Sommet des Nations unies : Éradiquer la pauvreté, oui, mais avec quel argent ?

Après les Objectifs du millénaire, l’ONU présente ses Objectifs de développement durable. Un plan ambitieux qui doit être adopté du 25 au 27 septembre à New York, et dont le financement s’annonce complexe.

Jim Yong Kim, le président de la Banque mondiale, lors de la Conférence sur le financement du développement, le 3 juillet, à Addis-Abeba. © TIKSA NEGERI/REUTERS

Jim Yong Kim, le président de la Banque mondiale, lors de la Conférence sur le financement du développement, le 3 juillet, à Addis-Abeba. © TIKSA NEGERI/REUTERS

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 25 septembre 2015 Lecture : 5 minutes.

C’est un chantier titanesque que l’ONU ouvre, du 25 au 27 septembre à New York, dans le cadre de sa 70e session. Il s’agit pour les 193 pays membres d’adopter les 17 Objectifs de développement durable (ODD) destinés à « construire un monde libéré de la pauvreté, de la faim, de la maladie, du besoin ; un monde de respect universel des droits de l’homme et de la dignité humaine ; un monde dans lequel l’humanité vit en complète harmonie avec la nature », selon le document préparatoire, qui fixe 2030 comme échéance.

À vrai dire, l’ONU ne part pas de zéro. En 2000, elle s’était déjà fixé huit Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) qui devaient améliorer le sort des plus défavorisés de la planète entre 1990 et 2015. Ils n’ont pas tous été atteints, notamment en Afrique, mais ont contribué à mobiliser les efforts de la communauté internationale.

L’objectif n°1, réduire de moitié la population vivant avec moins de 1,25 dollar par jour, a été un succès.

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L’objectif n°1, réduire de moitié la population vivant avec moins de 1,25 dollar par jour, a été un succès, puisque ce nombre est tombé de 1,9 milliard en 1990 à 836 millions en 2015. En revanche, l’accès à l’éducation pour tous n’a pas été réalisé : il reste 57 millions d’enfants non scolarisés. De même, la mortalité infantile avant 5 ans a baissé de 90 à 43 décès pour 1 000 naissances, et la mortalité maternelle a diminué de 45 %, mais sans atteindre les objectifs fixés. Les résultats ont également été insuffisants en matière d’égalité des sexes, de maîtrise des grandes épidémies ou d’émissions de gaz à effet de serre.

Un texte ambitieux

Les ODD que votera le 27 septembre l’Assemblée de l’ONU reprennent ces OMD, mais ils les élargissent et les universalisent. Ils ambitionnent de mener de pair la lutte contre la pauvreté et la défense de l’environnement. Fini la division entre les riches du Nord et les pauvres du Sud : tous les pays sont concernés parce qu’ils comptent tous, dans leur population, des catégories laissées pour compte (1 milliard d’êtres humains ne mangent pas à leur faim) et parce qu’ils sont tous menacés par le réchauffement climatique.

17 bonnes résolutions © J.A.

17 bonnes résolutions © J.A.

« Le texte de l’ONU est très ambitieux, mais il présente des incohérences, analyse Christian Reboul, responsable études et plaidoyer en matière de financement du développement chez l’ONG Oxfam France. D’abord, il n’est pas contraignant pour les États. Ensuite, les financements qu’il prévoit ne sont pas à la hauteur des enjeux des ODD, alors que c’est au plan financier que tout se jouera. Il n’y a qu’à voir les atermoiements de la France en matière d’aide au développement ou de taxe sur les transactions financières… »

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De fait, quand les experts additionnent les besoins d’infrastructures, de santé, d’éducation, d’agriculture, d’industrialisation, de réformes et de protection de l’environnement, ils montent jusqu’à 4 500 milliards de dollars par an (environ 3 970 milliards d’euros). Or à Addis-Abeba, en juillet, lors de la troisième Conférence sur le financement du développement, les responsables se sont contentés de souhaiter une enveloppe de 2 500 milliards…

L’aide publique demeure indispensable, mais elle plafonnera à 150 milliards de dollars, ce qui est une goutte d’eau, commente Bertrand Badré

Quand on cumule l’aide publique au développement (135 milliards de dollars en 2014), l’argent envoyé chez eux par les émigrés (de l’ordre de 440 milliards), les dons et les prêts des organismes multilatéraux, on parvient à 1 000 milliards de dollars disponibles par an. C’est beaucoup, mais insuffisant, affirme le rapport « From Billions to Trillions : Transforming Development Finance » élaboré par la Banque africaine de développement, la Banque asiatique de développement, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la Banque européenne d’investissement, la Banque interaméricaine de développement, le FMI et la Banque mondiale.

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« L’aide publique demeure indispensable, mais elle plafonnera à 150 milliards de dollars, ce qui est une goutte d’eau, commente Bertrand Badré, directeur financier de la Banque mondiale. Il nous faut chercher ailleurs l’argent nécessaire. Nous devons mobiliser l’impôt et l’épargne locale, mais aussi nous engager sereinement avec le secteur privé, qui n’est certes pas dans une démarche charitable mais doit contribuer à créer richesse et emplois. »

Quels moyens pour appliquer les ODD ?

Parmi les pistes explorées par la Banque mondiale figure le Global Infrastructure Facility, une plateforme qui projette de réunir les institutions multilatérales et de nombreux fonds privés afin de partager les risques des chantiers de routes, de barrages ou de réseaux électriques. « Car le problème n’est pas le manque d’argent, mais la confiance », poursuit Bertrand Badré, qui juge le mécanisme des assurances contre les catastrophes naturelles ou les épidémies très efficace, lui aussi, pour corriger les effets néfastes de celles-ci sur la croissance.

En investissant 1 million d’euros dans l’amélioration d’une administration fiscale, nous avons fait rentrer 100 millions dans les caisses d’un État, se félicite Angel Gurría

En matière de mobilisation des ressources domestiques, l’impôt occupe une place centrale. « Comment justifier que les riches ne paient pas d’impôt grâce aux paradis fiscaux et que les multinationales s’y soustraient en transférant leurs bénéfices dans des zones où ceux-ci ne sont pratiquement pas taxés, alors qu’il n’est question partout que d’austérité, de chômage et de faible croissance ? » rugit Angel Gurría, le secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui a reçu du G20 mission de corriger ces dérives.

Cible n°1 : les paradis fiscaux. Grâce aux États, de plus en plus nombreux, qui acceptent d’échanger automatiquement leurs informations sur les mouvements de fonds, l’évasion fiscale commence à être contenue. « En investissant 1 million d’euros dans l’amélioration d’une administration fiscale, nous avons fait rentrer 100 millions dans les caisses d’un État, se félicite Angel Gurría. De 2009 à 2014, les membres de l’OCDE et du G20 ont récupéré ainsi 37 milliards d’euros. »

Cible n°2 : les multinationales. Lors du prochain G20 Finances, le 8 octobre à Lima, le secrétaire général de l’OCDE devrait obtenir le feu vert pour les contraindre peu à peu à contribuer au financement sinon du meilleur des mondes, du moins de celui où l’ONU veut que personne ne soit « laissé de côté ». Il reste quinze ans pour atteindre cet objectif.

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