RD Congo : faut-il vraiment dialoguer ? Samy Badibanga refuse

C’est LA grande question qui agite le Tout-Kinshasa depuis que le président Kabila a annoncé l’ouverture d’un nouveau cycle de discussions, en novembre dernier. Manière de retarder le processus électoral ou garantie que les scrutins seront pour une fois apaisés ? J.A. ouvre le débat.

Samy Badibanga © GWENN DUBOURTHOUMIEU/J.A.

Samy Badibanga © GWENN DUBOURTHOUMIEU/J.A.

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Publié le 9 février 2016 Lecture : 3 minutes.

Samy Badibanga Président du groupe parlementaire Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) et alliés : NON

Pourquoi refuser le dialogue proposé par le gouvernement ?

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Nous voulons le dialogue, mais à certaines conditions : le pouvoir doit au préalable s’engager à respecter la Constitution, en ce qui concerne notamment la durée et le nombre des mandats. Nous souhaitons également que soit nommé un médiateur neutre, qui superviserait le processus. Or ce n’est pas ce que le pouvoir propose.

La nomination par l’Union africaine d’Edem Kodjo au poste de facilitateur ne vous satisfait donc pas ?

Ce n’est pas une question de personne, mais de méthode. Pourquoi l’UA a-t-elle pris cette initiative plutôt que de s’inscrire dans la dynamique existante ? Les Nations unies avaient déjà entamé des consultations pour la mise en place d’un dialogue auquel Étienne Tshisekedi acceptait de participer.

Cela aurait permis d’inclure des partenaires, tels que les États-Unis et l’Union européenne. Alors pourquoi l’UA a-t-elle débuté un nouveau processus ? Et pourquoi ne dit-elle rien quant au respect de la Constitution et du calendrier des élections ?

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Est-il encore possible d’organiser la présidentielle dans les limites constitutionnelles, c’est-à-dire avant le mois de décembre ?

C’est à la Commission électorale nationale indépendante [Ceni] de le dire, mais, à mon humble avis, ce n’est plus possible. Il ne nous reste que trente-six semaines pour intégrer sur les listes les électeurs qui viennent d’atteindre la majorité, pour réviser complètement le fichier électoral et ensuite le publier. Et lorsque la Ceni se sera prononcée, nous devrons établir des responsabilités. N’avions-nous pas, nous, parlementaires, voté des budgets à la Ceni qui ne lui ont pas été attribués ? Je pense que le pouvoir a intentionnellement refusé d’organiser les élections.

Il est vrai que l’UDPS a été, sinon dupée, du moins occupée par ce « prédialogue » qui n’a fait que retarder les choses

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Étienne Tshisekedi, le chef de l’UDPS, avait accepté un « prédialogue » avant de se rétracter. Ses atermoiements ne sont-ils pas l’une des raisons du retard qui a été pris ?

Le respect des textes et l’État de droit ont toujours été sa boussole. Il ne reviendra jamais là-dessus, et c’est heureux. Mais il est vrai que l’UDPS a été, sinon dupée, du moins occupée par ce « prédialogue » qui n’a fait que retarder les choses.

La position de l’UDPS n’est pas claire non plus sur la question du Front citoyen 2016. Le fils d’Étienne Tshisekedi, Félix, a signé la déclaration qui créait cette coalition avec d’autres leaders de la société civile et de l’opposition, mais pas le parti. Pourquoi ?

Félix Tshisekedi ne pouvait pas aller plus loin sans en référer aux instances du parti. Les discussions se poursuivent en son sein. D’ailleurs, à ce jour, l’éventualité d’une adhésion n’a pas été rejetée.

Félix a peut-être plus d’ambition et de volonté d’avancer, quand Étienne Tshisekedi a pour lui l’expérience et le recul

Étienne et Félix Tshisekedi sont-ils sur la même ligne ? On a parfois le sentiment que le parti bloque les initiatives de Félix…

Ils ont les mêmes objectifs, mais des méthodes différentes. Félix a peut-être plus d’ambition et de volonté d’avancer, quand Étienne Tshisekedi a pour lui l’expérience et le recul.

En décembre, vous et Félix Tshisekedi avez rencontré Moïse Katumbi, l’ancien gouverneur du Katanga, à Paris. L’UDPS envisage-t-elle une candidature unique ?

Moïse Katumbi fait aujourd’hui partie de l’opposition. Nous sommes d’accord avec lui sur le respect de la Constitution et sur l’alternance en 2016, et c’est cette bataille-là qu’il nous faut d’abord remporter. Il est trop tôt pour parler de candidature. Nous risquerions de tout perdre à nous diviser.

Cela étant, je crois que le temps d’un leadership individuel est révolu : la situation appelle au rassemblement. Avec une élection présidentielle à un seul tour, un accord doit être trouvé en amont.

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