prête pour une éventuelle libéralisation du marché ivoirien de l’électricité

Après la crise de 2010-2011, la Compagnie ivoirienne d’électricité a mis en œuvre une stratégie de développement des compétences qui pourrait lui éviter de se faire piller ses talents en cas d’ouverture du marché à la concurrence.

Par - à Côte d’Ivoire
Mis à jour le 29 avril 2019
Actis a investi par le passé dans plusieurs projets électriques africains © Olivier/Jeune Afrique/2011.

Olivier/Jeune Afrique/2011.

Après la crise de 2010-2011, la Compagnie ivoirienne d’électricité a mis en œuvre une stratégie de développement des compétences qui pourrait lui éviter de se faire piller ses talents en cas d’ouverture du marché à la concurrence.

L’échéance approche mais la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE) ne frémit pas. En 2020, la société privée contrôlée par le groupe Eranove depuis 2009 n’aura plus le monopole de la distribution ni de la commercialisation de l’électricité en Côte d’Ivoire. Une situation qui pourrait amener le gouvernement à libéraliser le marché de l’électricité. L’entreprise qui emploie près de 5 000 personnes et détient une expertise singulière dans le pays pourrait alors craindre un exode de ses collaborateurs vers la concurrence. Mais son management restent confiant. Selon lui, les investissements engagés ces dernières années dans les avantages sociaux, les ressources humaines (RH) et la formation du personnel, suffisent à fidéliser et retenir les effectifs.


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La nécessité de former les équipes de la CIE prend sa source au lendemain de la crise de 2010-2011. L’entreprise souffre alors d’un déficit de compétences dans le centre, le Nord et l’Ouest du pays, autrement dit, dans les zones où la rébellion a été la plus intense. « Le diagnostic de 2011, c’est le constat d’un marché du travail qui a un potentiel mais qui ne suit pas sur la qualité des compétences », raconte Behi Togba, directeur du développement des ressources humaines (DDRH) de la CIE. En interne, l’entreprise n’est alors pas prête à former, recruter et gérer les mobilités dans de bonnes conditions. En 2015, sous l’impulsion de Marc Albérola, directeur général d’Eranove, est défini un grand plan d’identification et de développement des compétences qui doit s’achever en 2020.

Identifier les besoins

La première étape consiste à mieux identifier les compétences déjà disponibles en interne afin d’élaborer un référentiel métier. Conclusion de l’audit : l’entreprise a de fort besoins sur ses activités de maintenance, d’exploitation et de facturation.

En 2016, une première campagne d’évaluation des compétences a lieu sur les métiers de la maintenance et de l’exploitation.

Seconde étape : la mise en place d’un système d’évaluation des compétences et de la performance des salariés. « Sur ce point, il a d’abord fallu former les managers aux méthodes d’évaluation et communiquer sur leur utilité », explique de directeur du développement RH.


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C’est seulement à partir de 2016 qu’une première campagne d’évaluation des compétences a lieu sur les métiers de la maintenance et de l’exploitation, et ce, à tous les niveaux hiérarchiques. Trois groupes sont définis : les salariés au-dessus du niveau requis, ceux au niveau souhaité et ceux en dessous. « L’évaluation réalisée était volontairement rigoureuse », souligne Behi Togba. Malgré tout, les résultats sont inquiétants : 70 % des effectifs évalués se situent en dessous des compétences requises, 20 % sont au niveau souhaité et 10 % sont au-delà des attentes.

Former

Entre temps, Eranove s’est lié au Centre des métiers de l’électricité (CME) de Bingerville pour mettre à niveau ses collaborateurs. Il s’investit dans le programme « Campus pôle d’excellence » qui a fait du CME un centre de formation de référence en Afrique francophone. Des experts d’EDF, de RTE mais aussi de General Electrics sont recrutés pour être formateurs et des partenariats avec de grandes entreprises comme Schneider Electric sont noués.

Pour les directeurs et sous-directeurs, l’entreprise d’électricité propose des formations – au leadership notamment – au sein de MDE Business School, une école de référence implantée au golf d’Abidjan et soutenue par la prestigieuse IESE Business school de Barcelone.

Une étude sur les positionnements salariaux menée en 2014 a permis de régler la question. »

En 2018, une nouvelle évaluation démontre de sérieux progrès : 40 % des collaborateurs en dessous des compétences requises sont passés au niveau souhaité et 5 % se retrouvent au-dessus. Depuis, la CIE consacre « 5 % de son budget annuel à la formation de ses collaborateurs », affirme Behi Togba. Ces travaux ont découlé sur une politique de mobilité professionnelle dont l’objectif est « l’adéquation homme/poste », indique le rapport annuel 2017 de la CIE.

Avantages sociaux

En parallèle, les RH se s’attaquent aux disparités salariales : « Une étude sur les positionnements salariaux menée en 2014 a permis de régler la question », assure le DDRH. L’entreprise s’est également engagée sur le plan social, en mettant en place une mutuelle sociale qui prend en charge l’époux et les enfants, des demandes de prêts à taux préférentiels et une mutuelle pour l’eau et l’électricité qui permet aux collaborateurs de « sortir des griffes des usuriers », remarque le dirigeant.


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La stratégie semble porter ses fruits puisqu’en 2017, l’entreprise a enregistré un taux d’absentéisme de 0,72 % contre 1,36 % en 2016. Les démissions et abandons de poste, eux, ont augmenté de 27 % mais ne représentent que 24 % des causes de départs. Le reste concernent plutôt des décès, des départs à la retraite ou des départs négociés. Enfin, le chiffre d’affaires de la CIE a augmenté de 0,61 % à 593 261 420 000 de francs CFA (904 421 000 euros) en 2017.