Portrait : Alain Ebobissé, un homme d’expérience à la tête d’Africa50

Lancé par la BAD en 2013, ce fonds dévolu aux infrastructures peine à décoller. Son nouveau directeur général, un Camerounais venu de l’IFC, saura-t-il activer la machine ?

Le Camerounais Alain Ebobissé © SAAD POUR J.A.

Le Camerounais Alain Ebobissé © SAAD POUR J.A.

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Publié le 12 mai 2016 Lecture : 4 minutes.

Alain Ebobissé aime les défis. Et celui auquel le Camerounais de 48 ans s’attaquera dans les prochaines semaines n’est pas des moindres : mettre définitivement en place le fonds Africa50, dont il a été nommé directeur général le 6 avril. Car, pour l’instant, ce projet lancé par la BAD en 2013 pour accélérer le développement des infrastructures en Afrique n’a donné lieu qu’à une série de déconvenues et de cafouillages.

Il y a d’abord eu cette annonce surprenante d’une introduction au Nasdaq, le second marché américain, dont on ne sait ce qu’elle est finalement devenue. Puis cette promesse de l’homme d’affaires nigérian Kola Aluko d’apporter 50 millions de dollars (environ 44 millions d’euros) à travers sa fondation, Made in Africa, qui a tourné en eau de boudin.

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Enfin, en juillet 2015, alors qu’Africa50 comptait mobiliser 1 milliard de dollars pour son premier tour de table, à peine 20 pays africains et la BAD ont répondu présent, apportant 830 millions de dollars. Et l’objectif de boucler une seconde levée de fonds avant la fin 2015 a été reporté au mois de juin…

« Il a l’expérience qu’il faut pour diriger une telle structure »

Dans le milieu des organisations internationales de financement du développement, la nomination d’Alain Ebobissé, responsable depuis 2007 d’IFC InfraVentures, le Fonds mondial pour le développement des projets d’infrastructures de la Société financière internationale (IFC, filiale de la Banque mondiale), est plutôt bien accueillie. « Il a l’expérience qu’il faut pour diriger une telle structure », dit un membre de l’équipe dirigeante d’Africa50.

« C’est un homme très engagé dans tout ce qu’il entreprend. En outre, il a une excellente vision à long terme des affaires susceptibles d’aboutir », jure pour sa part le Malien Ibrahim Togola, président d’Africa Power 1, un développeur indépendant qui détient, aux côtés du norvégien Scatec Solar et de l’IFC, 17,5 % des parts de la centrale solaire de Ségou (33 MW).

Les deux hommes se sont connus en avril 2011, lors de la réalisation de ce projet de 52 millions d’euros dont IFC InfraVentures a structuré une partie du financement. « Cela a accru le niveau de crédibilité et de visibilité du projet », affirme Ibrahim Togola.

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De nombreux défis

Arrivé premier au terme d’un processus de sélection piloté par le cabinet de recrutement Russel Reynolds Associates, Alain Ebobissé aura comme tâche prioritaire de porter le capital à 3 milliards de dollars en 2018 pour assurer la crédibilité d’Africa50. Il devra pour ce faire convaincre des poids lourds comme l’Angola, l’Algérie et l’Afrique du Sud – les deux derniers étant échaudés par l’implantation du siège de l’organisme à Casablanca – de rejoindre l’aventure.

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« Il a la compréhension des enjeux nécessaires pour relever ce défi. De manière générale, il n’y a pas de problème de mobilisation de fonds sur le continent : il y a beaucoup d’argent disponible, mais ce sont les projets bien conçus qui manquent », explique Yasser Charafi, chargé d’affaires au sein de l’équipe infrastructures en Afrique de l’IFC, basée à Dakar, qui le connaît depuis 2008.

Alain Ebobissé devra enfin achever la structuration d’Africa50, qui se compose d’une société d’investissement et d’une autre de développement des projets. Comme chez InfraVentures, il va s’atteler à constituer des équipes qualifiées pour ces différents métiers. Une urgence pour le deuxième compartiment, qui s’emploie actuellement à garnir son portefeuille d’infrastructures rentables devant être soumises au financement – en totalité ou en partie – du fonds. De l’avis du directeur intérimaire, Alassane Bâ, Africa50 dégagera cette année 200 millions de dollars pour une dizaine de projets.

Né d’un père enseignant de lycée – et ancien maire (Social Democratic Front, opposition) de l’une des six communes de Douala -, Alain Ebobissé est diplômé en gestion des entreprises de l’International School for Management Development (IMD) de Lausanne (Suisse).

Spécialiste de la gestion des projets, il a notamment travaillé sur la structuration de leur financement à la Caisse des dépôts et consignations, en France, avant de poser ses valises, en 1998, à l’IFC, où il s’est principalement consacré aux infrastructures et aux ressources naturelles, particulièrement en Afrique. Sur le continent, 92 milliards de dollars sont nécessaires chaque année pour combler le déficit en infrastructures. « Africa50 a été créé pour couvrir ce manque », indiquait, le 29 juillet 2015, son initiateur, le Rwandais Donald Kaberuka, lors de l’assemblée générale constitutive du fonds.

Une mission : rendre les projets bancables pour susciter l’intérêt des investisseurs

Le nouveau directeur général d’Africa50 peut déjà se targuer de quelques trophées en Afrique, notamment dans le domaine énergétique. Au Sénégal, InfraVentures a ainsi aidé le gouvernement sénégalais dans la conception et le montage du projet de la centrale à fioul lourd de Tobene (70 MW).

Le fonds a également soutenu Bamako pour les études de faisabilité du barrage hydroélectrique de Kenié (42 MW), et la même assistance est apportée au gouvernement camerounais pour la construction du barrage de Nachtigal, censé injecter 420 MW dans le réseau dès 2021.

Alain Ebobissé devra donc reproduire à Africa50 la recette qui a fait son succès à la tête d’InfraVentures : rendre les projets bancables pour susciter l’intérêt des investisseurs. Nommé à la tête d’une institution ayant principalement ciblé les infrastructures d’électrification, un secteur qu’il connaît bien, le Camerounais ne sera pas dépaysé en arrivant à Casablanca. Mais il devra impérativement relancer les autres domaines d’intervention : le transport, l’eau et les TIC.

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