Universités

Tunisie : l’Université franco-tunisienne victime d’un bras de fer entre syndicat et ministère

Un syndicat d’universitaires dénonce la part belle donnée aux universités privées et étrangères au détriment du secteur public. L’Université franco-tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée est notamment dans son viseur.

Par - à Tunisie
Mis à jour le 9 mai 2019
L’Université franco-tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée fera sa rentrée dans un bâtiment de l’institut supérieur de l’animation de la jeunesse et de la culture à Hamma Chatt, à 20 km au sud de Tunis. © Nathan Dumlao/Unsplash

Nathan Dumlao/Unsplash

Un syndicat d’universitaires dénonce la part belle donnée aux universités privées et étrangères au détriment du secteur public. L’Université franco-tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée est notamment dans son viseur.

« Le ministère donne un terrain splendide entre forêt et mer pour l’UFTAM alors que les toits de nos universités s’écroulent littéralement sur nos têtes », s’emporte Zied Ben Amor, coordinateur général adjoint de l’IJABA. L’Université franco-tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée fera sa rentrée dans un bâtiment de l’institut supérieur de l’animation de la jeunesse et de la culture à Hamma Chatt, à 20 kilomètres au sud de Tunis, mais à terme, le gouvernement a offert, pour un dinar symbolique, six hectares de terrain pour la construction d’un véritable campus situé derrière l’institut. Un quasi don illégal pour l’IJABA qui dénonce une violation de la loi relative à l’enseignement supérieur privé qui stipule que les actionnaires doivent être des personnes physiques de nationalité tunisienne ou, en cas de personne morale, que la majorité des parts soient détenues par des Tunisiens.

Partenariat public-privé

L’UFTAM, qui associe des universités tunisiennes et françaises pour délivrer des diplômes reconnus de part et d’autre de la Méditerranée, se veut un établissement d’excellence à même de former les élites africaines. Pour Zied ben Amor, les universités publiques tunisiennes – dont certaines sont partenaires de l’UFTAM comme les universités de Tunis, Manar et Carthage – ont déjà une renommée continentale et pourraient accueillir les étudiants subsahariens à conditions de renforcer ses moyens : le budget du ministère de l’Enseignement supérieur est passé de 7 % du budget de l’État en 2008 à 4,03 % en 2019.


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Au ministère de l’Enseignement supérieur, on dénonce un faux-procès. « Dans cette histoire, nous ne détournons pas des fonds au détriment de l’université publique. Le ministère possède un terrain. Nous allons l’utiliser pour faire rayonner le savoir tunisien car les professeurs, la matière grise, seront en partie tunisiens. Et nous ne violons aucune loi car nous travaillons dans le cadre, et c’est une première dans le secteur, de la loi sur le partenariat public-privé », assure un cadre du ministère. Ce texte, dite « loi PPP », votée en 2018, permet l’« octroi de terrains au dinar symbolique au profit des investisseurs dans le domaine de l’hébergement universitaire ».

35 % d’investissements étrangers

Seulement, les opposants dénoncent un passage en force : la structure juridique de l’UFTAM ne devrait pas être dévoilé avant trois mois. Impossible donc de savoir si la gouvernance de la future université respectera bien le cadre des PPP. La loi sera respectée promet-on au ministère précisant d’ailleurs que les investissements étrangers ne dépasseront pas 35 % après le rejet par le parlement, en avril, d’un amendement sur la loi sur « l’amélioration du climat de l’investissement » qui supprimait cette entrave. Dans l’entourage du ministre Slim Khalbous, on insiste sur le fait que l’IJABA n’est pas représentative contrairement à la FGESRS (Fédération générale de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique), issue du syndicat national majoritaire UGTT, qui ne suit pas le mouvement.


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Néanmoins, l’IJABA, qui organise depuis le 25 mars un sit-in dans le ministère de l’Enseignement supérieur, a décidé d’une « grève des concours » qui pourrait déboucher sur une année blanche. « Bientôt, l’université, qui faisait la fierté de la Tunisie, va subir le même sort que la santé : le gouvernement va laisser mourir le public pour se concentrer sur le privé » , dénonce Zied Ben Amor.