Maurice : la vie de château d’Ameenah Gurib-Fakim

Visite au Réduit, la résidence des chefs d’État mauriciens, où la célèbre scientifique a pris ses quartiers début juin.

Cérémonie d’investiture, à Port-Louis, le 5 juin. © NICHOLAS LARCHÉ/AFP

Cérémonie d’investiture, à Port-Louis, le 5 juin. © NICHOLAS LARCHÉ/AFP

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Publié le 14 octobre 2015 Lecture : 2 minutes.

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Maurice : en quête d’un second souffle

Véritable « modèle » du continent africain, Maurice jouit d’une économie favorable et d’un État fort, qui garantit la stabilité politique à ses citoyens. Cependant, le modèle affiche aujourd’hui quelques signes d’essoufflement, émanant notamment de sa classe politique.

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Élue présidente de la République à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 4 juin, Ameenah Gurib-Fakim, chimiste et botaniste de réputation mondiale, a quitté les paillasses carrelées du laboratoire du Centre de phytothérapie et de recherche (Cephyr) qu’elle dirigeait pour les boiseries d’acajou du château du Réduit, résidence officielle des chefs d’État mauriciens depuis la proclamation de la République, en 1992. « Je ne peux plus faire un pas sans avoir quelqu’un derrière moi », sourit la nouvelle présidente.

Sur le Réduit, il flotte comme un petit parfum d’empire des Indes, du stick en corne noire que maintient fermement sous son aisselle l’officier de service aux biscuits au gingembre sagement alignés sur une assiette en faïence d’Allemagne, pendant que, dans les tasses, fume le thé à la bergamote… Impassibles dans leur livrée immaculée, les majordomes s’affairent, troublant à peine la solennité de ce théâtre d’ombres.

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Véritable mémoire des lieux, Rajiv travaille au château depuis 1971. Il était déjà « au service de sir Leonard Williams, le dernier gouverneur général du pays d’origine britannique », explique ce dernier. Glissant sur le parquet en teck trop ciré, Rajiv passe sans s’arrêter sous le regard sévère de Bertrand-François Mahé de La Bourdonnais. Le portrait en pied du premier gouverneur français occupe tout un mur du salon bleu, où, sur une table, devant un vase de Sèvres, trône une reproduction du traité de capitulation signé par Paris le 3 décembre 1810. C’est là que le président accueille traditionnellement ses hôtes de marque. Ameenah Gurib-Fakim, elle, préfère recevoir dans son bureau installé dans l’une des ailes de cette demeure bourgeoise construite en 1749, avec vue imprenable sur le vaste parc.

Quatre mois après son élection, la présidente avoue avoir conserver sa liberté de parole

Toujours aussi souriante et élégante dans son tailleur couleur café, rehaussé par l’éclat de l’œil-de-tigre qu’elle porte autour du cou, la chef de l’État n’a pourtant plus un moment à elle. À peine rentrée de Rodrigues (la plus petite des trois îles de l’archipel des Mascareignes), elle se prépare pour sa réunion hebdomadaire du lendemain avec le Premier ministre. Elle s’envolera ensuite pour Nairobi, au Kenya, où elle doit participer à une conférence sur la santé en Afrique. Sans oublier la préparation des cérémonies du tricentenaire de la présence française à Maurice (qui a été célébré le 20 septembre).

Quatre mois après son élection, la présidente avoue « sortir encore un peu du cadre, parfois », et conserver sa liberté de parole, même si elle s’attache à rester au plus près des fonctions honorifiques qui seront les siennes pendant ces cinq prochaines années. « La présidence est un poste apolitique, et je compte demeurer apolitique », a-telle tenu à rappeler au moment de son investiture.

À 55 ans, Ameenah Gurib-Fakim entend aussi continuer de cultiver son jardin. Elle compte ainsi installer un « arboretum de la République » sur les 97 hectares du domaine présidentiel, afin de mettre en avant « le patrimoine unique que représente la flore mauricienne ». Après avoir fait tourner une dernière fois la vaste mappemonde offerte en 1993 par François Mitterrand à son prédécesseur, elle part se replonger dans la montagne de dossiers qui s’entassent sur son secrétaire. Devant l’entrée du château, le garde en grand uniforme kaki n’a pas bougé un cil. Figé, comme le temps qui semble avoir suspendu son vol sur le Réduit.

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