Interview

Mourad El Mahjoubi (EM Lyon Casablanca) : « Nous devons encore convaincre nos élèves des opportunités de l’Afrique »

Après quatre ans de consolidation de sa présence à Casablanca, l’antenne marocaine de l’école de management française veut désormais se faire connaître auprès du reste du continent. Une mission qu’assume Mourad El Mahjoubi depuis avril 2019.

Par - à Maroc
Mis à jour le 5 avril 2021
Mourad El Mahjoubi, directeur EM Lyon à Casablanca © EM Lyon Casablanca/2019

EM Lyon Casablanca/2019

Après quatre ans de consolidation de sa présence à Casablanca, l’antenne marocaine de l’école de management française veut désormais se faire connaître auprès du reste du continent. Une mission qu’assume Mourad El Mahjoubi depuis avril 2019.

Depuis le premier avril 2019, il est le directeur de l’EM Lyon Casablanca, dont le campus a été inauguré en 2015. Mourad El Mahjoubi est lui-même diplômé d’un MBA de l’école lyonnaise et a effectué vingt ans de carrière au sein de Visiativ, un cabinet de conseil en transformation digitale avant d’intégrer l’entité marocaine en 2018 en tant que directeur des opérations et du développement. Avec la nomination de Tawhid Chtioui à la tête du réseau d’écoles de commerce – six campus au total – il récupère la direction du campus casablancais qui héberge un bachelor, des masters spécialisés et des executive MBA. L’une de sa principale mission est désormais de faire connaître l’école dans le reste du continent.

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Jeune Afrique : L’offre en matière de business school au Maroc est très riche. Pensez-vous qu’il y a de la place pour tout le monde ?

Mourad El Mahjoubi : Je pense que celles qui s’adaptent au marché local tiendront. Nous avons une politique de bourses – 10 % des apprenants aujourd’hui environ -, et nous adaptons nos offres tarifaires mais aussi nos matériaux pédagogiques et nos approches. Par ailleurs, si l’offre est importante, c’est pour des raisons logiques : la proximité du Maroc avec l’Europe et ses institutions scolaires, le fait que le pays est un leader africain dans certains secteurs comme la monétique. Il est donc assez logique que des écoles ouvrent ici et accueillent des étudiants du Maghreb et d’Afrique de l’Ouest et centrale.

Quelles sont vos ambitions sur le continent ?

Nous voulons développer des talents qui veulent développer leurs pays. La formation continue, des études enrichissantes sont des solutions contre la fuite des cerveaux. Nous conduisons aussi un programme baptisé Africa Booster qui permet à des entrepreneurs de venir découvrir le continent et se bâtir un réseau professionnel. Nos apprenants sont bien sûr de potentiels business developer pour ces entreprises, surtout françaises. Enfin, nous avons encore besoin de faire de convaincre nos élèves des opportunités offertes par les pays africains qui connaissent une forte croissance. Les étudiants en MBA le savent mais c’est moins le cas pour les plus jeunes en bachelor.

Il y a des réflexions au sein du réseau EM Lyon qui nous concernent. Un crédit à taux zéro est par exemple envisagé pour 2025.

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Quels sont les chantiers actuels sur le campus ?

Nous venons de lancer un incubateur en interne et continuons à nouer des partenariats. Nous accueillons toujours plus d’étudiants français, et nous nous assurons que nos élèves partent eux aussi durant leur cursus sur d’autres campus de l’EM Lyon, mais aussi au sein d’autres institutions. Ici, nous proposons aussi des cursus hybrides à des élèves de l’Université privée de Marrakech et de l’Université Internationale de Casablanca.

Récemment, nous avons commencé à offrir des formations « sur mesure », à de grandes entreprises : des marocaines comme la Caisse de dépôt et de gestion du Maroc (CDG), Attijariwafa Bank, BMCE mais aussi des filiales de groupes internationaux comme la Société générale, Capgemini ou Atos. Ces entreprises ont compris l’importance de former les employés tout le long de leur carrière. Il y a enfin des réflexions au sein du réseau EM Lyon qui nous concernent. Un crédit à taux zéro est par exemple envisagé pour 2025.

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Vous vous adressez également aux administrations…

Oui, nous travaillons sur la transformation digitale avec le ministère de l’Agriculture depuis quatre mois environ. Les organisations et les administrations ont besoin de cadres formés au leadership et au management pour gérer ces problématiques. Pour eux, nous adaptons donc notre executive MBA.

Nous avons aussi des projets avec une administration gabonaise en cours. Nous allons continuer à démarcher, en fonction aussi des besoins : ils ne sont pas les mêmes de l’Éthiopie au Sénégal.

Connaissez-vous les attentes des jeunes étudiants marocains ?

On sait que les jeunes diplômés marocains privilégient avant tout les grands groupes comme l’Office national des chemins de fer (ONCF), Royal Air Maroc ou OCP. Nous voulons leur offrir la possibilité de les intégrer ou de choisir entrepreneuriat. Nous avançons aussi avec l’idée « d’intraprenariat » : les jeunes peuvent être les acteurs du changement au sein même de ces entreprises. Ils peuvent transformer ces structures, accompagner leur digitalisation et améliorer le bien-être au travail.

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Quelle place accordez-vous dans les cursus aux enseignements généraux et à la culture générale ?

Notre politique est d’ouvrir la porte à des associations, d’organiser des conférences sur des sujets très variés, et d’encourager les étudiants à avoir des discussions sur des questions politiques et macro-économiques. Nous avons d’excellents retours à ce sujet. Il y a une vraie demande pour le savoir et les projets de toutes sortes. Des étudiants ont monté une entreprise, d’autres ont participé à la réhabilitation d’une école dans l’Atlas. Nous faisons aussi des introductions à la langue chinoise, ce qui a du sens étant donné que l’EM Lyon possède un campus à Shanghai.

Le président de l’EM Lyon, Tawhid Chtioui, est sensible aux questions de mixité et de responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE). Essayez-vous d’assurer la parité à l’EM Lyon Casablanca ?

Pour le moment, nous n’avons pas de quota lors du processus de sélection. En revanche, nous faisons attention à maintenir de la diversité parmi nos apprenants, en général.