Macky Sall face à la crise burkinabè : on ne peut pas plaire à tout le monde

Investi par la Cedeao de la mission délicate de trouver une solution à la crise, Macky Sall a été accusé de complaisance envers les putschistes. La réalité est bien plus complexe.

Publié le 5 octobre 2015 Lecture : 3 minutes.

La médiation de crise est tâche ingrate. Au pays de Blaise Compaoré (une référence en la matière), Macky Sall en a fait l’expérience. Les critiques ont plu sur le président sénégalais, bombardé médiateur en chef en sa qualité de président en exercice de la Cedeao, dès la publication du « projet d’accord politique de sortie de crise » élaboré à l’issue d’une mission de près de trois jours, entre le 18 et le 20 septembre. Chérif Sy, le président du Conseil national de la transition (qui tient lieu de Parlement), a qualifié ce texte de « compromis indécent » qui « encourage l’impunité ». Michel Kafando s’en est lui aussi très nettement démarqué dès sa libération le 21 septembre, tout en regrettant de ne pas avoir été consulté au préalable.

Je ne suis pas venu négocier, je suis venu vous écouter, mais aussi vous dire que vous faites fausse route, a dit Macky Sall aux éléments du RSP

Acquis aux putschistes, le président de l’un des rares pays du continent à n’avoir jamais subi de coup d’État ? Difficile à croire quand on connaît le froid réalisme qui le caractérise et qu’on se souvient de son premier contact avec Gilbert Diendéré. Au général putschiste venu l’accueillir, le Sénégalais annonce aussitôt la couleur : « Je suis venu pour voir comment vous aider à vous retirer. Vous ne tiendrez pas vingt-quatre heures. Réfléchissons ensemble afin d’éviter un bain de sang. » Il dira la même chose à la soixantaine d’éléments du régiment de la sécurité présidentielle (RSP) rencontrés le matin du 20 septembre : « Je ne suis pas venu négocier, je suis venu vous écouter, mais aussi vous dire que vous faites fausse route. »

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Les échanges décisifs dans la quête du compromis tant décrié, ce n’est pas avec eux qu’il les a eus, ni avec Diendéré, ni même avec Chérif Sy (qu’il n’a pu rencontrer), et encore moins avec les responsables des partis politiques, mais avec un comité de « sages » considéré par Sall comme l’interlocuteur idoine et constitué de Paul Ouédraogo, l’archevêque de Bobo-Dioulasso, de Jean-Baptiste Ouédraogo, l’ancien président, et de Pingrenoma Zagré, le chef d’état-major des armées.

Macky Sall n’était pas présent à la cérémonie de « réinstallation » de Kafando, le 23 septembre

Selon l’entourage de Macky Sall, ce sont eux qui, au cours d’une réunion, ont inspiré les grandes lignes de l’accord : la libération des « otages », la réinstallation de Kafando à son poste, le retrait de tous les militaires du gouvernement, mais aussi la réintégration des candidats proches de Compaoré dans le jeu électoral et l’amnistie des putschistes – – les deux points les plus polémiques. « Ce sont eux qui ont proposé tout cela, pas nous ! » jure un proche du président sénégalais qui ne comprend pas les critiques, pas plus que l’accusation de Kafando.

Ces propositions, Sall les aurait présentées de vive voix au président de la transition. Sans lui remettre le document final en mains propres, laissant ce soin, selon un proche, « à son aide de camp », et selon d’autres sources, à Diendéré lui-même. « Une erreur », tranche un diplomate habitué de ce genre de crises. L’histoire ne dit pas (encore) si Macky Sall a goûté ce baptême du feu en matière de médiation et en a retiré des enseignements. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’était pas présent à la cérémonie de « réinstallation » de Kafando, le 23 septembre. Pour des raisons de calendrier, dit-on dans son entourage.

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