Comment l’Algérie tente de réduire ses importations

Confronté à l’érosion de ses réserves de change et à la hausse de ses déficits, l’État multiplie les mesures pour rééquilibrer la balance commerciale. Souvent dans la précipitation, parfois avec maladresse.

L’usine Renault, à Oran. Pour favoriser la production locale, l’import de véhicules est soumis à des procédures renforcées. © BECHIR RAMZY/ANADOLU AGENCY/AFP

L’usine Renault, à Oran. Pour favoriser la production locale, l’import de véhicules est soumis à des procédures renforcées. © BECHIR RAMZY/ANADOLU AGENCY/AFP

Publié le 7 avril 2016 Lecture : 3 minutes.

Le 13 mars, la Banque d’Algérie a mis les nerfs des opérateurs économiques à rude épreuve lorsqu’elle a publié une note instaurant l’obligation, dans les deux jours suivants, de s’enregistrer sur le site internet de leur banque pour y domicilier leurs opérations de commerce extérieur. Le jour J, Kaddour Bentahar, directeur général des Douanes, a affirmé à l’agence de presse APS : « C’est un instrument nouveau qui va certainement permettre d’éliminer les fausses déclarations, les faux documents et les doubles déclarations. » Autrement dit, la prédomiciliation bancaire électronique vise un meilleur contrôle des importations, qui ont souvent fait l’objet de fraudes ou de surfacturations.

Peu habituées à fonctionner avec internet, utilisant davantage le fax, les banques – notamment publiques – ont été prises de court. « Pratiquement aucune d’entre elles n’était préparée à cette mesure. Nous aurions dû être prévenus plusieurs semaines à l’avance », confie un banquier d’un établissement privé. Pour certaines entreprises algériennes, cette décision inattendue a provoqué le blocage de leurs marchandises ou de leurs matières premières dans les ports du pays. « Cela alourdit les démarches administratives pour les producteurs de boissons tout en ralentissant l’activité en amont, avec notamment l’augmentation des coûts de stockage. Certains opérateurs ont même subi des pertes sèches », déclare, au nom de l’Association des producteurs algériens de boissons, Sahbi Othmani, le directeur général de NCA Rouiba.

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Un cafouillage est en passe d’être résolu

Certes, ce cafouillage est en passe d’être résolu. « Actuellement, une quinzaine de banques sont opérationnelles, et le commerce extérieur n’est plus bloqué », assure notre banquier. Mais ce n’est pas le premier couac depuis le début de l’année. Le 23 février, une circulaire des douanes a ainsi semé la confusion en indiquant que les produits importés de l’Union européenne et de la Grande Zone arabe de libre-échange seraient désormais soumis à un gel des franchises douanières, avec effet rétroactif au 1er janvier… alors qu’ils bénéficient d’accords de libre-échange. Vingt-quatre heures plus tard, les douanes ont précisé que les taxes ne s’appliqueraient qu’aux produits soumis à des licences d’importation, elles-mêmes instaurées en début d’année sur les véhicules, le ciment, le rond à béton ainsi que les contingents de produits agricoles et agroalimentaires. Les autorités examinent actuellement d’autres produits qui pourraient être soumis à des licences d’importation.

« Je veux bien que l’on diminue la facture des importations, mais il sera très difficile de demander aux Algériens de manger moins ou aux industriels de réduire leur production »

Cette vague de mesures, prises dans la précipitation et annoncées avec la plus grande maladresse, traduit une chose : la panique qui a gagné le navire Algérie, dont les capitaines cherchent à réduire à tout prix la facture des importations. L’effondrement du cours du pétrole, depuis 2014, a fragilisé les équilibres financiers du pays, alors que les hydrocarbures représentent 95 % de ses recettes extérieures et 60 % de son budget. Les finances publiques ont viré au rouge : le déficit budgétaire a atteint 16 % du PIB en 2015, selon le FMI, et la loi de finances 2016 prévoit un déficit de 27 milliards d’euros. Quant à la balance commerciale, elle est déficitaire depuis 2015, après des années d’excédents.

Pour compenser ces pertes, les autorités ont largement puisé dans les réserves de change, qui sont passées de 194 milliards à 143 milliards de dollars (environ 130 milliards d’euros) entre 2013 et 2015, d’après le FMI. À ce rythme, l’Algérie, qui importe quasiment tous ses produits de consommation, n’aura quasiment plus de réserves à l’horizon 2019. La dégradation de la situation financière du pays est d’autant plus inquiétante que plus de 70 % de ses importations (alimentation, biens d’équipement, intrants nécessaires à la production) sont incompressibles. « Je veux bien que l’on diminue la facture des importations, mais il sera très difficile de demander aux Algériens de manger moins ou aux industriels de réduire leur production », s’insurge un industriel.

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L’insuffisance des exportations en question

Pour sa part, Brahim Benabdeslem, vice-président du Forum des chefs d’entreprise (FCE), estime que « l’acte d’importer est utile pour une économie » Et d’ajouter : « Aujourd’hui, il est clair que les autorités doivent parfaire l’encadrement des importations. Mais ce n’est pas leur niveau élevé qui est inquiétant, c’est surtout l’insuffisance des exportations qui pose problème. » Avec la baisse des exportations d’hydrocarbures, en volume comme en valeur, et la faiblesse structurelle des exportations hors hydrocarbures (à peine plus de 2 milliards de dollars en 2015), le constat du FCE semble pertinent.

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Face à l’urgence, le gouvernement doit annoncer un nouveau programme économique en avril. Celui-ci visera-t-il une réelle diversification ? « C’est un moment propice pour sortir de la dépendance aux hydrocarbures », plaide Brahim Benabdeslem. À bon entendeur…

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